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Un mois après l'attentat de Nice : "J’arrive à m’allonger mais le sommeil n’est plus là"

Il y a un mois tout juste, un terroriste de 31 ans fauchait des centaines de personnes venues admirer le feu d'artifice du 14-Juillet sur la Promenade des Anglais. Bilan : 85 morts et 400 blessés, dont 28 sont toujours hospitalisés. Pour les victimes rescapées, pour les nombreux témoins de cette horreur, pour les Niçois en général, la plaie reste béante.
Article rédigé par Mathilde Lemaire
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
  (Sur la Promenade des Anglais à Nice, le mot AMOUR  inscrit à la craie, là où il y a quelques jours subsistaient encore les traces de sang © Radio France / Mathile Lemaire)
REPORTAGE | Un mois après l'attentat de Nice, Mathilde Lemaire est retournée dans cette ville forcément meurtrie

Au sol, cinq grandes lettres joliment dessinées à la craie, celles du mot Amour, juste là où subsistaient il y a quelques jours encore des traces de sang. Ce trottoir, c'est celui de la Promenade des Anglais. Le long de la mer, sous un soleil insolent, les joggers enchaînent les foulées. Arrivés devant le Palais de la Méditerranée, certains s'arrêtent. Un cycliste met le pied à terre. Instant de recueillement.

 

Christian, 21 ans, lui, ne regarde plus du tout l'endroit de la même manière. Pourtant, c'est là qu'il nous donne rendez-vous. Là qu'il y a un mois il s'est retourné, a vu un camion blanc arriver sur lui à toute allure. Dans la foule, il a tiré de toutes ses forces sa petite amie. Tous les deux ont sauté de trois mètres pour atterrir sur la plage de galets. Aujourd'hui, lui remarche normalement. Sa fiancée a eu les chevilles brisées. Elle entame une rééducation de trois mois.

Ce lieu incontournable de Nice, Christian a essayé de "l’éviter au maximum pendant quelques temps". Le traumatisme laissé par cette nuit du 14 juillet le suit jour et nuit.

"Il y a des cauchemars, des rêves éveillés, le cerveau qui est en hyperactivité, sur le qui-vive. J’arrive à m’allonger mais le sommeil n’est plus là. Peur de la foule, peur de sortir, peur des réunions. Croiser un camion blanc dans la rue, forcément on y prête attention".

Hanté par les images de cette nuit d'horreur, le jeune homme essaie de "prendre sur lui", dit-il. Aujourd’hui suivi par des psychologues, il se "raccroche à des choses simples et à la famille" surtout.

Des corps meurtris qui mettront du temps à guerrir

Des familles inquiètes, elle n'a cessé d'en voir dans les couloirs de son service depuis le 14 juillet. Carole Ichai dirige la réanimation à l'hôpital Pasteur de Nice. Là où ont été transportés la majorité des adultes victimes de l'attentat. Quelques plaies par balle. mais surtout des écrasements, des  fractures ouvertes, des traumatismes lourds. Les quatre premières heures, 17 cas d'urgence absolue sont arrivés ici. Plus encore que ce que les soignants avaient envisagé lors d'un exercice-attentat quelques mois plus tôt. 

 

  (Carole Ichai, chef du service réanimation de l'hôpital Pasteur 2 de Nice : "On n’a jamais eu un afflux de victimes comme ça aussi important. La plupart des patients s’en sont sortis mais ça on ne le sait pas à l’avance" © Radio France / Mathilde Lemaire)

Aujourd'hui une seule victime reste en réanimation, mais beaucoup sont loin d'avoir repris une vie normale. "Quand vous avez ce type de traumatisme, les victimes qui sont sorties du service de réanimation ne rentrent pas chez elles. Ça passe toujours par une étape intermédiaire dans des services de chirurgie, d’orthopédie ou de traumatologie", explique le médecin..

"Indépendamment du pronostic vital, il y a un pronostic fonctionnel qui est extrêmement important. Il y a des gens qui ont été amputés des deux jambes, ou des fractures du bassin extrêmement importantes. Il va y avoir un travail de rééducation, de réhabilitation extrêmement important. Il y a un avant, un après".

"Il n’y a que le surgissement de l’émotion qui va pouvoir traiter et finalement apaiser"

Les médecins, infirmières et infirmiers à l'hôpital Pasteur soufflent enfin un peu. Ils ont repris une activité plus ordinaire. Beaucoup réalisent seulement maintenant ce qu'ils ont traversé. Pour faire face, ils sont épaulés par des psychiatres et des psychologues. Les quatre cellules d'écoute mises en place dès la nuit de l'attentat à Nice ont accueilli des centaines de personnes, victimes, soignants, ou simples témoins. Leur travail se poursuit encore dans la discrétion.

 

Brigitte Juy-Erbibou, une des psychothérapeutes mobilisées, voit arriver "des personnes qui ne peuvent parler que maintenant" ou qui se mettent à avoir des symptômes qu’ils n’avaient pas juste après l'attentat... 

 

"Au tout début, chacun se disait : "J’y ai échappé, je suis en vie". Puis dans la redescente de cette espèce de moment d’adrénaline et d’intensité, on voit aussi des symptômes apparaitre, même si le corps n’a pas été blessé, explique le médecin. Il n’y a que la mise en mots, le surgissement de l’émotion qui va pouvoir traiter et finalement apaiser".

Les psychologues n'ont pas fini d'avoir du travail pour panser les plaies invisibles. L'attentat de Nice est un de ceux pour lequel il y a le plus de témoins, 30 000 personnes adultes et enfants admiraient le feu d'artifice ce soir là sur la Promenade des Anglais.

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