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Crise de la dette : "Le MES, utile mais pas suffisant"

Clemente de Lucia, économiste spécialisé sur les questions de la zone euro et des affaires monétaires chez BNP Paribas, analyse pour FTVi la rentrée de l'Eurozone.

Article rédigé par Isabel Contreras
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Le président Hollande et la chancelière allemande Angela Merkel à l'Elysée le 27 juin. (BERTRAND LANGLOIS / AFP)

ECONOMIE - "La Banque centrale européenne est prête à tout pour sauver l'euro". Ces paroles, prononcées le 26 juillet par son président, Mario Draghi, ont changé la donne sur le marché de la dette. Depuis, les taux d'intérêts des pays de la zone euro ont fortement baissé, les investisseurs se sentant rassurés par une BCE prête à se porter garante.

Résultat, l'Espagne a emprunté, mardi 21 août, 4,515 milliards d'euros à 12 et 18 mois. Par rapport à la dernière émission similaire, le 17 juillet, les taux ont chuté de 3,918% à 3,070% pour les bons à 12 mois, et de 4,242% à 3,335% pour ceux à 18 mois. Mais cet apaisement va-t-il durer ?

Clemente de Lucia, économiste spécialisé sur les questions de la zone euro et des affaires monétaires chez BNP Paribas, analyse pour FTVi la rentrée de l'Eurozone.

FTVi : D'après vous, ce climat de détente va-t-il durer ?

Clemente de Lucia : J'espère, le plus longtemps possible ! Mais il ne faut pas se faire d'illusions : nous restons dans un climat d'incertitude. Les investisseurs veulent davantage de mesures structurelles dans les pays de zone euro, comme des réformes du travail, par exemple.

Par ailleurs, ils attendent toujours que le nouveau Mécanisme européen de stabilité [le MES, qui prévoit de financer les pays en difficultés de la zone euro] soit opérationnel et apporte de la liquidité le plus tôt possible aux pays en déficit. Ce sera le premier pas vers l'unité monétaire et un signal de force de la zone euro. Mais pour cela, Il faut que les 17 pays membres l'adoptent avant que les investisseurs ne s'impatientent.

Doit-on s'attendre à une stabilisation du marché obligataire avec l'arrivée du MES ?

Certes, il va calmer les esprits. Mais il ne pourra pas tout résoudre. Le MES a une capacité d'intervention de 500 milliards d'euros, destinés à l'ensemble des pays. Et l'Italie, par exemple, affiche une dette de 1 900 milliards. Autant vous dire que le MES ne pourra pas subvenir à tous les besoins… Ce mécanisme sera donc utile, mais pas suffisant.

C'est pour ça que l'annonce de Mario Draghi a tant encouragé les marchés en août. Il  s'est dit prêt à "entreprendre des opérations sur le marché obligataire d'une taille adéquate", c'est-à-dire que la BCE pourra intervenir à hauteur des difficultés des pays. 

L'agenda de l'Eurozone reprend mercredi 21 août. Le président de l'Eurogroupe, Jean-Claude Juncker, est en visite à Athènes et Angela Merkel et François Hollande vont dîner ensemble à Berlin le lendemain. Le redémarrage des négociations pour une plus forte intégration européenne rassure-t-il les marchés ?

Bien sûr. Les investisseurs sont moins craintifs quand ils observent les efforts de l'ensemble des pays pour sortir de la crise. Regardez l'Espagne : s'ils ont pu placer leur dette aujourd'hui à des taux si bas, c'est aussi grâce aux nouvelles mesures d'austérité adoptées cet été par le gouvernement de Mariano Rajoy.

Certes, l'ensemble des membres de l'Eurozone savent que pour dénouer cette situation de crise il faut poursuivre les négociations. Le but reste toujours le même, évoqué depuis des mois : une plus forte intégration européenne, basée sur la mutualisation de la dette et une union politique.

Jörg Asmussen, membre du directoire de la BCE, a estimé récemment qu'une sortie de la Grèce de la zone euro serait "gérable", mais "très coûteuse". Pensez-vous qu'elle soit envisageable aujourd'hui ?

Oui, car le PIB de la Grèce ne représente que 2% du PIB de la zone euro. Mais cette sortie n'est pas conseillée, car le secteur financier de toute l'Eurozone en souffrirait. C'est la crédibilité de la monnaie unique qui est en jeu.

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