: Vrai ou faux Les outils mis en place par Google pour lutter contre les fake news sont-ils efficaces ?
Comment éviter de relayer une fausse nouvelle, à l'heure où le Forum économique mondial a classé la désinformation parmi les plus grands risques pour l'humanité pour les deux prochaines années ? A l'occasion de la journée mondiale du fact-checking (vérification des faits), célébrée mardi 2 avril, Google a présenté sur son blog d'entreprise plusieurs fonctionnalités de recherche destinées à aider les internautes à "vérifier rapidement les contenus en ligne", notamment les "faits, images et sources d'information".
Ces fonctionnalités ne sont pas nouvelles, mais elles sont désormais accessibles aux internautes dans 40 langues, dont le français. L'outil "A propos de ce résultat", qui existait en anglais depuis 2021, apparaît ainsi à présent sur la version française du moteur de recherche en cliquant sur les trois points alignés verticalement à côté de chaque suggestion. Il permet d'obtenir des informations sur une source avant de cliquer dessus. Une fonctionnalité analogue dédiée à l'image a vu le jour en 2023. Google proposait également depuis 2017 un moteur de recherche, Fact Check Explorer, spécialisé dans les contenus de fact-checking mis en ligne par des sites spécialisés. Franceinfo a cherché à évaluer l'efficacité de ces différents outils.
Une source douteuse repérée en quelques clics
Nous effectuons un premier test en rentrant dans le moteur de recherche "France Soir", site d'actualité devenu le relais de contenus complotistes pendant la pandémie. En ouvrant le menu "A propos de ce résultat", on peut lire une description de l'encyclopédie en ligne Wikipédia évoquant "un ancien quotidien généraliste français qui a connu son apogée du milieu des années 1950 à celui des années 1960". Un résultat peu alarmant à première vue.
Mais en cliquant sur la mention "En savoir plus sur cette page", Google affiche des articles du Monde et de Radio France évoquant le changement de ligne éditoriale du titre et sa propension à propager des fausses informations. Ainsi, en quelques minutes, il a été possible de comprendre qu'il s'agissait d'une source douteuse. France Soir a par ailleurs a obtenu la note de 22,5/100 auprès de Newsguard, start-up américaine spécialisée dans le suivi de la désinformation, qui évalue le degré de fiabilité des médias.
L'origine d'un cliché plus facilement identifiable
La défiance des internautes s'applique aussi aux images : sept personnes sur dix affirment ne pas avoir totalement confiance en leur capacité à juger si des images vues en ligne sont authentiques, d'après une étude (document PDF) publiée en août 2023 par l'Institut Poynter, ONG américaine spécialisée dans le fact-checking. En effet, si une majorité des sondés s'inquiètent de l'existence d'images trompeuses ou de médias générées par l'intelligence artificielle, ceux-ci estiment ne pas avoir les compétences nécessaires pour les repérer.
"Les gens se tournent vers Google pour les aider à découvrir et à comprendre des informations. Nous nous efforçons non seulement de fournir des informations de haute qualité, mais également de développer de nouveaux outils de maîtrise de l'information pour aider les gens à comprendre ce qu'ils voient en ligne", a assuré Nidhi Hebbar, chef de produit senior chez Google Search, interrogée par Poynter en octobre 2023.
Pour tenter de remédier à cette problématique, Google a mis en ligne en 2023 la fonctionnalité "A propos de cette image". Cet outil permet de vérifier le contexte d'une image apparaissant dans les résultats du moteur de recherche en détaillant son historique, sa description, son utilisation par d'autres sites, et le cas échéant, ses métadonnées – c'est-à-dire les données numériques reliées à une image, comme sa résolution, le lieu ou encore la date de prise de vue… Nous l'avons testée en tapant "pape doudoune blanche" sur Google.
En cliquant sur les points alignés verticalement qui apparaissent en sélectionnant une photo d'illustration d'un article de Vanity Fair proposé dans les résultats, le moteur de recherche nous signale qu'"il existe une version de cette image datant d'au moins un an" et fait remonter plusieurs articles francophones sur ce qui est en réalité une image générée par l'intelligence artificielle Midjourney.
Un moteur de recherche à destination des chercheurs et des journalistes
Le géant du numérique évoque en outre sur son blog l'existence plus de 150 000 contenus vérifiés par des "éditeurs renommés de partout dans le monde", accessibles grâce à son moteur de recherche Fact Check Explorer. Celui-ci permet aux journalistes et aux chercheurs de repérer des affirmations qui ont déjà été vérifiées par des médias.
Nous avons formulé une requête précise : "La voiture électrique est-elle plus polluante que la voiture thermique ?", et n'avons obtenu aucun résultat. La simple recherche de l'expression "voiture électrique" s'avère plus fructueuse : le premier résultat renvoie à une vérification de l'AFP Factuel, publiée le 29 mars, intitulée "Non, une étude n'a pas conclu que les voitures électriques polluent '1850 fois plus' que les véhicules à carburant".
La valeur ajoutée de ce moteur de recherche réside dans le fait de visualiser rapidement l'évaluation du niveau de véracité de l'affirmation par l'article du média proposé dans les résultats. Ainsi, avant même de cliquer sur l'article, Google nous prévient que l'affirmation : "les voitures électriques polluent 1 850 fois plus que les véhicules à carburant, selon une étude" a été analysée par l'AFP comme étant "fausse". Les résultats renvoient également à un article de franceinfo analysant une déclaration de Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique, sur les économies d'essence obtenues grâce à la voiture électrique.
Google assure sur son blog que 70% des utilisateurs de Fact Check Explorer, qui inclut la fonctionnalité "Contexte de l'image", estiment que ces nouveaux outils les "ont aidés à réduire leur temps d'investigation sur une image".
Un outil aux résultats "fiables" mais "insuffisants"
Fact Check Explorer comporte toutefois plusieurs limites, pointées par un rapport (document PDF) de l'observatoire français De Facto. Cette organisation spécialisée dans la lutte contre la désinformation déplore que "les informations vérifiées [par les médias de fact-checking] n'apparaissent toujours pas dans les résultats de recherche ordinaire de Google, comme elles le devraient". Autrement dit, un internaute qui désirerait vérifier la véracité d'une information aurait davantage intérêt à utiliser Fact Check Explorer que le service de recherche traditionnel de Google. Fact Check Explorer constitue ainsi "un outil utile pour les professionnels du fact-checking, mais pas pour les utilisateurs ordinaires peu familiers avec la technologie", résume De Facto dans son rapport.
Un problème d'accessibilité, auquel se rajoute un problème d'exhaustivité. Une étude de l'Université de Floride parue en février 2024 a évalué l'efficacité des services de fact-checking de Google pendant la pandémie de Covid-19 en leur soumettant mille déclarations erronées sur la maladie. Leur conclusion est sans appel : "Nous avons constaté que Google (…) ne pouvait pas fournir suffisamment d'informations de vérification des faits pour la plupart des fausses déclarations, même si les résultats fournis sont relativement fiables et utiles".
Ces outils de lutte contre la désinformation ont été créés dans le sillon de la Google News Initiative, projet lancé en 2018 par l'entreprise pour "faire émerger une information fiable et de qualité" à l'ère du numérique, en collaboration avec des journalistes et éditeurs de presse. S'ils ne permettent pas à eux seuls d'endiguer la désinformation présente en ligne, ils ont le mérite de faciliter la tâche des internautes familiers de leur fonctionnement et des professionnels du secteur. "Plusieurs études ont démontré que la vérification des faits peut réduire la propagation de la désinformation sur les réseaux sociaux", rappelle l'observatoire De Facto dans son rapport.
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