Vrai ou faux Le Conseil constitutionnel a-t-il vraiment décidé que des squatteurs pouvaient attaquer un propriétaire en justice pour avoir mal entretenu son bien ?

L'article 7 de la loi "anti-squat" a bien été censuré par le Conseil constitutionnel, mais cela n'implique pas que des squatteurs puissent porter plainte contre le propriétaire d'un bien.
Article rédigé par Pauline Lecouvé
France Télévisions
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Le fronton du Conseil constitutionnel, le 18 mars 2017, à Paris. (JACQUES DEMARTHON / AFP)

"La prochaine étape, c'est de leur remplir le frigo ?" Sur Twitter, la décision du Conseil constitutionnel de censurer l'article 7 de la loi anti-squat, a déclenché une vague d'indignation. De nombreux internautes, dont des personnalités politiques principalement situées à droite, ont argué que grâce à la censure de cet article, les squatteurs auraient désormais la possibilité d'attaquer en justice le propriétaire du logement qu'ils occupent s'il n'entretient pas son bien. Le Conseil constitutionnel a dû faire une mise au point pour démentir cette interprétation trompeuse de sa décision.

Rembobinons l'affaire. Proposée par la majorité présidentielle, la loi dite "anti-squat" a été adoptée le 14 juin par le Parlement. Cette loi alourdit les sanctions maximales qu'encourent les squatteurs. Ceux-ci encourent à présent jusqu'à 45 000 euros d'amende et trois ans de prison, contre 15 000 euros et un an de prison auparavant. Mais la loi ne s'arrête pas là. En cas de loyers impayés, le propriétaire peut désormais accélérer la procédure d'expulsion en ayant recours à une "clause de résiliation de plein droit", qui lui permet de résilier le bail plus rapidement. La Fondation Abbé Pierre a dénoncé une "guerre aux pauvres", tout comme de nombreux députés de gauche.

L'article 7 censuré par le Conseil constitutionnel

Une fois le texte adopté par le Parlement, une soixantaine de députés issus de la Nupes ont saisi le Conseil constitutionnel, estimant que la nouvelle loi porte notamment atteinte "à l'objectif à valeur constitutionnelle de droit au logement décent", ainsi qu'au "principe à valeur constitutionnelle de sauvegarde de la dignité humaine".

Le recours des élus de gauche (PDF) portait sur de nombreux articles du texte, dont l'un – l'article 7 – prévoyait en effet de libérer le propriétaire d'un bien squatté de sa responsabilité "en cas de dommage résultant d’un défaut d’entretien du bien" pendant la période d’occupation. "En cas de dommage causé à un tiers, la responsabilité incombe dès lors à l’occupant sans droit ni titre du bien immobilier", explicitait le texte de loi. Les propriétaires n'auraient donc plus été légalement tenus d'entretenir leur bien, au risque de mettre en danger des personnes tierces, comme des voisins ou des passants.

Après examen, le Conseil constitutionnel a décidé, dans une décision rendue le 26 juillet, de censurer l'article 7. "Les dispositions contestées portent une atteinte disproportionnée au droit des victimes d’obtenir réparation du préjudice résultant du défaut d’entretien d’un bâtiment en ruine", détaillent les Sages. Concrètement, transférer la responsabilité du propriétaire aux squatteurs – qui sont souvent des personnes insolvables et pas toujours identifiées – aurait significativement réduit la possibilité d'obtenir réparation pour les éventuelles victimes d'un accident causé par un manque d'entretien du bâtiment squatté. Prenant en compte cet avis du Conseil constitutionnel, la loi a été promulguée le 27 juillet, amputée de son article 7.

La mise au point du Conseil constitutionnel 

La décision du Conseil constitutionnel a provoqué l'ire de plusieurs personnalités. "Désormais un squatteur peut poursuivre un propriétaire s’il ne vient pas entretenir son logement. Où va-t-on ?", s'est indigné le 28 juillet sur Twitter Louis Aliot, vice-président du Rassemblement national. Comme le maire de Perpignan, Marion Maréchal, Eric Zemmour, mais aussi des élus Les Républicains, comme la sénatrice Valérie Boyer, se sont offusqués de cette décision.

Face à la mauvaise interprétation de sa décision et à la polémique qui en a découlé, le Conseil constitutionnel a, chose rare, publié un communiqué clarifiant les implications de sa censure de l'article 7. "Divers commentateurs ont cru devoir affirmer que le Conseil constitutionnel aurait décidé que, désormais, tout occupant illicite d’un logement pourrait obtenir réparation du propriétaire si le bien occupé est mal entretenu. Telle n’est nullement la portée de la décision du Conseil constitutionnel", démentent les Sages.

En effet, "la censure de l’article 7 de la loi déférée a pour seul effet de maintenir l’état du droit" jusqu'alors en vigueur, explique le communiqué. Or, le droit actuel ne prévoit pas pour les squatteurs un droit spécifique à se retourner contre le propriétaire du bien qu'ils squattent si celui-ci ne l'entretient pas. Comme le dispose l'article 1244 du Code civil, "le propriétaire d'un bâtiment est responsable du dommage causé par sa ruine, lorsqu'elle est arrivée par une suite du défaut d'entretien ou par le vice de sa construction".

Cependant, le Conseil ajoute qu'il n'interdit pas au législateur de réformer le droit "pour aménager la répartition des responsabilités entre le propriétaire et l’occupant illicite", tant qu'il protège les droits des potentielles victimes d'un accident lié au mauvais entretien du bâtiment.

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