Après le mariage pour tous, que vont devenir les autres réformes sociétales ?
PMA, droit de vote des étrangers, fin de vie : ces sujets souffrent de l'agitation provoquée par les débats sur l'ouverture du mariage aux personnes de même sexe.
Peu de lois ont été aussi longuement et intensément débattues au Parlement et auront autant divisé la société que le mariage pour tous, adopté mardi 23 avril. Conséquence de cette épopée parlementaire, les autres réformes sociétales promises par François Hollande risquent d'attendre. Longtemps.
La PMA renvoyée à plus tard
"Victoire amère, il manque la PMA", affichaient les militants du collectif Oui Oui Oui, le soir du vote du mariage pour tous. A la tribune, place Baudoyer, dans le 4e arrondissement de Paris, les élus qui ont défendu la réforme se sont succédé et l'ont affirmé : le combat continue pour l'accès des couples de lesbiennes à la procréation médicalement assistée. Mais du côté du gouvernement, l'heure est à l'apaisement et la loi a peu de chances de voir le jour avant la fin du mandat socialiste.
La ministre de la Famille, Dominique Bertinotti, a déclaré le 3 mars que la PMA "sera[it] abordée" lors des discussions sur la loi Famille. Mais la saisie du Comité consultatif national d'éthique (CCNE) a été interprétée par beaucoup comme une esquive d'un gouvernement qui ne serait pas malheureux de se ranger derrière un avis négatif. La sénatrice écologiste Esther Benbassa se dit "dubitative" sur l'inscription de la PMA dans la loi sur la famille. "Il aurait fallu que la PMA fasse partie du projet de loi dès le mois de juillet 2012. J'étais très enthousiaste lorsque j'ai déposé un amendement en ce sens, mais si le gouvernement n'en veut pas, on ne peut rien faire."
L'exécutif est jusqu'à présent resté flou sur la question. Le projet de loi qui devait être présenté en Conseil des ministres le 27 mars a été reporté à la fin de l'année. Pourraient y figurer les questions du statut des beaux-parents, de la garde des enfants divorcés, de l'adoption et de l'accès aux origines personnelles des personnes nées sous X.
Exit le droit de vote des étrangers
Le droit de vote des étrangers, lui, devrait passer à la trappe. La réforme devait faire partie de la révision constitutionnelle présentée en mars au Conseil des ministres mais a été retirée, faute de soutien hors de la majorité. Une modification de la Constitution nécessite l'approbation des trois cinquièmes du Congrès. L'UDI, un temps approchée, a opposé une fin de non-recevoir. L'UMP est hostile au projet depuis le début.
Peu de chances donc que le gouvernement se batte pour une réforme peu populaire. Mais pour le député PS Razzy Hammadi, pas de problème : "La réforme sera proposée d'une manière ou d'une autre. Et même si elle ne passe pas, les Français ne nous en voudront pas car la majorité aura voté pour au Sénat et à l'Assemblée."
La loi sur la fin de vie, "pas une priorité"
"Si le gouvernement veut transposer le droit belge en légalisant une forme d'euthanasie active, l'opposition sera frontale, assure le député UMP Jean Leonetti, auteur de la loi du même nom qui encadre depuis 2005 la fin de vie. La société n'évolue pas en dents de scie. S'il ne veut pas revivre le mariage pour tous, qu'il adopte une position sage et de consensus."
Le gouvernement doit présenter son projet de loi sur la fin de vie en juin. D'ici là, le CCNE se prononcera sur trois points développés par le rapport Sicard (PDF) et qui définiront les grandes lignes de la loi : les directives anticipées (instructions écrites de la personne sur la façon dont elle souhaite être prise en charge en fin de vie), "conditions strictes pour permettre à un malade conscient et autonome, atteint d'une maladie grave et incurable, d'être accompagné et assisté dans sa volonté de mettre lui-même un terme à sa vie" et la dignité de la fin de vie, une fois le traitement interrompu. Pas d'euthanasie active donc, mais la porte ouverte au suicide assisté.
"Même si les têtes de pont de l'opposition à l'euthanasie comme Christine Boutin ou Jean-Frédéric Poisson étaient en tête de la mobilisation contre le mariage pour tous, la population ne les suivrait pas, affirme le délégué général de l'Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD), Philippe Lohéac, qui milite pour la légalisation de l'euthanasie. La question de l'euthanasie fait consensus dans la population, y compris chez les catholiques." D'après un sondage Ifop réalisé en 2010 pour le journal Sud Ouest, 89% des catholiques pratiquants se disent favorables à une légalisation de l'euthanasie.
Mais Gaëtan Gorce, auteur d'une proposition de loi sur le sujet, imagine mal que le texte arrive au Parlement en juin. Selon le sénateur PS de la Nièvre, "l'Assemblée dispose de tous les éléments pour se positionner, mais vu la gravité du contexte économique et financier, les lois qui ne concernent pas le redressement économique et social du pays ne sont pas prioritaires."
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