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Femme battue durant 50 ans par son mari : le "coup de colère" d'une procureure de l'Oise face au silence de certains élus

Une procureure, arrivée depuis deux ans à Compiègne (Oise), s’est retrouvée confrontée à deux affaires du même genre : des violences conjugales connues par des maires ou des adjoints et non dénoncées. Elle a fait part de sa colère sur les réseaux sociaux.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Le calvaire d'une femme battue depuis plus de 50 ans et abandonnée par des élus pourtant informés (illustration). (BRUNO LEVESQUE / MAXPPP)

La procureure de Compiègne dans l’Oise a exprimé sa colère il y a trois jours dans un post sur le réseau professionnel LinkedIn. L’objet de son courroux : la passivité d’élus quant à des violences conjugales connues alors que l'article 40 du code de procédure pénale contraint toute autorité, tout officier public, tout fonctionnaire d'aviser le procureur des crimes et délits dont il a connaissance, rappelle-t-elle en majuscule.

Cette semaine, une septuagénaire s’est rendue à la gendarmerie de Compiègne pour déposer plainte pour un cambriolage. À la fin de l'audition, timidement elle lance que son mari la frappe depuis plus de 50 ans. La confession lâchée, la femme s'enfuit, craignant, confie-t-elle "d'en prendre une s'il apprend qu'elle a parlé". L'enquêtrice avise le parquet. L'auteur présumé, le mari est interpellé. En garde à vue, il minimisera les faits.  

"Aujourd'hui, j'ai le visage en sang"

Réentendue, l'épouse détaille les violences, montre une énorme cicatrice datant de 1984, une blessure avec un tesson de bouteille alors que monsieur avait bu. La perquisition à la ferme du couple permet de trouver dans sa chambre un fusil, des munitions et puis des livres de comptes où la septuagénaire consignait les violences subies : "Aujourd'hui, j'ai le visage en sang. Il n'a rien dit". Les humiliations se répètent au fil des pages où elle note aussi ses tentatives d’appels au secours. En 2020, il est écrit : "Appel gendarmerie et mairie".  

L'ancien maire du village, l'actuel, et son adjoint, entendus par les gendarmes, reconnaissent avoir recueilli quelques paroles de la victime. "Je n'ai pas cherché à savoir plus", admet l'un d'eux. "Il y avait bien des rumeurs", concède un autre. Le troisième, qui l'a reçue, n'a pas posé plus de questions.

Lâchée par les pouvoirs publics et ses fils

L'expertise psychiatrique de la femme battue plus de 50 ans est édifiante : "retentissement psychologique majeur, angoisse de mort, stress post traumatique, banalisation complète des violences subies".

Dans son post sur LinkedIn, la procureure mentionne notamment que la septuagénaire "regrette aujourd’hui d’avoir parlé à la gendarme, car son mari âgé, a été incarcéré une nuit" et que "ses fils l’ont lâchée : elle exagère, elle a souvent poussé notre père à bout… Alors oui, ce dernier a pu avoir des gestes malheureux"

Jugé en comparution immédiate, le mari a écopé de deux ans de prison avec sursis, et d'une interdiction de paraître à la ferme familiale. Son arme lui a de plus été retirée.

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