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Fausse naïveté, confidences dans "L'Amour est dans le pré", blagues de cul... Karine Le Marchand, une ambition ultime

Depuis des années, l'animatrice de "L'amour est dans le pré" et "Une ambition intime" pousse les célébrités, les politiques et les agriculteurs à se dévoiler à la télévision. Portrait d'une professionnelle droite dans ses bottes.

Article rédigé par Carole Bélingard
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 11min
Karine Le Marchand lors du tournage d'"Une ambition intime", le 9 septembre 2017. (CAMILLE HOBAKET / M6)

"Pardon les filles !" La silhouette élancée de Karine Le Marchand fend un groupe d'hommes d'une cinquantaine d'années, installés au comptoir d'une brasserie du 16e arrondissement de Paris, les interrompant en pleine conversation. Décontenancés, les habitués s'écartent pour la laisser passer, sourire aux lèvres. "Quand j’arrive de loin on me repère, je suis grande en plus, donc tant qu’à être reconnue, autant être drôle", élue "animatrice de la saison" en juin 2018 par les internautes du site spécialisé puremedias.com.

Confidente des agriculteurs, Karine Le Marchand présente, lundi 19 et 26 novembre, les bilans de la treizième saison de "L'amour est dans le pré" sur M6. Mais quelle est la vraie personnalité de celle qui pousse les autres à se dévoiler ? "Je n'ai pas de problèmes à parler de moi. Pour autant, je n'ai pas envie de me servir de ma vie privée pour exister", avertit-elle quand on la rencontre.

L'humour est dans le pré

L'animatrice l'assure : "Etre connue, ce n’est pas un rêve d’enfant." Mais la volonté d'être reconnue s'impose pour elle. "Ce n'est pas anodin quand on ne l'a pas été par son père", confie Karine Le Marchand. Le sien, originaire du Burundi, a laissé femme et enfants à Nancy (Meurthe-et-Moselle) pour repartir au pays. Elle n'avait qu'un an et demi. Elle grandit, "métisse dans une famille de blondes". Entourée notamment par sa mère. Certes "cool" mais "un peu dépassée", qui commence à faire ses comptes le 15 du mois. Karine Mfayokurera ne s'appelle pas encore Le Marchand, mais elle trouve sa marque de fabrique : l'humour. "Quand on voit sa maman un peu triste rire aux éclats, on a envie que cette satisfaction-là se reproduise", explique-t-elle pudiquement. 

Depuis, le rire est devenu sa "mécanique""Une hygiène de vie" même. Et de préférence "en dessous de la ceinture", quel que soit l'interlocuteur. Que ce soit une agricultrice de "L'amour est dans le pré", avec laquelle elle plaisante de la texture de son fromage de chèvre – "Tiens c'est mou et dur à la fois !" Ou Alain Juppé, qui évoque son ambition de jeunesse, "entrer dans un grand corps", et auquel elle n'hésite pas à rétorquer : "Vous ne parlez pas des femmes ?" 

Ça m'a posé un problème quand je suis arrivée à Paris, j’avais déjà cet humour-là et je me suis rendu compte que l’humour cul pouvait faire croire à un mec que c’était open.

Karine Le Marchand

à franceinfo

Sortie du lycée sans le bac, arrivée dans la capitale à tout juste 17 ans, Karine Le Marchand se lance dans une carrière de mannequin, quelques mois seulement. En manque de repères forts, la jeune femme se crée ses "limites", "forcément très rigides". Elle est très ponctuelle, met de l'argent de côté. Mais cela passe aussi par "la nourriture" avec des phases d'anorexie-boulimie.

"Elle bafouillait, mais elle captait la lumière"

Elle se reconvertit dans les médias. D'abord la radio, où elle enregistre des voix off. Ensuite la télévision. Dans le "Midi pile" de France 3 Paris Ile-de-France, Karine Le Marchand chroniqueuse débute en racontant l'histoire d'une chanson d'Edith Piaf ou en présentant une décoration de table de Noël. Rien à voir avec ses sujets de prédilection d'aujourd'hui. Mais on retrouve déjà à l'écran une manière de poser la voix, un ton, des expressions singulières. "C’étaient les tout débuts. Elle bafouillait parfois mais elle captait bien la lumière, elle avait le truc", se souvient Karine Tersin, alors assistante de production. 

KLM-MidiPile
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Karine Le Marchand obtient rapidement sa première émission, "Musique Musiques", toujours sur France 3.

