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Vidéo Violences contre les Roms : la rumeur est "le marché noir de l’information"

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comment fonctionnent les rumeurs v1
comment fonctionnent les rumeurs v1 comment fonctionnent les rumeurs v1 (FRANCEINFO)
Article rédigé par Louis San
France Télévisions

Franceinfo a interrogé Philippe Aldrin, professeur de sciences politiques à Sciences Po Aix et spécialiste du phénomène des rumeurs, après les expéditions punitives visant la communauté rom.

Dix-neuf personnes ont été arrêtées après les expéditions punitives visant la communauté rom, menées dans la nuit du lundi 25 mars au mardi 26 mars. A l'origine de ces "raids" : une rumeur autour de tentatives d'enlèvement d'enfants ou d'adolescents à bord d'une camionnette blanche (ou jaune ou rouge, selon les versions). Pour tenter de comprendre le mécanisme qui alimente la rumeur, franceinfo a interrogé Philippe Aldrin, professeur de sciences politiques à Sciences Po Aix et spécialiste du phénomène des rumeurs, auteur du livre Sociologie politique des rumeurs (éd. Presses universitaires de France).

"Une rumeur, c'est le phénomène social qui correspond à l'échange et à la diffusion d'une information non vérifiée", explique l'expert. La rumeur, selon lui, est "une nouvelle en lien avec l'actualité immédiate. Elle met aux prises des personnalités réelles, des gens qui existent", explique l'expert. La rumeur "contient une révélation" qui paraît "vraisemblable". "Là, en l'occurrence, on voit bien qu'il y a des individus pour qui cette nouvelle présente non seulement un caractère de vraisemblance mais un caractère d'urgence qui les conduit à agir de manière violente", poursuit-il.

Le phénomène de la rumeur est répandu. "Dans l'ensemble des [groupes] qui constituent la société, on échange en permanence des informations non vérifiées", affirme Philippe Aldrin. Et d'ajouter : "Quand on n'a pas d'informations certifiées, attestées, c'est souvent par la rumeur que passe l'information. D'ailleurs, on a tendance à appeler la rumeur le marché noir ou le marché clandestin de l'information."

Les rumeurs partagent des caractères génériques : "On retrouve toujours les mêmes types narratifs : on a le complot, le secret caché, la maladie dissimulée ou le mal dissimulé", expose Philippe Aldrin.

La rumeur se présente souvent comme une contre version à la version officielle, une contre version à la version historique, une contre version à la version médiatique. C'est toujours cette idée, finalement, que la vérité est ailleurs.

Philippe Aldrin, professeur en sciences politiques

à franceinfo

Les rumeurs circulent généralement au sein de groupes plutôt restreints, "sauf en cas de crise majeure ou de guerre, où le groupe est alors à l'échelle nationale", remarque Philippe Aldrin. La rumeur peut alors tracer une séparation entre un groupe et un autre. "La vraisemblance et la vision du monde qu'il y a dans une rumeur est souvent propre à un groupe social et de l'extérieur de ce groupe, elle peut paraître toujours complètement irrationnelle, déraisonnée", abonde le spécialiste. Et de résumer : "Les rumeurs sont le reflet des représentations du groupe dans lequel elles circulent".

"Conflictualité sociale, communautaire, politique"

Mais d'où viennent les rumeurs ? "Jusqu'à maintenant, il était assez difficile d'en tracer l'origine. Aujourd'hui, avec Internet, il est possible de le faire car on est capable de retrouver le premier post à l'origine d'un phénomène très viral", remarque Philippe Aldrin. "Ça a été fait sur plusieurs cas et ça nous donne à penser qu'il y a bien des entrepreneurs de rumeurs : des gens qui ont intérêt à diffuser des rumeurs pour des raisons politiques, économiques."

Le spécialiste souligne qu'il existe également des rumeurs dont l'origine est difficile à identifier. Toutefois, il relève qu'il est possible d'expliquer la genèse de certaines d'entre elles "par les représentations".

Selon Philippe Aldrin, il y a souvent, comme c'est le cas avec ces violences contre les Roms, "une conflictualité sociale, communautaire, politique, qui génère toute une série de récits, de nouvelles, de discours sur l'autre, sur l'autre groupe". D'après lui, cela créé "un ferment permanent" et "un événement, une rixe, un manque d'informations sur un fait qui s'est produit peut privilégier la naissance de rumeurs".

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