Surpopulation carcérale : "Il faudrait développer tout ce qui est alternatif à l'emprisonnement", estime l'OIP
La directrice de la section française de l’Observatoire international des prisons, Cécile Marcel, regrette que les solutions qui pourraient désengorger les prisons, comme les peines alternatives, soient "sous-utilisées" et "manquent drastiquement de moyens".
Le nombre de personnes en prison a encore augmenté. Il y avait 69 307 détenus derrière les barreaux au 1er novembre, soit une augmentation de presque 2,5 % en un an. Un chiffre qui s'approche du record de juillet 2016. Cécile Marcel, directrice de la section française de l’Observatoire international des prisons, a estimé jeudi 23 novembre sur franceinfo qu'il fallait "développer tout ce qui est alternatif à l'emprisonnement", pointant surtout du doigt un manque de moyens.
franceinfo : Comment expliquez-vous ce chiffre ?
Cécile Marcel : On n'a pas vraiment pris de mesures ces 15 dernières années pour endiguer le phénomène de la surpopulation carcérale. Il y a des annonces qui sont faites qui, à notre sens, ne vont pas forcement dans le bon sens, quand il s'agit de constructions de nouvelles places de prison. Et surtout, on ne met pas en place des mesures qu'il faudrait pour l'inflation carcérale, faire en sorte qu'il y ait moins de gens qui entrent en prison et plus qui en sortent, comme le font la plupart de nos voisins européens. On s'est rendu compte de l'échec aujourd'hui de la sur-incarcération en France.
Les peines alternatives peuvent-elles être la solution ?
Il y a plus d'un tiers des personnes détenues qui sont en détention provisoire qui sont, rappelons-le, présumées innocentes. Ce sont des taux extrêmement importants. Ces personnes ne devraient pas être en prison. Ça devrait être le dernier recours. Il faut limiter le recours à la détention provisoire. On constate qu'il y a un climat qui est sécuritaire, que les magistrats ont de plus en plus tendance à mettre sous les barreaux des gens qui devraient être dehors (...)
Il faudrait dépénaliser certains comportements et réduire les peines d'emprisonnement qui se sont allongées énormément ces dernières années en France.
Cécile Marcel, directrice de la section française de l’Observatoire international des prisonsà franceinfo
On est passé d'une moyenne de 8 mois à un an. Il faudrait développer tout ce qui est alternatif à l'emprisonnement, c'est-à-dire la prise en charge de personnes en milieu libre dans le cadre de mesures de probation qui ont fait leur preuve et qui montrent qu'elles sont beaucoup plus efficaces pour lutter contre la récidive que n'est la prison qui a plutôt tendance à être l'école du crime.
Pourtant, ces peines alternatives existent déjà ?
Elles existent. Elles sont méconnues. Elles sont sous-utilisées par les magistrats et surtout, elles manquent drastiquement de moyens. Aujourd'hui, un conseiller d'insertion et probation, la personne qui doit accompagner le détenu condamné en milieu libre, suit 100 dossiers. Comment voulez-vous qu'elle fasse un travail efficace pour accompagner les personnes dans leur projet d'insertion professionnel, pour trouver un logement, pour lutter contre leur problème peut-être d'addiction, de violence, quand elles sont réduites à un rôle purement administratif. Il faudrait que ces personnes puissent suivre 30 à 40 dossiers. C'est ce que le président Macron avait dit dans ses promesses présidentielles, on en est bien loin. Aujourd'hui, on constate qu'il y a une réduction dans le budget 2018 des budgets de fonctionnement dans ces services.
Êtes-vous favorable à un numerus clausus pour faire coïncider le nombre de détenus en prison et le nombre de places ?
Symboliquement, si le terme peut aider à une prise de décision politique tant mieux mais ce qu'il faudrait ce sont des reformes à long terme et pas des formules.
La solution est-elle la construction de nouvelles prisons ?
Plus on construit, plus on remplit. Ça s'est vu sur les 20 dernières années en France puisqu'on a construit plus de 25 000 places de prison et on n'a pas réduit le problème de la surpopulation carcérale. Par ailleurs, le programme de construction de prisons pose un problème financier de taille. La construction de prisons coûte extrêmement cher. On s'est endetté à hauteur de 6 milliards d'euros pour la construction de prisons et on veut s'endetter encore plus. C'est autant d'argent qui ne va pas pour la rénovation du parc existant. Les prisons sont vétustes et insalubres.
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