Sept choses à savoir sur l'alcool en poudre
Les autorités américaines ont autorisé par erreur la commercialisation d'alcool en poudre, avant de se raviser. Mais de quoi s'agit-il ?
Il veut changer l'eau en vodka. Mark Phillips, l'inventeur du Palcohol (contraction de powdered alcohol), espère lancer son produit aux Etats-Unis à l'automne 2014. Sa société, Lipsmark, veut remplacer les bouteilles d'alcool par des petits sachets de poudre, auxquels il suffit d'ajouter de l'eau pour obtenir du rhum, de la vodka, ou un cocktail.
L'Alcohol and Tobacco Tax and Trade Bureau a autorisé le produit, "par erreur", selon Tom Hogue, l'un des responsables de l'agence fédérale, avant de se rétracter, lundi 21 avril, rapporte CNN (en anglais). La société assure qu'un simple problème d'étiquetage est en cause et demandera rapidement une nouvelle autorisation sous peu.
Francetv info vous explique ce que l'on sait du Palcohol.
1Comment est-ce fabriqué ?
"Si nous vous le disons, nous serons obligés de vous tuer", plaisante la société Lipsmark, sur son site web. Le fabricant entend garder sa recette secrète et cherche à faire breveter son alcool en poudre. Il affirme que les six produits de sa gamme comportent "essentiellement de l'alcool", et pour les cocktails "des arômes naturels". Sauf qu'à l'état de base, l'éthanol qui compose l'alcool est forcément liquide.
Quelques connaissances en chimie suffisent toutefois pour envisager une hypothèse crédible : la maltodextrine, déjà utilisée en médecine, dans les arômes alimentaires et dans la cuisine moléculaire du chef Ferran Adrià. Il s'agit d'amidon de maïs, de pomme de terre ou de tapioca, débarrassé de son hydrogène. Elle sert à fixer les arômes, à rendre soluble des médicaments et à préparer de l'huile d'olive en poudre.
On en trouve donc déjà partout, des biscuits apéritifs aux sachets de Doliprane soluble dans un verre d'eau, mais aussi dans les compléments alimentaires des sportifs. Mark Phillips a peut-être même recours aux cyclodextrines, cousines de la maltodextrine, au pouvoir absorbant encore plus puissant, grâce à leur structure moléculaire en forme de cage.
2Alors ce n'est pas nouveau ?
Pas vraiment, à moins que l'entrepreneur, ancien sommelier, n'ait réellement mis au point une formule secrète inconnue des chimistes. Le premier brevet retrouvé par francetv info a été déposé en 1972, à base de dextrines déjà. Puis, en 2007, des étudiants néerlandais ont développé leur propre mélange, sur le même principe, selon Reuters (en anglais). Des produits presque identiques, à faible teneur en alcool, sont aussi commercialisés au Japon, par Sato Foods.
3Et je peux faire ça chez moi ?
Le site Popular Science, qui donne sa recette en anglais, recommande d'utiliser la maltodextrine de tapioca, vendue environ 5 euros les 50 grammes, sous le nom de N-Zorbit M, sur des sites consacrés à la cuisine high-tech. Les cyclodextrines sont difficiles à se procurer et coûtent beaucoup plus cher.
Popular Science précise même les dosages : 100 grammes de N-Zorbit pour 30 grammes d'alcool fort, rhum ou vodka. La poudre absorbe le liquide, formant une sorte de crumble, qu'il suffit de passer au tamis pour obtenir une poudre. Il ne reste plus qu'à stocker le résultat dans un récipient hermétique.
4Mais est-ce que ça ressemble vraiment à la vodka ?
Impossible de le savoir aujourd'hui, car le Palcohol de Lipsmark n'est pas commercialisé. Le concepteur affirme qu'une fois mélangée à de l'eau, sa poudre de vodka ou de rhum a le même goût et la même teneur en alcool que les versions originales. Il propose même un cocktail "Powderita", au goût de margarita, grâce à des arômes naturels et de la sucralose, un édulcorant artificiel puissant.
La maltodextrine est soluble à 100%. Elle ne modifie donc ni la couleur, ni la densité de l'eau. Une vodka en poudre devrait donc à peu près ressembler à une vodka liquide. Mais pour obtenir le jaune pâle d'une margarita ou le rose d'un cosmopolitan, des colorants, naturels ou artificiels, seraient indispensables. Lipsmark ne précise pas leur présence dans sa mystérieuse poudre.
5A quoi ça sert ?
Principal argument de la marque : un sachet de poudre est plus léger, moins fragile et donc plus facile à transporter qu'une bouteille. Le créateur du Palcohol a d'abord pensé aux personnes qui pratiquent le camping et voyagent avec un simple sac à dos.
Lipsmark envisage aussi son usage en cuisine, précisant que "quand vous ajoutez Palcohol à un plat, vous n'ajoutez pas vraiment du goût, juste de l'alcool". La poudre agit comme un exhausteur de goût plus que comme un arôme nouveau. Comme certaines grands-mères ajoutent du rhum dans la pâte à crêpes, le fabricant suggère d'essayer sa Powderita dans le guacamole.
6Est-ce dangereux ?
Autant que de l'alcool. La marque appelle à un "usage responsable", en précisant que le Palcohol sera soumis à la même législation que les bouteilles d'alcools forts. Aux Etats-Unis, la vente sera donc réservée aux boutiques autorisées et interdite aux moins de 21 ans.
Mais le produit devrait être peu coûteux et donc très accessible aux jeunes. La société refuse de communiquer ses futurs prix, cependant un indice laisse penser qu'ils seront loin d'être dissuasifs. Sur une première version de son site, désormais inaccessible, Lipsmark critiquait les prix élevés (de 10 à 20 dollars) des boissons alcoolisées dans les salles de concert et les stades, en se défendant d'inciter ses clients à enfreindre la loi.
S'il s'agit bien d'un mélange à base de maltodextrine, constituée de sucres, le produit peut aussi avoir des effets secondaires, selon la quantité absorbée. A commencer par une incidence sur la glycémie, à laquelle les personnes diabétiques doivent faire attention. En outre, troubles de la digestion, ballonnements, flatulences peuvent accompagner son absorption. Sans oublier une possible prise de poids.
7Est-ce qu'on peut le sniffer ?
Toujours dans la première version du site de Palcohol, la société devançait cette question : "Oui, vous pouvez le sniffer. Et vous serez ivre presque instantanément, car l'alcool sera très vite absorbé par votre nez. Bonne idée ? Non." Cette partie du texte n'est plus visible en ligne. La société assure que ce "vocabulaire un peu limite" n'était pas destiné au public.
Il reste un paragraphe à ce sujet. "Certains idiots demandent s'ils peuvent sniffer notre poudre. Ne le faites pas ! Ce n'est pas un mode de consommation responsable, ni malin." Des précautions ont donc été prises : le volume de la poudre a été augmenté pour diminuer la proportion d'alcool contenue, afin de rendre sa prise par le nez moins efficace. "La sniffer serait donc très douloureux, pour très peu d'effet." Mais ce type d'avertissement ne suffira probablement pas à décourager les "idiots".
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