Nucléaire : la chute d'un générateur de 500 tonnes pose la question de la sécurité de la centrale de Paluel
Cet accident a eu lieu le 31 mars dans le cadre des travaux grand carénage, un programme industriel mené par EDF. L'Autorité de sûreté nucléaire a ouvert une enquête. La CGT et les militants antinucléaire pointent le recours à la sous-traitance.
Un bruit assourdissant. Il est un peu plus de 13 heures, jeudi 31 mars, lorsqu'un générateur de vapeur de la centrale nucléaire de Paluel (Seine-Maritime) bascule lors de sa manutention. Le générateur de 500 tonnes et 22 mètres de haut chute, avant de s'immobiliser sur le sol. Il se trouve dans le bâtiment du réacteur numéro 2. Celui-ci est à l'arrêt pour d'importants travaux de maintenance dans le cadre du grand carénage. Un programme industriel d'EDF qui vise à permettre l'exploitation des centrales les plus anciennes au-delà de 40 ans.
L'accident s'est produit alors que les manutentionnaires devaient extraire le générateur. Au total, les quatre générateurs, qui fournissent la vapeur utilisée par les turbines pour produire de l'électricité, doivent être changés. Quelques jours plus tôt, deux générateurs avaient été extraits sans encombre, insiste la centrale de Paluel, contactée par francetv info. Le quatrième devait l'être dans la foulée. Pour l'heure, tous les travaux sont à l'arrêt.
Une défaillance du dispositif
Pour les trois personnes présentes au moment de l'accident, c'est un choc. L'une d'elles, légèrement blessée, a été prise en charge par l'équipe médicale du site avant d'être conduite à l'hôpital de Dieppe. La centrale assure que cette personne "a depuis repris ses activités professionnelles", tout comme ses deux collègues. Elle précise aussi qu'une cellule de veille psychologique a été mise en place.
S'il n'y a pas de blessés graves à déplorer, le réseau Sortir du nucléaire redoute les conséquences de cet accident pour la sécurité de l'ensemble du bâtiment.
Avec cette chute, il y a eu un mini-séisme. On est inquiets sur la capacité du bâtiment à retenir la radioactivité.
EDF a rapidement publié un communiqué se voulant rassurant.
L’événement n’a eu d’impact ni sur la santé des intervenants, ni sur la sûreté des installations, ni sur l’environnement.
La centrale de Paluel affirme à francetv info qu'une inspection interne est en cours et que les travaux dans le bâtiment 2 ne seront repris qu'au terme de ces expertises.
L'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) s'est rendue sur place le jour-même et a publié sur son site la lettre envoyée à EDF où elle dresse ses premières constatations. L'ASN relève que la chute du générateur de vapeur a endommagé des plateaux de protection de la piscine de stockage d'uranium (vide au moment de l'intervention). Dans ses premières conclusions, elle pointe également une défaillance du dispositif ou des accessoires de levage. L'ASN demande aussi à EDF des éléments complémentaires dans un délai d'un mois afin de poursuivre son enquête.
Le réseau Sortir du nucléaire a publié sur les réseaux sociaux une image du générateur après sa chute.
Cette image envoyée à Sortir du nucléaire provient d'une caméra qui filme en permanence le bâtiment où se trouvent les générateurs. La centrale de Paluel a assuré à francetv info qu'elle n'avait pas souhaité la dévoiler car, selon elle, "elle a un intérêt informatif relatif". Par ailleurs, EDF affirme que ces images ne sont pas enregistrées car "cela nécessiterait des négociations avec les partenaires sociaux".
La sous-traitance mise en cause
Les conclusions de l'enquête de l'ASN sont donc très attendues pour comprendre ce qui s'est passé le 31 mars. Mais, déjà, la question de la sous-traitance est abordée. Le député écologiste Denis Baupin s'interroge dans un communiqué "sur la capacité réelle d’EDF à mener l’énorme chantier industriel du grand carénage, sur le trop grand nombre de tâches confiées à des sous-traitants, et la multiplication des incidents organisationnels et humains lors des opérations de maintenance".
Ce chantier du carénage a été confié à un groupement de quatre sous-traitants, explique à francetv info Marie-Claire Cailletaud, porte-parole de la fédération CGT des mines et de l'énergie.
Le problème, c'est que EDF n'a plus la maîtrise de ce geste. EDF a recours à la sous-traitance pour gagner du temps et de l'argent.
Pour la CGT, la cadence imposée aux salariés des sous-traitants est souvent intenable. "Ils ne peuvent pas faire correctement leur travail", dénonce-t-elle. Le syndicat avait déjà demandé aux responsables d'EDF "d'écarter" l'entreprise sous-traitante chargée du remplacement des générateurs. La fédération explique avoir reçu une fin de non-recevoir. Cet accident inquiète d'autant plus le syndicat qu'il n'est pas le premier ces derniers mois. En juillet dernier, un incendie s'est déclenché dans la salle des machines d’une des unités de production du site en maintenance.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.