Compost à la maison, poubelles dédiées, déchets mélangés... On a vérifié six idées reçues sur le tri des biodéchets, obligatoire le 1er janvier

À la maison, comme au travail, le tri à la source devient obligatoire à partir du 1er janvier 2024. Organisation, financement, odeurs... Avant la mise en place de cette mesure, franceinfo décrypte les idées reçues sur le traitement de ces biodéchets.
Article rédigé par Maxime Glorieux
Radio France
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Temps de lecture : 10 min
Une borne d'apport volontaire pour le tri des biodéchets, à Sélestat (Bas-Rhin). (THIERRY MARTEL / MAXPPP)

"On entend beaucoup de choses, les ménages ne savent plus forcément ce qui va se passer localement et il y a un vraiment besoin de communication." Pauline Debrabandere, coordinatrice de campagnes chez Zero Waste France, alerte sur franceinfo au sujet du retard pris par les collectivités pour mettre en place l'obligation du tri à la source des biodéchets dès le 1er janvier 2024, comme l'impose la loi anti-gaspillage (Agec) de 2020.

Votre poubelle d'ordures ménagères contient en moyenne un tiers de biodéchets, soit 80 kilos par an et par habitant, selon l'Agence de la transition écologique (Ademe). En 2019, lors de la dernière étude, une centaine de collectivités en France proposait une collecte séparée des biodéchets aux ménages, ce qui représentait 6,2% de la population française. Lorsque l'obligation de tri sera en vigueur, le 1er janvier prochain, moins du tiers des Français bénéficieront d'une solution de tri des biodéchets mise en place par leur collectivité comme le demande la loi, a indiqué l'Ademe en octobre.

1Non, ce n'est pas le compostage qui devient obligatoire, c'est le tri à la source

La loi Agec rend obligatoire le tri à la source des bioédéchets pour permettre de les valoriser, et le compostage n'est qu'une des solutions pour valoriser ces biodéchets. Il s'agit des déchets organiques, putrescibles, à la fois les "déchets verts", du jardin, et les déchets alimentaires, comme les restes de repas ou les épluchures par exemple.

Il est important de différencier d'un côté le tri à la source des biodéchets, qui est le fait de séparer ses biodéchets des ordures ménagères résiduelles (OMR), et de l'autre le compostage, qui consiste à transformer ces déchets organiques en engrais naturel : le compost, c'est le résultat du compostage.

"Il y a plein de solutions de tri à la source et le compostage en est une", résume Pauline Debrabandere. Si vous vous lancez dans le compostage individuel, dans votre cour, votre jardin, sur votre balcon ou pourquoi pas dans votre cuisine, vous réglez dans un même effort le tri à la source et la valorisation. Libre à vous d'utiliser ensuite votre propre compost pour vos plantes. Vous pouvez aussi participer à un compostage collectif, à l'échelle d'un immeuble, d'un quartier ou d'un jardin partagé.

Dans tous les cas, les collectivités ont l'obligation de faire en sorte que les biodéchets soient triés puis valorisés. Plusieurs possibilités : la collecte séparée, en porte-à-porte, avec un bac supplémentaire au couvercle le plus souvent marron, ramassé séparément par des camions poubelles, comme les autres bacs de tri (jaune pour les emballages, blanc pour le verre), ou la collecte via un "point d'apport volontaire", c'est-à-dire des poubelles partagées comme celles que l'on retrouve déjà dans la rue pour la collecte du verre, des déchets recyclables, ou encore des vêtements.

2Oui, il faudra une poubelle de plus dans votre cuisine, mais ce ne sera pas forcément à vous de l'acheter

Pour stocker les biodéchets chez vous, dans l'attente de les vider dans une poubelle dédiée dans le hall de votre immeuble ou dans un "point d'apport volontaire", vous aurez besoin d'un petit bac pouvant être glissé dans une cuisine avec, de préférence, de petits trous pour laisser respirer l'ensemble et éviter une macération trop rapide des biodéchets. Il vous faudra également un sac, soit en plastique compostable, soit en kraft, pour justement limiter les écoulements.

