Un habitat adapté pour bien vieillir chez soi
Ne pas confondre vieillesse et
dépendance. Un postulat essentiel selon Muriel Boulmier à toute prise en
compte rationnelle et adaptée aux problématiques d'habitat des séniors. "Notre
société souffre de cette synonymie entre
vieillissement, vieillesse et dépendance. Mais le vieillissement à domicile s'adresse
évidemment à toutes les personnes autonomes, c'est-à-dire les 60-85 ans ", insiste-t-elle.
Directrice générale du groupe CILIOPÉE, qui inclut plusieurs secteurs d'activité relatifs
à l'habitat, Muriel Boulmier s'intéresse de près à la prévention de
la dépendance. Présidente du groupe de
travail "Évolutions démographiques et vieillissement" du Comité européen de
coordination de l'habitat social (CECODHAS),
elle est également sollicitée comme expert Logement en 2011 pour le "Débat national sur la dépendance".
ACTUALITE ►►► Le gouvernement ouvre
le chantier de la dépendance
"Entre la retraite et les premiers signes de la dépendance, il y a 25 à 30 ans de tribulations possibles"
La problématique du vieillissement de la population n'est pas nouvelle. Depuis longtemps, les projections annoncent un tsunami démographique. En effet, selon l'Insee, la population de plus de 60 ans aura augmenté de 40% d'ici à 2030. En 2050, un Français sur trois sera sexagénaire, et la population des 75 ans, et plus, aura doublé par rapport à aujourd'hui.
TOUT COMPRENDRE ►►► Comment se préparer au vieillissement de la population ?
En France pourtant,
l'âge et l'habitat sont longtemps
restés dans l'angle mort des politiques publiques. "On a fermé délicatement
les yeux sur le vieillissement démographique de notre pays. Et puis, ici comme
ailleurs, nous sommes assez prisonniers du culte du jeunisme. Aborder le
vieillissement n'est pas forcément l'approche la plus glamour de notre société,
parce que justement, on ne l'approche que par le biais de la dépendance. Or,
entre la retraite et les premiers signes de la dépendance, il y a entre 25 et 30
ans de tribulations possibles! ", insiste Muriel Boulmier, qui vient de
publier Arrêtez de nous prendre pour des vieux !
Coup de gueule contre 10 idées reçues sur le vieillissement , aux éditions Balland.
Habitat inadapté et dépendance précoce
"La difficulté c'est que nous observons
aujourd'hui que l'habitat n'est pas adapté et que c'est l'âge qui s'adapte à l'habitat.
C'est cela qui créé la dépendance accidentelle ", poursuit-elle. En effet, les accidents domestiques sont nombreux chez les personnes âgées,
avec des conséquences pouvant aller de l'immobilisation à l'hospitalisation, jusqu'à la mort.
Il y a cinq
fois plus de décès dus aux accidents domestiques qu'aux accidents de la route. Et pour les sniors, le
risque le plus redouté reste celui de la chute. "Les chutes répétées sont
associées à une forte morbi-mortalité accélérant le processus de perte
d'indépendance et d'autonomie, et à un taux d'institutionnalisation élevé
pouvant atteindre 40 % des
personnes", souligne un rapport de la Société Française de Gériatrie
et Gérontologie réalisé en partenariat avec la Haute Autorité de Santé. Or, l'adaptation du logement, et de la salle de bain
notamment, pourrait éviter un grand nombre de ces accidents.
Domotique, une aide déconnectée des besoins
Convaincue
de l'utilité des systèmes d'alerte et de téléassistance, Muriel Boulmier l'est moins s'agissant de certaines solutions domotiques et robotiques qui émergent de la jeune
filière de la Silver économie, lancée le 24 avril dernier par le gouvernement. "L'adaptation du domicile doit se faire
dans la simplicité ", estime-t-elle. "L es petits robots, c'est
séduisant, mais est-ce que ça l'est pour la génération à laquelle ça s'adresse ?
Je n'en suis pas sûre " poursuit-elle, estimant que ces nouveaux marchés
doivent dépasser l'aspect simplement quantitatif des besoins.
LE PLUS FRANCE INFO ►►► Ces robots qui veulent séduire les
grands-parents
Au-delà
de la fracture générationnelle entre les personnes âgées et le développement
de solutions technologiques orientées vers le soutien à domicile et la
surveillance à distance, le financement reste en outre une barrière souvent
infranchissable. Avec un revenu
moyen de 1.256 euros pour les hommes, et de 932 euros pour les femmes, beaucoup
de retraités n'ont pas les moyens d'équiper leur habitation des aménagements nécessaires de base.
ACTUALITE ►►► Dépendance : la domotique au chevet des seniors
Adaptation de l'habitat: "D u gagnant-gagnant"
Auteur de deux rapports sur l'adaptation de l'habitat
(2009) et le "bien vieillir" à domicile (2010), Muriel Boulmier émet
une série de 32 propositions visant notamment à une meilleure prise en charge financière. "On
sait que ce qu'il convient, c'est d'encadrer le périmètre financier qui
permette cette adaptation ", explique-t-elle. "Adapter son logement
à un coût et toutes les aides qui existent, non seulement ne sont pas compatibles
entre elles mais en plus ne couvrent pas la totalité de la dépense", poursuit-elle. "Aujourd'hui, 75% des plus de 60 ans sont propriétaires. Ce n'est pas
pour cela qu'ils sont riches ", souligne l'experte.
Parmi les pistes évoquées, figure notamment la
création d'un microcrédit à obtention rapide, de l'ordre de 5.000 euros, qui
soit ouvert à l'âge (en repensant notamment les critères médicaux et d'assurance). "Parce qu'il vaut mieux une adaptation qui permette de rester trois ans
de plus à son domicile pour un coût moyen de l'ordre de 4.000 à 5.000 euros, à
une maison de retraite à 2.200 euros par mois (en moyenne) ", argumente
Michel Boulmier. "On voit bien que c'est du gagnant-gagnant pour les finances
publiques et pour la personne elle-même ", ajoute-t-elle.
De la même
manière, des dispositifs déjà existants, comme le crédit d'impôt pour l'adaptation
des logements à la perte d'autonomie liée au handicap ou au vieillissement,
pourrait être élargis de manière à ce que, par exemple, ils puissent être
transférés aux aidants qui feraient eux-mêmes les travaux chez leur proche âgé.
ALLER PLUS LOIN ►►► Le guide des aides de l'Anah, pour des travaux destinés à l'amélioration du logement (Juin 2013)
Résidences services, une alternative coûteuse
Les résidences services,
ou résidences pour seniors, sont également présentées aujourd'hui comme une alternative, ou un préambule, à la maison de retraite. Mais là encore, le coût reste élevé. Si les loyers de base s'échelonnent entre 600
et 1500 euros, suivant que l'on est une personne seule ou un couple, il faut y ajouter
les prestations de service précisément, ce qui dans certains cas peut faire
doubler la facture.
Ces solutions "répondent
à un besoin mais d'une certaine catégorie de personne seulement. Elles ne
répondent pas aux besoins des personnes les plus modestes ", souligne
Muriel Boulmier. La démocratisation de ces structures est souhaitable,
poursuit-elle, "mais n'oublions pas quand même que le souhait le plus
profond des personnes qui vieillissent, c'est de rester chez elles ".
LE TEMPS DES POSSIBLES ►►► Les résidences services, un lieu alternatif pour bien vieillir
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.