C’est une forte personnalité évidente. Même si on est son chef, on ne lui impose rien.

Jean-Pierre Pasqualini, rédacteur en chef de "Musique musiques"

à franceinfo

Pas question de se laisser impressionner par sa hiérarchie, ni par ses invités. "Elle a fait rêver beaucoup de mecs, mais elle savait les moucher, développe Jean-Pierre Pasqualini. Une fois, sur un tournage, Stomy Bugsy l’a draguée et c’était insistant, limite lourd, elle a su lui dire 'ça suffit'." "C’est une femme libre, autonome et très organisée", abonde Isabelle Fonbonne, maquilleuse à France 3 Paris Ile-de-France. "Elle dit ce qu’elle pense, mais au moins ça pose les choses clairement", ajoute Dominique Adt, réalisateur de "A vos quartiers", une émission de patrimoine qu'elle a animée aux débuts des années 2000.

A l'époque, elle prenait déjà soin de son image. Elle refusait par exemple que les cameramen s’approchent trop d'elle pour faire des plans.

Dominique Adt

à franceinfo

klm-avosquartiers
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La reconnaissance du public arrive en 2010. Après un passage remarqué aux "Maternelles", sur France 5, Karine Le Marchand devient l'entremetteuse officielle de "L'amour est dans le pré". Elle est la troisième présentatrice de l'émission, après Véronique Mounier et Alessandra Sublet, mais c'est elle qui porte les audiences à des sommets. Jusqu'à 7 millions de téléspectateurs.

"Le fantasme de l'animatrice star"

Même l'Etat en fait une égérie de la campagne. Le 28 février 2013, en combinaison d'agricultrice customisée à grands renforts de paillettes, Karine Le Marchand reçoit des mains de Stéphane Le Foll "le poireau", l’Ordre du mérite agricole, pour "l'image positive qu'elle renvoie des agriculteurs". Quelques années auparavant, la présentatrice citadine confiait pourtant son "aversion pour la campagne". Mais ce jour-là, au ministère, dans le 7e arrondissement de Paris, une trentaine d'anciens de l’émission assistent à la cérémonie. "Ils sont venus sur leurs deniers personnels, raconte-t-elle. Quand j'ai vu qu'ils avaient fait le déplacement, je me suis écroulée. Ça m'a vraiment émue, ça voulait dire que je ne les avais pas trahis."

C’était vraiment une soirée très émouvante pour tout le monde et une vraie reconnaissance pour elle.

Rémi Branco, ex-chef de cabinet de Stéphane Le Foll

à franceinfo

L'animatrice assure qu'elle ne se sentait pourtant "pas tout à fait légitime" pour recevoir cette décoration : "OK, je leur donne la parole mais le programme est très fort grâce à eux. C'est eux qui ont changé, par leur façon de vivre, d'aimer, l'image des agriculteurs." Elle se met d'accord avec le ministère pour que les candidats reçoivent aussi les diplômes de l’Ordre du mérite agricole. "Même mon père et mon grand-père n'ont jamais reçu cette médaille, c'était extraordinaire", confie Pierre de Saint-Pastou, candidat de la saison 7.

Faut-il voir dans ce geste de la fausse modestie ou une vraie sincérité ? En plus d'être "une grosse bosseuse", elle "s'intéresse à la vie des gens", assure un ancien collaborateur. Mais ça ne l'empêche pas d'être aussi "cash" avec certains agriculteurs. 

Lors des portraits, elle est pareille avec les quatorze agriculteurs, après si une attitude ne lui plaît pas, elle n'hésite pas à le dire. Par exemple, si un agriculteur se comporte mal avec les filles ou s'il est macho. Elle a une certaine exigence.

Pierre de Saint-Pastou, ancien candidat de "L'amour est dans le pré"

à franceinfo

Karine Le Marchand lors d'un tournage de l'émission "Que sont-ils devenus", le 25 août 2017. (THOMAS PADILLA / M6)

Quitte à froisser. "Karine a dit qu’elle avait pris de mes nouvelles, c’est faux et archi-faux", s'est épanché un ancien candidat, Guillaume Barbier, dans VoiciPierre de Saint-Pastou tempère. Régulièrement, l'animatrice doit faire face à des rumeurs tenaces, qui entachent son image. Dans Gala, une source anonyme assure qu'elle marche "en talons" sur les tournages de "L'amour est dans le pré" et exige "un tapis de mousse". Pour répliquer, Karine Le Marchand opte pour la dérision.

