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"La honte doit changer de camp" : Paul accuse un prêtre d'Orléans d'agressions sexuelles et demande aux autres victimes de se manifester

Le jeune homme de 34 ans vise le père Olivier de Scitivaux, ancien recteur de la basilique de Cléry-Saint-André, dans le Loiret, qui a été mis en examen pour viols et agressions sexuelles.

Article rédigé par Mathilde Lemaire
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
La basilique de Cléry-Saint-André. (ANNE OGER / RADIO FRANCE)

Le père Olivier de Scitivaux, mis en examen pour viols et agressions sexuelles répétés sur plusieurs mineurs, a été libéré jeudi 23 mai. Celui qui a été jusqu'à l'an passé recteur de la prestigieuse basilique de Cléry-Saint-André, près d'Orléans, dans le Loiret, sera resté dix mois en détention provisoire. Cette libération est mal vécue par les victimes présumées du prêtre. C'est le cas de Paul [le prénom a été modifié], qui lance un appel afin que d'autres victimes ou des témoins se manifestent pour faire avancer l'enquête.

Paul accuse un prêtre d'Orléans d'agressions sexuelles et demande aux autres victimes de se manifester : le reportage de Mathilde Lemaire

Le jeune homme ne cache pas une certaine nervosité au moment de reparler de cette affaire de pédophilie. Il a 34 ans, dont 20 passés avec ce lourd secret : ces dizaines d'agressions sexuelles subies entre 10 et 14 ans lors de colonies de vacances du diocèse d'Orléans, mais aussi dans les locaux de la paroisse et ceux de l'aumônerie du collège. 

"Colère et peur"

Paul n'a réellement réussi à en parler, à demander des explications aux responsables catholiques locaux qu'il y a deux ans. L'an dernier, il a fini par porter plainte contre celui qu'il accuse de ces gestes qui le hantent encore jour et nuit : le père Olivier de Scitivaux, âgé de 59 ans aujourd'hui. Depuis, trois autres victimes présumées se sont manifestées, la dernière il y a seulement deux mois.

Le religieux, devenu ces dernières années recteur de la basilique de Cléry-Saint-André, a reconnu à l'écrit et à l'oral une partie des faits face à ses accusateurs et face aux enquêteurs. Il a été mis en examen. Et après 10 mois derrière les barreaux, il vient donc d'être libéré. Une nouvelle difficile pour Paul. "J'ai accueilli cette nouvelle avec de la colère et surtout de la peur, témoigne-t-il. Peur de savoir qu'il est en liberté, peur du signe que ça peut envoyer au milieu catholique orléannais en général."

Il y a une espèce de chape de silence qui s'installe. On entend parler de témoins ou de victimes qui n'osent pas parler encore, et le signe que ça peut envoyer à ces personnes-là n'est pas forcément très encourageant.

Paul

à franceinfo

Olivier de Scitivaux est soumis à un contrôle judiciaire très strict depuis sa remise en liberté la semaine dernière. Il a notamment interdiction de paraître dans la région, interdiction d'entrer en contact avec les victimes, les témoins, les religieux avec lesquels il a travaillé ou encore les enfants qu'il a encadrés. Il doit aussi pointer chaque semaine au commissariat. Sa résidence a été fixée dans un lieu précis avec des horaires de sorties à respecter. "La loi est très claire en France, rappelle son avocat, Me Damien Brossier. Une personne, tant qu'elle n'est pas jugée, doit être libre. C'est un homme qui est isolé et en situation de faiblesse aujourd'hui. Je ne suis vraiment pas inquiet sur ses capacités à respecter les obligations qui lui sont fixées."

"Je ne vois pas pourquoi il se serait arrêté"

Mais selon les victimes présumées, l'influence à Orléans d'Olivier de Scitivaux, issu d'une famille respectée dans la région est telle que cette libération va malgré tout jouer en faveur du silence... Silence déjà terriblement lourd selon Paul. "Les premiers faits datent de 1982, les seconds datent des années 1990, et après rien. Cela nous paraît extrêmement peu probable qu'Olivier de Scitivaux n'ait rien fait pendant toutes ces périodes, s'interroge Paul. Au cours de plusieurs décennies, il a été en charge des scouts d'Europe, de la colonie de vacances, de tout le groupe scolaire privé d'Orléans, et de l'aumônerie d'Orléans, donc on est en train de parler de plusieurs milliers d'enfants qui ont été au contact, jusqu'à très récemment, puisqu'il n'a été démis de ses fonctions qu'en 2018. Je suis persuadé qu'il s'est passé des choses. Je ne vois pas pourquoi Olivier de Scitivaux se serait arrêté en chemin."

Encouragé par les autres parties civiles, Paul a décidé ces derniers jours de lancer un appel à témoins, un appel à victimes. Il a créé une adresse mail : appelvictimesorleans@gmail.com et une page Facebook : "Appel aux victimes d'Olivier de Scitivaux." "Il faut que le silence se brise, poursuit Paul. Lui est libéré, mais maintenant c'est à nous de se libérer. La honte doit changer de camp. Le fait de faire reconnaître son statut de victime, ça fait du bien pour soi, ça fait du bien pour l'institution, pour la conscience de tout le monde. Même un témoin, s'il a un début d'information, il peut aider à ce que la vérité commence à se faire."  

Sur demande du procureur, la gendarmerie a également mis à disposition un numéro pour les personnes qui voudraient témoigner dans ce dossier de pédophilie : le 02 38 52 51 45.

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