Un professeur des écoles a été suspendu lundi après avoir organisé l'évaluation de sa classe autrement que prévu
Gilles Lehmann, signataire de l'Appel des 200 maîtres, une mobilisation de 200 instituteurs pour le boycott total ou partiel des évaluations nationales de CM2, a été convoqué vendredi à l'Inspection académique à Limoges au motif qu'"il a faussé le sens de l'évaluation"
790.000 élèves de CM2 sont évalués du 18 au 22 janvier en français et en maths.
Les compétences testées sont la lecture, l'écriture, la compréhension, le vocabulaire, l'orthographe et la grammaire, en ce qui concerne le français. En mathématiques, les élèves seront évalués sur la numération, le calcul, la géométrie, les grandeurs et mesures, l'organisation et la gestion des données.
Ce test doit permettre au ministère de l'Education nationale de connaître les acquis des élèves, mais il suscite des réticences chez les syndicats d'enseignants. Ceux-ci ne souhaitent pas de publication des résultats école par école, mais n'ont pas appelé les enseignants à boycotter l'évaluation.
"L'objectif est de donner un instrument aux enseignants pour percevoir les lacunes de leurs élèves afin d'adapter le dispositif d'accompagnement personnalisé" (soutien en petits groupes), indique-t-on au ministère de l'Education nationale, qui relève qu'on "ne peut piloter sans tableau de bord". Le gouvernement veut diviser par trois la proportion d'élèves ne maîtrisant pas les "fondamentaux" à la fin du primaire. Il souhaite utiliser ces tests de CM2 comme "outil de pilotage" au niveau des établissements, des départements, des académies, ainsi qu'au niveau national.
Les résultats seront aussi transmis par les enseignants aux parents, pour qu'ils puissent savoir où se situe leur enfant.
Un enseignant suspendu
Gilles Lehmann, un enseignant de CM2 à Condat-sur-Vienne, en Haute-Vienne, a été suspendu lundi pour avoir refusé d'organiser les évaluations en CM2 telles qu'elles avaient été prévues au ministère de l'Education nationale, a annoncé mardi l'inspection académique.
Signataire de "l'Appel des 200 maîtres", une mobilisation de 200 instituteurs pour le boycott total ou partiel des évaluations nationales de CM2, il a été suspendu et convoqué vendredi à l'Inspection académique à Limoges pour voir "s'il y a lieu d'engager une procédure disciplinaire", a déclaré Jean-Pierre Gainand, secrétaire général de l'inspection académique de Haute-Vienne.
"Il a faussé le sens de l'évaluation", a expliqué le secrétaire général de l'inspection académique. "Il l'étale sur trois semaines alors qu'elle est prévue sur trois jours, elle n'a donc plus de signification car elle n'a de sens que si tous les élèves la font dans les mêmes conditions", a-t-il dit. "Il confirme ainsi son refus de faire l'évaluation", a poursuivi M.Gainand. Il a été remplacé le temps du test qui doit se faire "dans la sérénité" et non dans un "rapport de force", a-t-il ajouté.
"Cet acte odieux est sans précédent depuis l'époque de Vichy", s'est insurgé un communiqué de "l'Appel des 200 maîtres". "Doit-on comprendre que le ministre a décidé de sortir bientôt de leur classe manu militari les milliers d'enseignants qui, d'une façon ou d'une autre, refusent de mettre en oeuvre le protocole national (au moins 30% de la profession l'an dernier)", peut-on encore lire dans ce texte.
Sylvain Grandserre, porte-parole pour cet Appel, a estimé que la suspension immédiate d'un enseignant "est utilisée pour des cas de mise en danger d'enfants: violences, pédophilie, alcoolisme, des choses gravissimes". "L'instituteur faisait juste passer les évaluations différemment", a-t-il dit, affirmant qu'il s'agit cette année "du premier cas (de sanction) attesté et avéré et complètement disproportionné".
L'Appel des 200 maîtres s'oppose au dispositif d'évaluations de CM2 et de cycle 1, car il vise, selon eux, à "évaluer en milieu d'année scolaire une année entière, qui plus est sur des nouveaux programmes récemment imposés". Le collectif, qui n'est pas opposé à des "évaluations bien faites", a appelé les enseignants "à s'opposer à ces évaluations selon les modalités de leur choix: boycott, simple passation des compétences déjà travaillées, notation plus intelligente, autre usage des documents".
Les réserves des syndicats
Trois syndicats d'enseignants du primaire (SNUipp-FSU, SE-Unsa et Sgen-CFDT) ont rappelé qu'ils refusaient la publication des résultats des tests école par école, "qui introduirait une logique de concurrence inacceptable au regard des objectifs de l'école publique".
Par ailleurs, certains critiquent la notation. Pour Gilles Moindrot, secrétaire général du Snuipp-FSU, elle reste trop simplificatrice, ne permettant toujours pas d'évaluer ce qui est "partiellement acquis".
L'an dernier, le ministère n'avait pas publié les résultats école par école. Il n'avait reçu qu'environ 70% des résultats: certains enseignants ne les avaient pas transmis, ou l'avaient fait de façon anonyme. Une toute petite minorité avaient même refusé de les faire passer.
Les élèves de CE1 seront évalués du 17 au 21 mai.
Les syndicats avaient reproché aux tests d'évaluer parfois des notions qui n'auraient pas encore été vues en classe.
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