"Ce n'est pas à vous, citoyens, de vous équiper, prévient Pauline Debrabandere. On voit en vente dans plein de grandes enseignes des bio-seaux de collecte, des poubelles spécifiques ou des composteurs." À l'image des poubelles dédiées aux emballages recyclables, votre mairie ou votre agglomération doit vous fournir des bio-seaux, ou vous permettre une réduction sur l'achat d'un composteur.

"Techniquement, votre collectivité a l'obligation de vous accompagner financièrement si vous voulez faire du compost chez vous, ou vous former au compostage domestique avec un maître-composteur."

Pauline Debrabandere, coordinatrice de campagnes chez Zero Waste France

à franceinfo

"Cette loi, elle est sortie il y a déjà quelques années et elle n'avait pas été trop prise en compte par les collectivités, il faut le reconnaître", concède Jean-Charles Perrin, vice-président en charge de la collecte, du traitement et de la valorisation des déchets pour l'agglomération de Villefranche-Beaujolais-Saône. Dans cette zone qui rassemble 75 000 habitants dans 18 communes, un programme a été mis en place pour prendre en charge des composteurs à hauteur de 75%. Les ménages doivent donc débourser seulement 20 euros. Autre exemple, l'agglomération de Cholet (Maine-et-Loire) propose une aide de 50 euros pour l'achat d'un composteur.

3Non, les biodéchets, ça ne sent pas forcément mauvais

Seul le compostage à la maison peut amener des odeurs, mais il existe des façons d'équilibrer son compost pour limiter ces odeurs, avec notamment l'apport de matière sèche. Que vous le fassiez sur votre balcon, dans votre jardin ou dans un espace partagé, il faut veiller à l'équilibre du compost. S'il contient des lombrics, mieux vaut éviter de mettre des restes d'oignons, de l'ail ou de l'échalote, qui sont des vermifuges, ainsi que des peaux d'agrumes, qui contiennent trop d'acidité.

Il faut différencier le compostage à la maison ou partagé près de chez vous, et le dépôt et la collecte des biodéchets devant chez vous ou dans votre immeuble. Dans cette deuxième situation, le compostage ou la méthanisation est industrielle, il est donc possible de mettre tous les déchets, alimentaires ou végétaux.

Dans tous les cas, l'obligation du tri à la source signifie la mise en place de collectes régulières de la part des collectivités, pour éviter de stocker longtemps chez soi ces déchets alimentaires. 

4Oui, il faudra trouver une place dans votre immeuble pour un nouveau bac pour les biodéchets

"C'est une question qui a déjà été posée avec les bacs des emballages recyclables", admet Pauline Debrabandere de Zero Waste France, avant de rappeler que le tri à la source des biodéchets doit réduire la quantité d'ordures ménagères et donc le nombre de bacs dédiés. "On n'augmente pas la quantité de déchets stockés dans les cours d'immeubles".

Dans l'agglomération de Besançon, pionnière dans le domaine du tri des biodéchets, la quantité d'ordures ménagères a baissé de 23% en dix ans, passant de 180 à 138 kilos. Cette performance s'explique notamment par le développement de 300 composteurs d'immeubles, dont la création a été pilotée par une association. "S'il n'y a pas deux ou trois familles 'piliers' pour entraîner le système, pour faire en sorte que le compost mûrisse bien, soit remué et ne tombe pas immédiatement en décrépitude, ça ne peut pas se faire", indique Cyril Devesa, président du Sybert, le syndicat mixte en charge du traitement des déchets. 70% de la population de l'agglomération de Besançon a accès à une solution pour trier ses biodéchets.

Car encore faut-il que la dynamique se mette en place dans les immeubles d'habitations d'ici le 1er janvier prochain. "Ce n'est pas un sujet de préoccupation du tout, indique Emilie Allain, présidente de l'Association nationale de la copropriété et des copropriétaires (ANCC). Les propriétaires sont plutôt préoccupés par les augmentations du prix du gaz et les prochaines assemblées générales qui vont devoir valider éventuellement les nouvelles augmentations pour l'année 2024, donc c'est la priorité de pratiquement toutes les copropriétés". Elle dénonce le manque d'information sur l'organisation de cette collecte."Qui dit biodéchets dit poubelle spécifique et pour ça, il faut qu'elle soit disponible !"

