Tribune contre les féminicides : "Il y a des signes qui peuvent alerter sur les départs de la violence", témoigne la mère d'une victime
Trente-cinq familles de victimes ont signé vendredi une tribune sur le site de franceinfo. Elles réclament notamment d'inscrire le terme "féminicide" dans le code pénal.
"Il y a des signes qui peuvent alerter sur les départs de la violence. [Dans le cas de ma fille], j'ai su après coup", explique, vendredi 19 juillet à franceinfo, Mylène Jacquet, la mère de Savannah Torrenti, tuée le 1er mai 2016 à Ajaccio. Elle fait partie des signataires de la tribune de familles et proches de victimes de féminicides publiée sur le site de franceinfo. Cette tribune propose des mesures contre les violences conjugales, comme l'inscription du terme féminicide dans le code pénal et des actions de sensibilisation auprès de la jeunesse.
franceinfo : Le meurtre de votre fille aurait-il pu être évité ?
Mylène Jacquet : Oui, ce meurtre aurait pu être évité si on avait été plus sensibilisé aux problèmes de relation entre les jeunes. Il faut intervenir auprès des jeunes, il faut sensibiliser la jeunesse dans le cadre d’actions. Il y a des signes qui peuvent alerter sur les départs de la violence et on n’a pas conscience que ce sont des violences. [Dans le cas de ma fille], j'ai su après coup. Il aurait suffi que je me rende compte que la relation était tendue par moment, qu’il avait déjà, dès le départ, une emprise sur elle. Il l’empêchait de faire certaines choses, il avait des façons de s’exprimer avec elle qui n’étaient pas saines. On ne le perçoit pas forcément au début.
Avait-elle pu s’adresser aux forces de l’ordre ?
Non, elle n’a jamais eu l'occasion de le faire. Elle était dans une relation qui avait des hauts et des bas, des séparations et des rapprochements. Elle avait affaire à quelqu’un qui la connaissait bien, qui savait comment faire avec elle et qui, quand il voyait qu’il allait trop loin, faisait marche arrière et redevenait l’homme idéal. Il est incarcéré. Son jugement a eu lieu, il a été condamné à vingt-six ans de prison.
Je me rends compte en accompagnant des femmes que la personne qui les reçoit n’est pas formée pour intégrer la réalité des violences et l’état dans lequel sont les victimes.
Mylène Jacquetà franceinfo
Elles sont dans un état de sidération qui fait qu’elles n’arrivent plus à expliquer. Accompagner les victimes est devenu ma façon de pouvoir avancer, c’est-à-dire de pouvoir apporter ma contribution dans cette lutte, de pouvoir rencontrer ces femmes qui ne savent plus comment faire.
Vous demandez l’inscription du terme féminicide dans le code pénal. Qu'est-ce que cela changerait à vos yeux ?
Je pense que cela donnerait une réalité à cette violence qui est infligée aux femmes. Elles sont tuées parce qu’elles sont des femmes. Pourquoi on les tue ? Pourquoi des hommes pensent avoir le droit d’ôter la vie à des femmes ? Parce que depuis des générations, depuis la petite enfance, on inculque aux enfants une différence, on élève différemment les enfants et c’est inconscient. On leur met dans la tête dès les premières années que les hommes ont plus de droits que les femmes. Il y a énormément de choses à changer. Il faut que les forces de l’ordre soient formées.
Si vous aviez un message à faire passer aujourd’hui au gouvernement avant ce Grenelle des violences conjugales quel serait-il ?
Ce serait de vraiment prendre en compte ce fléau des violences, d’être à l’écoute des femmes, de donner des moyens concrets, d’arrêter d’empiler des lois qui ne sont pas appliquées et de vérifier sur le terrain ce qui se passe vraiment.
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