Attentats du 13 novembre : colère et critiques des victimes devant la commission d'enquête parlementaire
Des rescapés et des proches des victimes ont été entendues lundi par plusieurs députés à l'Assemblée nationale.
"Nous avons mille questions et nous attendons des réponses." Georges Salines, le président de l'association 13 novembre : fraternité et vérité, a été auditionné lundi 15 février par la commission d'enquête sur les attentats du 13 novembre. L'homme, qui a perdu sa fille lors des attaques meurtrières à Paris, a dénoncé "l'atroce impréparation" des dispositifs d'information le soir des événements et les jours qui ont suivi. D'autres proches de victimes et des rescapés ont été entendus par les députés lundi. Ils ont pointé les dysfonctionnements des dispositifs d'aide et d'information.
La prise en charge des victimes en question
Le récit de Caroline Langlade, rescapée du Bataclan et vice-présidente de l’association Life for Paris, fait froid dans le dos. Elle est restée coincée de longues heures dans une loge de la salle de spectacle avec une quarantaine de personnes. "On était quarante dans cette salle de 9 m², on a vécu trois heures d'attente", témoigne Caroline Langlade. Alors qu'elle appelle la police, la conversation va d'ailleurs mal tourner, comme le note LCP.
"La personne m'a demandé de parler plus fort. Je lui ai expliqué que j'étais otage et que le terroriste était toujours derrière la porte. La policière m'a répondu 'd'accord, mais vous êtes en train de bloquer la ligne pour une réelle urgence'", raconte la jeune femme. Finalement, Caroline Langlade hausse le ton mais elle se fait blâmer par ses compagnons d'infortune qui redoutent de se faire repérer par les terroristes. La policière lui raccroche au nez "en me disant 'tant pis pour vous'", relate-t-elle lors de son audition.
La prise en charge des victimes après les attentats a également été pointée du doigt. Alors que de nombreuses familles ont attendu jusqu'à trois jours pour avoir confirmation de la mort d'un des leurs, Georges Salines a raconté avoir appris le décès de sa fille par Twitter le lendemain des faits.
Les victimes et proches de présents à cette #ComEnquete sont encore en colère de la façon dont ils ont été pris en charge après le 13.11
— Helene Bekmezian (@Bekouz) 15 Février 2016
Autre exemple, celui de Sophie Dias, dont le père est mort à Saint-Denis. "Le numéro vert n’était pas accessible depuis l’étranger où je me trouvais. Quand ma mère, qui était en France, appelait pour avoir des nouvelles, on lui disait que si elle n’avait pas de nouvelles, c’était plutôt bon signe, ce qui n’était pas le cas", dit-elle face à la commission, comme le rapporte Le Monde. Mohamed Zenak, dont la fille a été blessée lorsqu'un kamikaze s'est fait exploser au Comptoir Voltaire, a aussi raconté l'absence de suivi de sa fille après trois semaines d'hospitalisation. "Elle avait peur, elle ne pouvait pas sortir de la maison, elle ne pouvait pas prendre le métro, alors comment faire ?" s'est-il interrogé, indique Slate.fr.
Les failles du renseignement pointées du doigt
"Comment se fait-il qu'un terroriste interdit de territoire français et européen se retrouve à diriger une attaque de cette ampleur ?" a demandé Mohamed Zenak, en référence à la présence à Paris du Belge Abdelhamid Abaaoud, organisateur présumé des attentats. Il a ainsi posé lors de son audition "la question des responsabilités" des services de l'Etat dans les failles relevées autour des attentats.
Il n'y avait "ni présence policière", ni "fouille" au Bataclan le soir des faits, alors que le mode opératoire des terroristes, à savoir l'attaque de salles de concert, était connu des services de sécurité, a aussi déploré Alexis Lebrun, un membre de l'association Life for Paris. Toujours selon lui, les forces de l'ordre ne disposaient pas du plan du Bataclan.
Lebrun, rescapé du Bataclan : "il me semble que lors de l'intervention, les forces de police n'avaient pas le plan de la salle" #ComEnquete
— Helene Bekmezian (@Bekouz) 15 Février 2016
La politique de l'exécutif mise en doute
Lors de son audition devant les députés, Georges Salines a critiqué les propos tenus par Manuel Valls, le 9 janvier 2016, à une cérémonie d'hommage aux victimes de l'Hyper Cacher. "Pour ces ennemis qui s'en prennent à leurs compatriotes, qui déchirent ce contrat qui nous unit, il ne peut y avoir aucune explication qui vaille. Car expliquer, c'est déjà vouloir un peu excuser", avait déclaré le Premier ministre.
"Je suis un peu inquiet d'entendre dire à un niveau très élevé de la République qu''expliquer le jihadisme, c'est déjà un peu l'excuser', a fait savoir Georges Salines. Je suis le dernier qui penserait à excuser les personnes qui ont tué ma fille ou celles qui les ont manipulés. Mais je pense qu'il est absolument essentiel de comprendre et d'expliquer les mécanismes qui conduisent des jeunes Français à prendre les armes contre des jeunes de leur âge."
L'homme n'est pas seul à vouloir "comprendre". "Ce sont des enfants de la République qui ont tué des enfants de la République. J’aimerais comprendre à quel moment on, la société française, les a perdus", a ajouté Aurelia Gilbert, rescapée du Bataclan, dont les propos ont été repérés par Le Monde. La déchéance de nationalité a également été fustigée par Grégory Reibenberg, patron du bar La Belle Equipe où vingt personnes ont perdu la vie. "Un symbole qui, à mon sens (...) ne sert à rien. C'est ça ? Alors vous avez un problème de moteur et vous vous occupez de la couleur de la banquette. Je ne comprends rien", a déploré Grégory Reibenberg.
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