Échirolles : témoignage d'une mère
C'est la mère d'une des deux victimes qui raconte ce qu'elle a vécu, sans haine, dit-elle, avec un peu de pitié. Elle veut délivrer un message d'apaisement.
En hommage à Kevin Noubissi, Sofiane Tadbirt, 21 ans.
Elle aime se recueillir devant cette stèle à la mémoire de son fils Kevin et de Sofiane, deux amis morts, Iynchés par une quinzaine d'agresseurs qu'ils ne connaissaient pas. Une violence où la raison n'a pas sa place. A l'origine, un mauvais regard. Aurélie Monkam Noubissi est marquée à jamais. Le souvenir des heures suivant la mort de son fils bouleverse encore cette femme très croyante.
Je faisais des choses sans but. Je balayais alors que ce n'était pas sale. Il fallait que je m'occupe. Je rentrais dans la chambre de mon fils, je sortais aussitôt. En pliant le linge, je tombe sur son vêtement. C'est affreux. Je me dis "Il le mettra plus". Après, je me suis dit qu'il fallait faire quelque chose, j'allais devenir folle. Devenir folle.
Et vous décidez d'écrire.
D'abord j'ai lu la Bible. J'en avais besoin. On me disait "Pourquoi ?", "Pourquoi ?" Comment échapper aux pourquoi en tant qu'humain ? Les questions existentielles, on ne peut pas y échapper. Pourquoi ? Puis j'ai décidé de faire quelque chose et j'ai écrit au ministère de l'intérieur. Ce qui était arrivé à mon fils, il ne fallait pas que ça arrive à d'autres.
Trois jours plus tard, le Président et le ministre de l'intérieur lui rendent visite. Née au Cameroun dans une famille modeste, Aurélie est venue en France faire des études de médecine. Avec son mari aujourd'hui décédé, elle a eu 4 enfants. Kevin était un garçon sans histoires, étudiant en licence. Le lendemain de sa mort, Aurélie a continué à assurer ses consultations.
Montre-moi tes yeux. Quel bleu intense ! C'est des rendez-vous auxquels les parents tiennent beaucoup. Reporter bouscule leur agenda. Donc je suis venue et j'ai assuré ces consultations du samedi. Les parents n'ont rien vu de mon tumulte intérieur. Ils ont su après, ils étaient étonnés.
Le soir même elle prend la place de son fils, qui devait être témoin de mariage de son meilleur ami. Les fiancés voulaient tout annuler. Aurélie les en dissuade, en mémoire de son fils. Ecrire pour ne pas mourir. Elle raconte son cheminement intérieur pour apprendre à vivre son deuil. Elle s'interroge aussi sur la violence de certains jeunes.
Un enfant, c'est comme un pot à remplir. Si ce pot n'est pas rempli de bonne nourriture, le monde lui en apporte de la mauvaise. Le monde, c'est les jeux vidéo, les séries dé télévision, pleines d'armes à feu. Pan-pan, comme un jeu quoi! S'il est nourri avec de vraies valeurs, comme "ce qui est à l'autre n'est pas à toi", qu'il faut respecter la vie, c'est un cadeau, de la bonne.
Avec des habitants du quartier, elle a créé un collectif pour réfléchir sur les causes de la violence.
Elle a un message d'apaisement autour de ce qui s'est passé. Il n'y a pas de discours de vengeance, de haine dans ses paroles.
Dans quelques mois, les meurtriers présumés de Kevin et Sofiane seront jugés. Au-delà de la sanction, Aurélie espère que ce procès aura une vertu pédagogique.
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