: Vidéo "On est payés pour se taire" : la colère d'un éleveur indemnisé après des attaques d'ours
La réintroduction de l'ours dans les Pyrénées attise les tensions dans les montagnes et les vallées de l'Ariège. L'Etat indemnise les éleveurs pour les bêtes attaquées, mais pour certains, comme Robin dans cet extrait d'"Envoyé spécial", le compte n'y est pas.
L'an passé, il a déjà perdu 22 bêtes, et son estive de Trapèche est la plus touchée cette saison : 50 attaques en deux mois. A Bethmale, Robin Cazalé, 23 ans, a l'amour du métier, mais l'ours menace la rentabilité de son élevage. La nouvelle qu'il apprend ce matin-là au téléphone n'est pas faite pour lui remonter le moral. L'un des bergers qui gardent son troupeau lui décrit ce qu'il a entendu la veille : "comme des cris de chaton" suivis d'un grognement. Sans doute une mère ourse et ses oursons.
"On sait qu'ils y sont, mais ça remet un coup au moral, dit-il à "Envoyé spécial". Ils nous harcèlent, ces ours." L'Etat compense les pertes, mais pour Robin, le compte n'y est pas. Il vient justement de recevoir un chèque de 1 137 euros pour trois bêtes attaquées sur son exploitation. Pour une brebis, il touche 126 euros, plus 50 euros pour un agneau qu'elle aurait dû avoir à l'automne.
Un manque à gagner de 4 000 euros
Premier problème : ses agneaux, Robin les vend environ 80 euros. Et sur son plus beau bélier, il lui manque 300 euros par rapport au prix d'achat. Plus grave : selon lui, l'Etat ne prend pas en compte l'investissement que représente son troupeau. Le bélier n'aura pas de descendance, et il va manquer 50 agneaux à l'automne, explique-t-il. "Si on fait 50 fois 80 (le prix d'un agneau que j'aurais vendu), le compte, il est vite fait." Un manque à gagner de 4 000 euros pour un seul bélier : Robin est perdant sur toute la ligne.
"L'argent, il remplace rien. Ces 1 000 euros, ils remplaceront jamais les bêtes que j'ai perdues. On est payés pour se taire, c'est ça... Ça, c'est de l'argent pour se taire... et qu'on accepte la prédation, et qu'on se laisse faire, en gros. (...) J'en veux pas, de ça. C'est de l'argent sale, ça, poursuit-il. Le jour où ils le donnent plus et où il y a 200 ours dans les Pyrénées, qu'est-ce qu'on fait ? On disparaît... et ce sera l'Ariège sauvage."
Extrait de "L'ours de la discorde", un reportage à voir dans "Envoyé spécial" le 4 octobre 2018.
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