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Coupe du monde 2022 : en Croatie, le football a été moyen de revendiquer l'existence du pays

Le football, particulièrement en Croatie, est au service de l'identité nationale. Chaque jour, pendant ce Mondial au Qatar, Jean-Marc Four donne un coup de projecteur sur les liens entre politique et ballon rond.
Article rédigé par franceinfo - Jean-Marc Four
Radio France
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Temps de lecture : 3min
Marcelo Gallardo et Zvonimir Boban le 26 juin 1998. Ce jour-là, la Croatie s'incline (1-0) face à l'Argentine, en phase de groupe. Pour leur première participation à la Coupe du monde, les Croates terminent à la troisième place. (HENRI SZWARC / BONGARTS / GETTY IMAGES)

La première demi-finale de la Coupe du monde football au Qatar a lieu mardi 13 décembre. Elle opposera l'Argentine à la Croatie. Lors du Mondial 2018 en Russie, la Croatie s'était inclinée face à la France en finale. Quatre ans plus tard, le pays est une nouvelle fois proche du trophée en or. Outre les aptitudes sportives de la sélection croate, l'explication de ce succès est aussi politique.

Le football a forgé l'identité nationale 

La Croatie est un petit pays, l’un des plus petits d’Europe avec à peine quatre millions d’habitants sur un territoire de 56 000 km². Cela représente par exemple, la taille de la région Grand Est. Sur le papier, la Croatie ne devrait pas pouvoir rivaliser. Pourtant, elle est au sommet parce que là-bas, le football est fondamentalement politique. Il est constitutif de l’identité nationale depuis l’indépendance du pays, il y a 30 ans. D'abord, la force et l’endurance physique sont valorisées dans les Balkans. Puis, au 20e siècle, Tito, l’homme fort de ce qui était alors l’ex-Yougoslavie, a érigé le sport en valeur essentielle. C’était une façon de construire "l’homme nouveau" et aussi de cimenter le pays qui regroupait six nations. 

Des groupuscules nationalistes dans les clubs de supporters croates et serbes

Quand le pays a éclaté en morceaux dans les années 90, le sport est naturellement devenu un vecteur de nationalisme, notamment dans les deux pays les plus importants par la taille et la population : la Serbie et la Croatie. La guerre entre ces deux pays a débuté en partie avec un match de foot. Les groupuscules extrémistes et nationalistes avaient alors investi les clubs de supporters. Le Dinamo Zagreb d'un côté, l’Étoile Rouge de Belgrade de l'autre. Le 13 mai 1990, un match doit opposer les deux clubs. Affrontements dans les rues, puis sur le terrain entre supporters avant même le début de la rencontre. Le capitaine du Dinamo, Zvonimir Boban, intervient pour défendre un supporter. Le footballeur se bat lui-même avec un policier. Le match est annulé.

Quelques mois plus tard, la Croatie proclame son indépendance. La guerre éclate. Elle durera cinq ans, jusqu’en 1995. Avec ce geste, ce 13 mai 1990, Boban est devenu un héros national. Le président croate Tudjman, fan de football, fait du ballon rond un moyen d’affirmer, de consolider l’existence du pays. Ça donnera la grande équipe de Croatie de 1998, celle battue par la France de Zinedine Zidane en quart finale du Mondial. 

Le sport comme ciment national

Depuis cette importance accordée au sport s’est poursuivie. La Croatie compte 1 500 clubs, plus de 12 000 associations sportives. Le pays brille dans les sports collectifs : le hand-ball, le waterpolo, le football. Il y a cette notion de solidarité et cette tradition de formation. Le Dinamo Zagreb possède l’un des meilleurs centres de formation d’Europe.

Puis, la Croatie a été, avec la Slovénie, le premier pays d’ex-Yougoslavie, à pouvoir adhérer à l’Union Européenne. Le pays a eu plus d'échanges avec ses voisins européens et s'est modernisé plus rapidement. Autre conséquences : les joueurs croates jouent dans les plus grands clubs européens. À l'exception du gardien qui joue à Zagreb, tous les footballeurs de l'équipe nationale jouent à l’étranger : à l’Inter Milan en Italie, à Chelsea ou Tottenham en Angleterre, à Leipzig en Allemagne et bien sûr au Real Madrid pour Luka Modric.

 

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