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Le cyberharcèlement, cette nouvelle forme de violence entre ados

Une affaire de harcèlement via les réseaux sociaux s'est terminée par le suicide d'une lycéenne au Canada, où le débat sur le sujet fait rage.

Article rédigé par Héloïse Leussier
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3 min
Selon une spécialiste, l'agresseur qui utilise les réseaux sociaux "développe un sentiment d'impunité" car il se sent protégé par l'anonymat. (MANUEL ALVAREZ / FLICKR RF / GETTY IMAGES)

La Canada est sous le choc après le décès de Rehtaeh Parsons, dimanche 7 avril. Cette lycéenne de Nouvelle-Ecosse (une province de l'est du pays) s'est suicidée après la circulation sur internet d'une photo de son viol par quatre garçons, lors d'une soirée où elle était ivre. Une tragédie de plus, qui vient s'ajouter à la longue liste des histoires de cyberharcèlements qui finissent mal et où, à chaque fois, les réseaux sociaux sont pointés du doigt. Francetv info revient sur ce phénomène.

 Une série d'affaires tragiques 

Rethaeh Parsons a été, selon sa mère, victime d'un viol collectif il y a deux ans alors qu'elle était en état d'ébriété complète. Des photos prises par l'un de ses agresseurs ont alors circulé sur internet et l'ont mené à un véritable enfer : elle a été victime de railleries, insultée et harcelée par des inconnus, et est devenue la risée de son collège... La famille de l'adolescente, alors âgée de 15 ans, a fini par déménager. Mais pas assez loin, et le calvaire de Rethaeh a continué, au point de la pousser au geste fatal. Si l'affaire choque profondément les Canadiens, c'est qu'ils ont tous en tête une autre tragédie survenue en octobre, celle d'Amanda Todd. Cette lycéenne, brisée par la diffusion sur internet d'une photo d'elle seins nus prise par un homme qui voulait se venger, avait mis fin à ses jours après avoir crié sa détresse dans une vidéo en ligne.

Mais il n'y a pas qu'au Canada que les réseaux sociaux sont mis en cause dans des histoires tragiques. En 2011, les Pays-Bas ont été marqués par une affaire qualifiée dans les médias de "meurtre Facebook". Une adolescente de 14 ans, qui n'avait pas supporté qu'une de ses amies évoque sa vie sexuelle sur les réseaux sociaux, s'était vengée en envoyant un jeune homme la tuer, rappelle Radio Nederland. L'adolescent, qui a commis l'acte en échange d'argent, a été condamné à un an de prison.

En France, il y a quelques mois, un Brestois de 18 ans s'est suicidé après avoir été victime de chantage via le site d'échanges de vidéos chatroulette.com. Toutes ces l'histoires amènent à s'interroger sur la manière dont l'utilisation des réseaux sociaux peut être préjudiciable aux jeunes. 

 Le cyberharcèlement, une intimidation violente

Les menaces et les rumeurs offensantes diffusées entre adolescents ne datent pas d'internet. Mais les réseaux sociaux donnent au harcèlement une dimension toute particulière. L'agresseur, protégé par l'anonymat, "développe un sentiment d'impunité qui va l'amener à aller plus loin", explique Catherine Blaya, cofondatrice de l'Observatoire européen de la violence scolaire interrogé par TV5 Monde. De plus, il peut redoubler de violence car il "ne voit pas en direct l'impact de ce qu'il fait sur sa victime." 

La victime qui, elle, est d'autant plus isolée et fragilisée que, sur internet, elle est exposée à l'agression 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. "Avec les mobiles et les ordinateurs, il ne suffit plus au jeune de quitter la sphère scolaire pour être protégé", souligne Florence Quinche, chercheuse à l'université de Lausanne (Suisse), interrogée par francetv info. Auteure de plusieurs études sur le cyberharcèlement, elle explique que "c'est un type de violence qui ne laisse pas de marques physiques, et que souvent les adultes ne voient pas". 

Les traces écrites permettent de dénoncer les abus

Si ces nouvelles formes de violences invisibles peuvent inquiéter, la directrice de l’association de prévention e-Enfance note, dans une vidéo informative, qu' "un des avantages du cyberharcèlement pour les victimes, c’est qu’à partir du moment où ça laisse des traces, où ce sont des choses qui sont écrites, ça peut être prouvé".  

De plus, comme l'a expliqué à francetv info Didier Lauru, psychiatre, coauteur de l’ouvrage L'énigme du suicide à l’adolescence, les forums, par exemple, peuvent être un terrain d'échange où les adolescents s'entraident en cas de pensées suicidaires. Parfois, les réseaux sociaux peuvent même servir à donner l'alerte. Récemment, une mère de famille a ainsi sauvé un Niçois qui avait annoncé son suicide sur Facebook.   

Florence Quinche tranche : "Il ne faut pas diaboliser internet. Le problème vient surtout du fossé générationnel qui fait que les éducateurs ne connaissent pas ces nouvelles formes de harcèlement et ne savent pas comment y faire face." Récemment, elle a mis en place des modules de formation à l'éthique sur internet à destination des jeunes, mais aussi des adultes. 

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