5Non, tous les déchets, une fois triés, ne finiront pas de toutes les façons tous mélangés

Si vous ne compostez pas vous-mêmes et qu'une collecte est organisée dans votre commune, vos biodéchets seront pris en charge par des camions dédiés, car ils se décomposent plus rapidement que les ordures ménagères. Mais où sont ensuite déchargés ces biodéchets ? Ils ne prendront pas la direction d'une usine d'incinération, comme la plupart des autres déchets, ni d'un centre de tri. Ils seront dirigés vers un composteur ou une unité de méthanisation. Là, ils seront compostés à grande échelle (pour une décomposition de trois à six mois) ou traités dans un méthaniseur (30 à 90 jours). La méthanisation permet de produire du biogaz (principalement du méthane) qui, lui-même, permet de produire de l'électricité, du carburant ou de la chaleur.

Dans les deux situations, compostage ou méthanisation, les collectivités devront s'assurer de trois critères : l'agrément SPA3, qui permet de pouvoir traiter les déchets d'origine animale, un processus d'hygiénisation pour la méthanisation, et la présence d'un déconditionneur. S'il n'est pas obligatoire, ce dernier est fortement conseillé pour retirer les impuretés au sein des biodéchets.

"Si on prend le cas de la Normandie, on n'a certainement pas assez de filières de compostage ou de méthanisation pour accueillir ces biodéchets, c'est un peu le serpent qui se mord la queue, remarque Alexandre Farcy, responsable du pôle déchets dans l'association Biomasse Normandie, et coordinateur de l'observatoire des déchets dans la région. Les collectivités se posent la question de mettre en place des collectes séparées. S'il n'y a pas de collecte mise en place et si le gisement n'est pas là, ça freine un peu les porteurs de projets pour mettre en place des installations."

6Non, le tri des biodéchets ne va pas automatiquement faire augmenter les impôts locaux

L'installation d'un méthaniseur peut coûter plusieurs centaines de milliers d'euros. "La solution, c'est de s'adapter en fonction du territoire, explique Alexandre Farcy, qui préconise ainsi le compostage à domicile dans les territoires ruraux, et la collecte dans les milieux urbains. Il est préférable de mutualiser les moyens. Si on prend le cas d'une petite communauté de communes de 15 000 habitants, le gisement de biodéchets ne sera pas suffisant pour qu'elle puisse alimenter sa propre installation de méthanisation. Il vaudrait mieux qu'il y ait un méthanisateur qui desserve plusieurs communautés de communes."

"Les collectivités payent une taxe pour que leurs déchets soient incinérés", rappelle Pauline Debrabandere de Zero Waste France. Si un tiers des ordures ménagères sont aujourd'hui des biodéchets et que cette part est entièrement triée à terme, les collectivités baisseront leurs volumes incinérés et, de la même façon, leurs dépenses. "La collecte, pour une collectivité, c'est un peu plus de 100 euros la tonne de collecte et c'est autant pour l'incinération !" selon les calculs de Jean-Charles Perrin, vice-président en charge de la collecte, du traitement et de la valorisation des déchets pour l'agglomération de Villefranche-Beaujolais-Saône. "On brûle 4 000 à 5 000 tonnes d'eau par an, car les biodéchets, c'est de l'eau. On atteint un peu le ridicule. L'idée, c'est de sortir ces biodéchets de l'incinération pour éviter de brûler de l'eau !"

Mais la collecte des biodéchets peut représenter un coût. D'abord, avec un budget de communication pour sensibiliser les citoyens, puis éventuellement avec l'achat d'un camion de collecte dédié aux biodéchets. "Si on collecte séparément les biodéchets, on pourra réduire les fréquences de passage des camions de ramassage d'ordures ménagères", relativise Pauline Debrabandere de Zero Waste France.

Si le tri n'est pas effectué, il n’y a pour l'instant aucune sanction prévue, ni pour les ménages, ni pour les collectivités. Mais la valorisation des biodéchets reste une obligation européenne et il ne sera plus possible de mettre en décharge ou en centre de valorisation énergétique des résidus contenant des biodéchets à partir de 2025. Mettre en place une solution pour le tri des biodéchets "prend un à trois ans", souligne Karine Filmon, cheffe du service de valorisation des déchets à l'Ademe. Pour les collectivités qui ne se sont pas encore engagées, "il est temps de s'en soucier".


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