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Levée du secret médical pour les femmes victimes de violences conjugales : "Une fausse bonne mesure", selon un médecin

"C'est absolument incroyable, ce débat. On déplace la responsabilité des féminicides, des violences faites aux femmes sur les médecins", dénonce le Pr Gilles Lazimi, militant associatif membre de SOS Femmes 93 et du Collectif féministe contre le viol.

Article rédigé par franceinfo
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Gilles Lazimi, professeur associé en médecine générale à Sorbonne-Université et militant associatif membre de SOS Femmes 93 et du Collectif féministe contre le viol, (18 juin 2016, à Paris). (VINCENT ISORE / MAXPPP)

En plein débat autour de la lutte contre les violences conjugales, une députée de la majorité, Bérangère Couillard, propose que les médecins puissent faire des signalements à la justice en cas de danger imminent. La ministre de la Justice Nicole Belloubet et la secrétaire d'État à l'Égalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, sont même allées plus loin, en se prononçant pour la levée du secret médical. C’est "une fausse bonne mesure", a réagi samedi 23 novembre sur franceinfo le médecin Gilles Lazimi, professeur associé en médecine générale à Sorbonne-Université et militant associatif membre de SOS Femmes 93 et du Collectif féministe contre le viol.

franceinfo : Deux membres du gouvernement se sont prononcés pour la levée du secret médical. Quelle est votre position ?

Gilles Lazimi : C'est absolument incroyable, ce débat. On déplace la responsabilité des féminicides, des violences faites aux femmes sur les médecins, pour empêcher de voir l'inefficacité de la police, le fait que les plaintes ne soient pas instruites, le fait que les femmes ne soient pas protégées, le fait qu'il n'y ait pas de lieu "secure" [sécurisé] pour protéger ces femmes et ces enfants. Il n'est pas normal qu'il n'y ait pas, par exemple, d'ordonnance de protection systématiquement délivrée. Il n'y en a eu qu'une seule en 2018. On sort du chapeau une fausse bonne mesure. Nous, médecins, en cas de danger, on sait ce qu'il faut faire pour protéger les femmes, et s'il y a vraiment un danger vital, bien évidemment, on a le droit de lever le secret médical.

Quand il y a des enfants battus, les médecins ont obligation de le signaler au procureur de la République. Ne faut-il pas faire la même chose avec les femmes ?

Quand on connaît les femmes victimes de violences, quand on les accompagne au quotidien, on ne doit pas prendre les décisions à leur place, car si vous prenez les décisions à leur place elles vont fuir, elle vont dire "jamais de la vie".

Les femmes ne sont pas des mineures. Deuxièmement, elles sont sous emprise.

Le professeur Gilles Lazimi

à franceinfo

Il faut les accompagner dans la durée, les respecter, leur expliquer la stratégie de l'agresseur, leur permettre de parler. C'est pour cela qu'il faut former les professionnels.

Mais vous avez-conscience de la difficulté pour les femmes victimes de violences d'aller porter plainte ?

La difficulté, ça n'est pas d'aller porter plainte, la difficulté c'est que les plaintes ne sont pas instruites. Bien sûr, c'est difficile, il faut du temps. Quand un diagnostic est assené à un patient, il lui faut du temps pour l'accepter. C'est la même chose pour les femmes victimes de violences. On ne fait pas le bonheur des gens sans eux, il faut les accompagner avec respect.

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