Tempêtes solaires, la menace invisible
Un article paru jeudi dans la revue "Nature" assure que leur impact sur la Terre est sous-estimé. Explications.
Avis de tempête sur le Soleil ? Malgré les 150 millions de kilomètres qui la sépare de son étoile, la Terre n'est pas à l'abri d'une catastrophe. Une éruption solaire filmée le 16 avril par la Nasa fait ressurgir les craintes, chez les scientifiques, d'un orage solaire XXL qui pourrait avoir des retombées désastreuses sur notre planète. Cette tempête solaire pourrait désactiver satellites, GPS et installations électriques (entre autres). Un article paru jeudi 19 avril dans la revue Nature (lien payant) affirme que le risque est à l'heure actuelle sous-estimé. Explications.
Une tempête solaire, c'est quoi ?
La surface du Soleil est régulièrement balayée par des "vents solaires" plus ou moins forts, c'est-à-dire des émissions de plasma (gaz chargé électriquement) qui peuvent gagner la Terre. En temps normal, la planète est protégée naturellement par sa magnétosphère, qui agit comme un bouclier contre ces projections de particules ionisées. Mais parfois, ces vents se transforment en tempêtes ; des explosions apparaissent alors à la surface de l'astre. Des champs magnétiques appelés éjections de masse coronale (EMC), à l'origine des aurores boréales, accompagnent ce phénomène, comme l'explique le portail gouvernemental consacré à la science.
Cette vidéo de la Nasa montre que les éruptions solaires, impressionnantes à regarder, dégagent parfois tellement d'énergie qu'elles "pourraient fournir l'Europe en électricité pendant un million d'années".
Les tempêtes solaires reviennent tous les onze ans en moyenne. "Après avoir hiberné pendant quelques années, le Soleil s'est réveillé en 2010", raconte Tom Bogdan, directeur du Centre américain de prévision météorologique spatial, au magazine National Geographic (article en anglais). Après des mouvements importants ces dernières semaines, notamment en janvier, le gros pic d'activité devrait avoir lieu en 2013.
Dans ces cas d'activité intense, la Terre n'est plus nécessairement à l'abri.
Depuis 1859 : des télégraphes en feu et des villes plongées dans le noir
Lorsqu'elles sont trop puissantes, les EMC arrivent à percer la magnétosphère terrestre et entrent alors en contact avec le champ magnétique terrestre, générant des perturbations dites géomagnétiques. Le plus important phénomène du genre, à ce jour, a été observé en 1859. Le "Carrington event" (du nom de l'astronome britannique qui l'a observé) a tellement chamboulé le champ électromagnétique de la Terre que des fils télégraphiques se sont mis à scintiller et des télégraphes se sont enflammés, à la stupeur générale. Autre conséquence, des aurores boréales exceptionnelles sont apparues jusque dans les Montagnes rocheuses américaines, "suffisamment lumineuses pour réveiller les campeurs", raconte un rapport de la Nasa datant de 2009.
Des EMC comparables, quoique moins intenses, sont survenues à plusieurs reprises depuis. En 1989, par exemple, un orage magnétique a provoqué une panne de courant pendant neuf heures au Québec après la destruction d'infrastructures électriques. Le transformateur de la centrale nucléaire de Salem (New Jersey) a même été complètement grillé durant la perturbation magnétique du 13 mars 1989, rappelle le site Space Weather. Le dernier orage du genre remonte à 2003. Le "Halloween storms" a plongé la ville de Malmö (Suède) dans le noir complet, tout comme plusieurs localités d'Afrique du Sud.
Aujourd'hui : GPS, avions et transformateurs électriques menacés
Même si les tempêtes solaires sont par définition imprévisibles, il est possible de savoir quels impacts pourrait avoir l'irruption d'un orage magnétique de grande ampleur (le "Big One cosmique") sur la Terre. Les installations électriques seraient particulièrement menacées. En effet, au contact d'un transformateur, "le courant induit géomagnétiquement [par l'orage] engendre une magnétisation supplémentaire (...) qui peut saturer le noyau du transformateur", prévient Space Weather. De telles destructions priveraient d'électricité des millions d'habitants.
Autres cibles potentielles : les satellites (donc les GPS), les avions et les spationautes, tous évoluant à haute altitude. Mais surtout, c'est la crainte d'un effet domino qui alarme certains scientifiques, même si un tel scénario n'est pas envisagé en 2013. L'interconnexion des réseaux électriques, qui a normalement pour but de les protéger contre des défaillances localisées, les rend plus vulnérables à grande échelle.
"Privée d'ordinateurs, d'Internet, de GPS (indispensable pour dater les transactions bancaires), de satellites de télécommunications, notre économie, de plus en plus dépendante de ces nouvelles technologies, serait quasiment à l'arrêt", résume Le Figaro.
Comment se protéger des colères du Soleil ?
Depuis plusieurs années, "des satellites sont capables de détecter la projection de particules ionisées depuis le Soleil bien avant que celles-ci n'atteignent la Terre", rassure Tom Bogdan, du Centre américain de prévision météorologique spatial, cité par le National Geographic. "On a environ 20 heures pour déterminer quelles actions doivent être menées pour se protéger", poursuit son collègue Rodney Viereck. En cas d'orage géant, les autorités auraient donc la possibilité de mettre à l'arrêt quelques heures les transformateurs électriques et les centrales afin d'éviter une catastrophe à long terme. A quand un flash tempête solaire avant la météo ?
En 2007, la Nasa a lancé le projet Solar Shield (en anglais), en partenariat avec les compagnies électriques américaines, qui mène des recherches sur les réponses à apporter aux éruptions solaires. La Nasa doit également envoyer cette année une sonde dans l'espace pour "explorer les phénomènes extrêmes de la météo spatiale". Le projet est baptisé Radiation Belt Storm Probes Mission (en anglais). De son côté, l'Observatoire royal de Greenwich (Royaume-Uni) propose aux internautes de mutualiser leurs observations sur le site Solar Storm Watch, afin d'alerter les scientifiques en cas de constatations inquiétantes.
Néanmoins, de nombreux chercheurs déplorent que trop peu de moyens soient accordés à la surveillance de l'activité solaire. L'auteur de l'article paru dans Nature, Mike Hapgood, plaide pour changer les modèles scientifiques existants, qui ne permettent pas d'anticiper suffisamment. Selon lui, ces modèles "sont comparables à ceux de la climatologie il y a un demi-siècle".
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