: Enquête France 2 Comment des coursiers Uber Eats ou Deliveroo sous-louent leurs comptes à des sans-papiers ou des mineurs
"L'Œil du 20 heures" a commandé via des applications de livraison comme Uber Eats ou Deliveroo. En allant récupérer la commande, nous avons découvert que ce sont parfois des migrants sans-papiers ou des mineurs qui nous apportent les repas. Une pratique illégale.
Qui livre vraiment vos repas quand vous passez commande en ligne ? A "L'Œil du 20 heures", nous nous sommes posé la question, après avoir utilisé la plateforme UberEats. Le livreur, qui nous apporte notre repas n’est pas celui en photo sur l’application, et il ne parle pas français. Il parle anglais et dit être originaire du Bangladesh. Au fil de la conversation, il nous avoue être sans-papiers. "Mon cas de réfugié va être étudié le 15 octobre", explique-t-il.
Comment a-t-il pu être livreur Uber Eats, sans être régularisé ? "Pour être honnête, avec le compte de mon frère", affirme-t-il. Cette pratique est interdite. Car sur cette application, pour être livreur, il faut avoir le statut d’auto-entrepreneur, fournir ses documents d’identité et une photographie. Pour une personne qui n’a pas de papiers, impossible de s'inscrire. Le seul moyen : utiliser les identifiants d’une autre personne.
Des mineurs travaillent également comme livreurs
Ce livreur venu du Bangladesh n'est pas le seul. Nous rencontrons un autre livreur, lui, réfugié de Côte d’Ivoire. Il travaille lui aussi avec le compte d’un autre et déplore l’exploitation de ses amis dans le même cas.
J’ai des amis, eux, ils ne sont pas bien payés, parce que celui qui met à disposition le compte prend la moitié du chiffre d'affaires.
Un livreurà France 2
Des livreurs sans papiers, Edouard Bernasse, membre du collectif des livreurs Deliveroo, affirme en voir tous les jours : "Ces gens-là sont dans la précarité extrême. Une course rémunérée deux euros, pour eux, c’est quand même des sous. A ce moment-là, une plateforme va en profiter, elle va tirer les prix vers le bas, du coup on sera tous rémunérés moins correctement."
Edouard Bernasse signale aussi qu’il croise souvent des mineurs. Il nous montre une vidéo, qu’il a lui-même tournée, et où on le voit rattraper un jeune cycliste et l’interpeller. L'adolescent dit avoir 16 ans et reconnaît être dans l'illégalité : "En fait, je suis sur le compte de quelqu'un, je n'ai pas le droit normalement." Le jeune homme affirme ne conserver que la moitié du chiffre d'affaires qu'il génère. L'autre moitié va dans les poches de celui qui met à sa disposition le compte Uber Eats, "un pote".
La location de comptes : un business bien organisé
Nous découvrons que la "location" de ses comptes est un vrai business. Nous avons trouvé un groupe privé Facebook où les annonces sont claires : "Compte Uber dispo ! 100 euros par semaine" ou "Je prends 15 euros par jour et le reste c’est à vous." Nous avons postulé en nous faisant passer pour un mineur. L'homme qui nous propose son compte nous assure que l'âge n'est pas un problème. C'est bien sûr complètement interdit. Quelques minutes après notre appel, nous recevons ses codes pour travailler sur son compte.
Travail interdit de mineur, travail dissimulé de migrants... Que répondent les plateformes ? "Tout livreur travaillant avec un mineur verra immédiatement son contrat prendre fin", assure Deliveroo. Réponse similaire chez Uber.
Lorsque nous recevons le signalement d’une telle pratique, nous retirons l'accès de notre application à l'individu concerné.
Uberà France 2
Seul souci, de l’aveu même de Deliveroo, ils n’avaient pas identifié le problème. Tout simplement car ces plateformes ne vérifient pas qui livre vraiment chez vous.
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