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Mariage pour tous : la guerre de tranchées débute à l'Assemblée

Après les manifestations, le débat sur le mariage pour tous arrive mardi après-midi à l'Assemblée nationale. C'est le début de deux semaines d'une bataille parlementaire qui s'annonce acharnée dans l'hémicycle. A droite, on explique que "tous les moyens" seront utilisés pour faire durer le débat. De son côté, la gauche serre les rangs et mise sur l'absentéisme dans les rangs de l'opposition.
Article rédigé par Antoine Krempf
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
  (Maxppp)

"Bataille", "guérilla",
"mobilisation générale", "veillée d'arme". Que ce soit sur
les réseaux sociaux ou dans les médias, le lexique guerrier est de sorti dans
la bouche des députés français alors que débute l'examen du projet de loi sur le mariage pour tous. Selon qu'ils soient dans l'opposition ou dans
la majorité, chaque camp à sa stratégie, ses armes et un objectif. Pour la
majorité, il s'agit d'aller le plus vite possible. A droite, au contraire, on compte mener la bataille sur chaque article et alinéa du projet de loi.

 A droite, "tous les moyens" sont bons pour gagner
du temps

"On utilisera tous les moyens parlementaires à notre
disposition
", lançait Christian Jacob, le chef du groupe UMP, il y a
quinze jours. Au sein de l'opposition, c'est le député de la Drôme Hervé Mariton
qui joue le rôle d'artilleur en chef. C'est lui qui a l'œil sur "la
feuille verte
" de l'Assemblée nationale, qui regroupe le calendrier et
l'ordre du jour des débats. "En tant que premier orateur du groupe, je vais
aussi présenter la position de l'UMP sur ce débat, je dois m'assurer que tout
le monde est bien présent, je me charge de réclamer des suspensions de séances
ou encore de faire le rappel des troupes
" si les bancs de l'UMP se
dégarnissent un peu trop.

La première arme dont dispose l'opposition, c'est
l'amendement. Le groupe UMP en a déposé un peu plus de 5.166 (sur un total de
5.362) pour enrichir, modifier ou supprimer des articles du projet de loi. Mais
c'est surtout l'occasion d'enliser le débat, comme s'en réjouit Hervé Mariton
sur Twitter.

Plusieurs dizaines de députés ont déposé des textes
identiques pour retarder le vol final sur le texte. On retrouve par exemple à
six reprises le même amendement réclamant que la phrase suivante soit inscrite
dans le projet de loi : "L'intérêt supérieur de l'enfant est de vivre
prioritairement auprès de son père et de sa mère biologiques
".

La technique des amendements est un grand classique des
débats parlementaires sur les sujets sensibles. En 2006, lors de la fusion
GDF-Suez, la gauche avait alors déposé pas moins de 138.000 amendements, un
record. Ceci dit, une (petite) partie des textes déposés sont en général
retoqués. Soit parce qu'ils n'ont rien à voir avec le texte de loi, soit parce
qu'ils entraînent une charge financière pour l'Etat, soit parce que les
amendements identiques ont été fusionnés. Ce tri est en partie effectué par la
quinzaine d'employés du "service de la Séance" de l'Assemblée
nationale. Ils ont passé ces quatre derniers jours à lire intégralement les textes
déposés par l'opposition...

 Un assistant parlementaire d'un élu socialiste fait le point
sur Twitter

Si ce nombre reste en l'état et sachant que les députés ont le
droit à cinq minutes de discours pour défendre leur amendement, cela représente
théoriquement un peu plus de 426 heures de discours. Mais malgré les critiques de la majorité, l'opposition se défend de faire de l'obstruction.

Motions et temps de parole

La guerre des amendements n'est pas la seule arme dont
dispose l'opposition. L'UMP va déposer trois motions pendant le débat. Henri
Guaino devrait dégainer le premier avec une demande de rejet préalable. L'idée,
c'est de faire reconnaître que le projet de loi sur le mariage pour tous est
contraire à plusieurs dispositions de la Constitution. De son côté,
Jean-Frédéric Poisson va défendre une motion de renvoi en commission afin de
suspendre le débat. Et puis le patron des députés UMP, Christian Jacob, montra
lui-même au front pour faire adopter une motion référendaire. En clair : exiger
la tenue d'un référendum sur le mariage pour tous.

Autant de textes qui n'ont
quasiment aucune chance d'être adoptés mais qui ont "le mérite"
d'être chronophages. Pour la motion référendaire, "c'est au moins une
heure de débat
", explique-t-on à l'UMP.

La droite peut aussi compter sur un cadeau de la majorité
dans cette course au temps. Pour ne pas être accusé de vouloir empêcher le débat,
le gouvernement a décidé de ne pas utiliser la procédure accélérée ou le temps
programmé. Deux dispositifs qui permettent de limiter la durée des discussions.
Et l'opposition compte bien en profiter. "J'espère que ce débat ne
dérapera pas. Il durera autant de temps qu'il le faudra
", assurait jeudi
dernier le ministre délégué aux Relations avec le Parlement, Alain Vidalies. Même son de cloche chez la ministre de la Justice. 

A gauche, on sert les rangs 

La lettre envoyée le 16 janvier dernier aux députés
socialistes par Bruno Le Roux ne pouvait pas être plus clair. Dans ce texte
publié par LeLab Europe 1, le président du groupe à l'Assemblée explique  que "nous devons (...) assurer une
présence maximum qui nous permette de garantir notre majorité dans
l'hémicycle
". Et ce, "jusqu'au dernier jour, lors des séances de jour
comme de nuit, comme celles des deux week-ends
".

Pour Bruno Le Roux, pas
question de revivre la gifle reçu lors de l'examen du Pacs en 1998 quand la
droite avait réussi à faire adopter une motion d'irrecevabilité parce que trop
d'élus socialistes avaient déserté l'hémicycle. Cette fois, deux groupes de
permanence ont été mis en place pour assurer la présence constante d'au moins
145 députés PS.

On est également priés de ne pas sortir du rang. Après les désaccords internes au groupe sur la PMA, la porte-parole des députés socialistes, Annick Lepetit, a prévenu en décembre dernier : il n'y aura pas de "liberté de vote" sur ce texte en séance dans la mesure où il y a eu un vote en interne. 

Des week-ends plus profitables à la gauche ?

La majorité devrait aussi profiter des deux week-ends de
débat pour avancer plus vite sur le texte. Même si l'appel à la mobilisation a
également été lancé dans les rangs de la droite, beaucoup de députés de
l'opposition sont attendus dans leurs circonscriptions en fin de semaine. Or à
gauche comme à droite, on fait le constat que les élus non parisiens sont plus
conservateurs qu'en Ile-de-France.

"C'est un fait, la grande partie des
élus franciliens sont favorables à ce texte. Les séances du week-end ne nous
sont donc pas favorables. Mais c'est de bonne guerre de la part du
gouvernement. Nous n'aurions jamais dû perdre autant de siège en région parisienne
",
confesse Hervé Mariton.

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