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Homophobie dans le football : Yoann Lemaire, le fondateur de l’association Foot ensemble, salue "une évolution encourageante notamment chez les 11-15 ans"

Dans son enquête, menée auprès de 1 600 footballeurs et footballeuses, Yoann Lemaire juge que l'homophobie est toujours présente mais que l'homosexualité à tendance à être mieux acceptée. 

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Yoann Lemaire en mai 2018.  (KAREN KUBENA / MAXPPP)

"Presque 75%" des jeunes joueurs "estiment qu'il faudrait arrêter les matchs en cas de chants homophobes", indique mercredi 12 mai sur franceinfo Yoann Lemaire, fondateur et président de l'association Foot ensemble, en présentant une enquête sur la perception de l'homosexualité par les jeunes joueurs dans le football. Des résultats "encourageants mais il faut être honnête, l'homophobie est toujours présente dans certains clubs", selon lui. A l'occasion de la Journée mondiale contre l'homophobie le 17 mai, la Ligue de football professionel se mobilise pour la 37e journée de Ligue 1 et Ligue 2, avec une vidéo pour les réseaux sociaux. 

franceinfo : Vous avez-vous-même été victime de l'homophobie dans le football ?

Yoann Lemaire : Oui, dans le milieu amateur, il y a plus d'une quinzaine d'années. Mon club m'avait poussé un petit peu à la sortie dans les années 2010, parce que j'étais un problème. J'avais annoncé mon homosexualité quelques années avant et il y avait une minorité agissante qui m'a conduit vers la sortie, on va dire. Il y a eu des pressions, même de la part d'éducateurs qui ont proféré des menaces de mort. Il faut faire avec. A l'époque, heureusement que les médias étaient là pour dénoncer ça. Et fort heureusement, ça évolue. Tout le monde a essayé de trouver une solution, des ministres, la Ligue de foot professionnel, la FFF [Fédération française de football]. Mais c'était un sujet très tabou ou très compliqué. C’était assez nouveau, l'homosexualité et l'homophobie dans le football. Les gens ne se sentent pas trop concernés et ça dérange quelque part.

Vous avez fondé l'association Foot ensemble et vous présentez aujourd'hui une enquête sur la perception l'homosexualité par les jeunes joueurs de football, aujourd’hui. Quels sont les résultats ?

Ils sont encourageants mais il faut être honnête, l'homophobie est toujours présente dans certains clubs. Il y a toujours un taux, on va dire, de jeunes homophobes. Mais en attendant, on peut voir une évolution encourageant, notamment chez les jeunes entre 11 et 15 ans. On voit que l'homosexualité n'est plus tellement un problème pour eux. 80% jugent que l'homosexualité est acceptable dans le monde du football, c'est-à-dire qu’ils sont prêts à soutenir un coéquipier homosexuel. Le problème, c'est qu'il y a aussi des homophobes qui sont un peu plus influents et eux disent clairement qu'ils ne supporteraient pas de jouer ou prendre leur douche avec un homosexuel. Presque 75% estiment qu'il faudrait arrêter les matchs en cas de chants homophobes. Une grande majorité dit "ça nous dérange, ça nuit à l'image du foot". Ceci dit, il y a quand même 25% qui ont répondu "non, on s'en moque, ça fait partie du jeu, ça nous fait rire".

Dans cette étude, vous dites que les homophobes sont minoritaires, mais ils ont beaucoup d'influence sur leurs jeunes camarades.

C'est comme au collège ou au lycée, sauf que là, il y a la compétition du sport en plus : le besoin de réussir, le besoin presque d'écraser l'adversaire ou son coéquipier pour prendre sa place. Humilier l’autre. C'est là-dessus qu'il faut travailler. Les clubs en sont conscients. Cette étude, sert au moins ça : mesurer. On le dit aux clubs "voilà vos résultats". On en parle à la Ligue de foot professionnel. Maintenant, à vous de mettre en place des actions.

1 600 joueurs et joueuses qui évoluent dans le football amateur ont répondu à votre questionnaire. Est-ce qu'il y a une différence entre les déclarations de ces joueurs dans votre enquête et la réalité sur le terrain ou dans les vestiaires ?

On va aussi dans les centres de formation et on voit aussi plein de jeunes formidables. Pour eux, c'est naturel, il n'y a pas de souci, il n'y a pas de débat. Mais, il y a aussi des discussions compliquées avec d'autres jeunes, pour tout un tas de raisons : leur culture, leur éducation, la religion. Quels que soient leurs arguments, c'est parfois assez compliqué de parler avec eux. Mais dans les clubs, une fois de plus, il y a un travail qui est fait avec les référents socio-éducatifs. Ce sont des gens qui doivent s'occuper des jeunes dans les centres. Eux, sont au point sur la question, ils sont formés. On les rencontre même avec les associations, que ce soit les PanamsBoyz ou SOS Homophobie. Ils font partie de l'Open Football-Club, c'est le fond d'action du football et ils essaient vraiment de former au mieux les personnes, les éducateurs qui sont près des jeunes. Ça, moi, je sens, que ça marche. Maintenant, il y aura toujours de l'homophobie, malheureusement. Il y aura toujours des problèmes dans les clubs de foot.

Il y a eu un cas concret avec Presnel Kimpembe, joueur au PSG et champion du monde avec les Bleus. Exclu trois matchs ferme pour un geste dangereux pendant la rencontre face à Rennes (le 9 mai) et un sursis pour une insulte homophobe lâchée ensuite en retournant dans le vestiaire. C'est une bonne décision qui a été prise à son encontre ?

Il faut des sanctions. Vous vous imaginez un peu l'image que ça donne du foot, l'image que ça donne du PSG ? Les joueurs du PSG ont arrêté un match pour des propos racistes. Et là, des propos homophobes, c’est seulement un match du sursis. A titre personnel, je ne suis pas d'accord. Il doit y avoir des sanctions. Je ne sais pas s'il faut aller jusqu’à [le priver de sélection en équipe de France par exemple], mais il serait intéressant, qu’il participe à des actions derrière. Il a fait une connerie. Il n’est peut-être pas du tout homophobe au fond de lui. Néanmoins, il doit le dire et faire des actions derrière de sensibilisation pour expliquer pourquoi il a tenu ces propos, et puis qu'il essaye de s'investir dans la cause. Ce serait mieux qu’il travaille avec la ligue et les associations et avec le PSG pour lutter contre l'homophobie que lui mettent 10 ou 15 matchs de suspension. Voilà, de mon côté, je préfère qu'il soit actif auprès des jeunes.

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