Dans Télé Star, une autre source – également anonyme – affirme qu'elle aurait remercié un régisseur de l'émission pour la mauvaise marque de fromage blanc au buffet : "Je suis intolérante au lait de vache, je ne mange aucun laitage, c'est assez cocasse, non ?" rétorque-t-elle. "C’est complètement faux ! Toutes ces petites polémiques, ça nous fait mal pour elle", s'insurgent en chœur Pierre et Frédérique de Saint-Pastou, couple phare de "L'amour est dans le pré".

"Je crois qu'il y a le fantasme de l'animatrice star", analyse Karine Le Marchand. Elle y voit aussi "des attaques misogynes" : "On n'entend jamais ces choses-là pour des animateurs hommes." "Je n'accepte pas, c'est trop facile", lance-t-elle. De fait, l'animatrice a gardé une rancune tenace contre les deux médias, qu'elle qualifie désormais sur Twitter de "journaux foireux"des "torchons" avec des "journalistes en carton".

Et plus sa notoriété prend de l'ampleur, plus les polémiques se multiplient. Certaines ont raison de sa patience.  Le 8 mars, lors de la Journée des droits des femmes, l'animatrice publie un message à l'attention des "hommes aimants et respectueux, sans le regard desquels nous ne nous sentirions pas autant femmes". Ce tweet est villipendé sur les réseaux sociaux. Quelques jours plus tard, Karine Le Marchand décide de fermer son compte Twitter"Je ne veux pas devenir insipide en choisissant mes mots, je ne veux pas réduire ma pensée, changer mon humour, devenir politiquement correcte et me renier", explique-t-elle, invitant ceux qui veulent à la suivre à se rendre sur Instagram. A chaque fois, qu'importe, elle trace sa route.

Critiquée pour sa complaisance avec les politiques

Associée à l'image d'une confidente de l'amour, Karine Le Marchand décide d'investir le champ de la politique avant la présidentielle de 2017. "J'aime avancer et faire des choses innovantes", justifie-t-elle. Cette émission, c'est son bébé. L'œuvre de Potiche Prod, sa propre société.

Elle n'a peur de rien, elle ne doute pas et c’est ça sa grande force. 'Une ambition intime', c’est un sacré pari. Elle y pensait déjà il y a des années, elle m’en avait parlé. C’est extrêmement gonflé d’avoir mis ça à l’antenne.

Un ancien collaborateur de France 5

à franceinfo

Pas facile pourtant d'approcher le personnel politique quand on n'est pas du sérail. "Je n'avais même pas leur numéro de téléphone. Je n'arrivais pas à obtenir un rendez-vous avec leurs directeurs de cabinet", explique-t-elle dans une interview à L'Obs. Qu'importe. Elle y va au culot. Elle s'invite à un dîner du Crif, le Conseil représentatif des institutions juives de France, pour y convaincre Alain Juppé. Elle sollicite Carla Bruni, fan de "L'amour est dans le pré", et avec qui elle avait défilé il y a vingt ans, pour avoir Nicolas Sarkozy.

Avant même son arrivée à l'antenne, l'émission, jugée trop "complaisante" avec les politiques, est taclée par certains dans la profession. Karine Le Marchand est même accusée d'avoir "copiné" avec Marine Le Pen. Elle assume son format. Une ambition ultime pour elle ? En tout cas, un sentiment d'être arrivée à un point culminant de sa carrière. "Au départ, c'était tellement loin de ce que je suis, explique-t-elle. Au final, les hommes et femmes politiques ont eu suffisamment confiance de ce qu’ils percevaient de moi à la télévision pour me livrer quelque chose."

On me l'avait présentée comme une perruche qui allait faire de la peopolisation, j'ai découvert au contraire quelqu'un qui, sous une naïveté très calculée, est très organisée. Elle avait un regard extrêmement lucide et très acéré.

Jean-Luc Mélenchon

à "Télé Loisirs"

Et l'animatrice ne compte pas en rester là. Elle prépare déjà d'autres numéros d'"Une ambition intime" avec des politiques. Par ailleurs, celle qui soigne aussi son corps a lancé une application de running. Elle travaille également sur d'autres concepts d'émissions. "Je pense toujours que ça peut s’arrêter demain", assure-t-elle. En attendant, elle fonce et multiplie les projets, parce que "c'est le moment". Jusqu'où s'arrêtera cette ambition ? Seule limite qu'elle se fixe : "Je ne veux pas devenir une icône au risque de me perdre."

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