Rentrée : le casse-tête des proviseurs pour trouver des professeurs
Fin août, tous les postes d'enseignants ne sont pas encore pourvus. Et les déclarations du ministre de l'Education ne suffisent pas à rassurer les chefs d'établissements, de plus en plus alarmistes.
RENTREE - Mardi 28 août, sur le site de Pôle emploi : "Collège Georges Brassens. Enseignement en direction d'élèves de classe 3eme. Poste démarrant au 4 septembre". La veille : "Deux postes de professeurs vacataires en mathématiques. Vous serez chargé d'assurer des cours de mathématiques en classe de seconde dans un lycée général public. Niveau demandé : licence de mathématiques." A une semaine de la rentrée, ces annonces ont de quoi inquiéter.
"Pôle emploi, ce n'est absolument pas normal", s'alarme Jean-Claude Devaux, secrétaire académique du syndicat SNPDEN Paris, interrogé par FTVi. Normalement, c'est au ministère de l'Education nationale de nommer les enseignants sur les postes vacants et ce, bien avant la rentrée. "Mais cette année, nous sommes dans le brouillard", résume le syndicaliste.
"Il va falloir se débrouiller"
"En attendant, il va falloir se débrouiller", concède Jean-Marc Devaux. Faire appel aux anciens élèves, poster des annonces, recruter via Pôle emploi... Une méthode de recrutement autorisée. "Mais ces recrutements hors nomination du ministère concernent des gens qui n'ont pas le Capes", souligne le syndicaliste. Le recours à ces agents vacataires est limité, puisqu'ils n'ont pas le droit d'enseigner plus de 200 heures par année scolaire, mais de plus en plus fréquent pour pallier les besoins.
Pour Jean-Paul Brighelli, professeur de lettres et essayiste, interviewé par le JDD, on manquera de "bons profs" dans l'avenir. "En maths, les meilleurs vont en classes préparatoires et se destinent aux écoles d’ingénieurs, au secteur privé. Les facs de maths sont désertées. À ce rythme-là, ce sera bientôt le cercle des profs disparus !"
"Il manque surtout des profs de maths et d'anglais"
Il n'y aura pas de classes sans enseignant à la rentrée, a rassuré le ministre de l'Education nationale, Vincent Peillon, jeudi 23 août sur Europe 1. Mais au sein des établissements, c'est l'incertitude. "Aujourd'hui, 28 août, il y a toujours des postes inoccupés", explique à FTVi un proviseur de lycée dans les Hauts-de-Seine. "Ajoutez à cela les suppressions de postes et vous imaginez la situation..."
Beaucoup de collèges et lycées sont confrontés à ce double problème. D'un côté, il y a la crise du recrutement : pas assez d'admis aux concours du Capes (Certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement du second degré). Cette année, 706 postes n'ont pas trouvé preneurs, faute de lauréats. De l'autre, il y a les supressions de postes : 14 000 en 2012, décidées par l'ancien gouvernement et "qui viennent s'ajouter aux 66 000 suppressions intervenues depuis 2007", indique Le Monde.fr. Devant cette situation, Vincent Peillon a annoncé un plan d'urgence, mais selon Frédérique Rolet, co-secrétaire générale et porte-parole du syndicat Snes-FSU, contactée par FTVi, "ça ne compense pas du tout."
"Il manque surtout des profs de maths et d'anglais", explique le proviseur des Hauts-de-Seine. En mathématiques, un tiers des postes offerts aux diplômés du Capes n'ont pas été pourvu, souligne le Snes (652 admis pour 950 postes). Même chose pour le Capes d'anglais où il manquait 131 admis. "Il est donc probable qu'en Ile-de-France, [au moment de faire appel à des remplaçants en cours d'année] le vivier des enseignants d'anglais soit vide, précise un autre proviseur, cité par Libération (article payant). Les professeurs remplaçants seront déjà tous affectés, et les étudiants auxquels on fait appel dans ce cas-là seront occupés à préparer les concours."
"Les jeunes choisissent des métiers plus intéressants"
"Pourquoi faire prof de maths quand on peut faire de la finance ?", interroge Antoine Decosu, joint par FTVi. Passionné de mathématiques, il a vite renoncé à ses rêves d'enseignement pour intégrer un second cycle en école de commerce, puis une banque. "Les jeunes diplômés en maths, mais également en anglais, choisissent des métiers plus intéressants", résume Jean-Claude Devaux. Ou plus lucratifs. C'est le cas d'Hélène Chapuis, qui a préféré le secteur privé, une fois son Capes d'anglais en poche : cours particuliers, en entreprises, dans des centres de formation...
"Il n'y a pas de crise des vocations !", a rectifié Vincent Peillon en visite, lundi 27 août, dans l'académie de Créteil. Mais les étalissements n'y croient pas... "Mal payée, mal considérée, difficile", la profession souffre aujourd'hui "d'un manque d'attractivité globale", dénonce Christian Chevalier, secrétaire général du SE-Unsa, dans un communiqué. Preuve en est, le nombre de candidats aux concours de l'Education nationale a chuté de 70% entre 2004 et 2011, rappelle le Snes-FSU. Selon L'Instit'humeur, un blog spécialisé de l'Express, "il y a cette année aux concours 43% de candidats en moins par rapport à 2011."
"Il faut agir et proposer aux jeunes diplômés de haut-niveau ce qu'ils cherchent", insiste Frédérique Rolet : améliorer les salaires, les conditions de travail, offrir une formation motivante... Les regards sont particulièrement tournés vers le ministre Vincent Peillon qui a promis, lundi, "un temps nouveau où on va respecter les professeurs".
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