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Le premier temple mormon de France n'a pas que des adeptes

Le Chesnay, dans les Yvelines, doit accueillir le premier édifice du genre pour cette communauté. Mais certains habitants de la ville s'opposent au projet. Quatre recours ont été déposés.  

Article rédigé par Ariane Nicolas
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Image de synthèse du "Temple de Paris" qui doit être construit au Chesnay (Yvelines), extraite du site internet consacré au projet. (DR)

Un temple mormon à 300 mètres du château de Versailles, le projet ne pouvait pas passer inaperçu. Le Chesnay (Yvelines) doit accueillir le premier temple de "l'Eglise de Jésus-Christ des saints des derniers jours" sur le sol français. Si la France héberge déjà plus d'une centaine d'églises mormones où se tiennent des offices le dimanche, cet édifice est le seul à permettre le mariage et le baptême des fidèles. Sa construction devrait coûter environ 80 millions d'euros.

Actuellement, le terrain visé est occupé par des bâtiments EDF grisâtres remplis d'amiante. Le temple, aux formes harmonieuses, devrait être très imposant : 12 000 m² de salles de prière et de jardins comprenant également un petit hôtel et des logements de fonction. Mais le projet est loin de faire l'unanimité dans la ville et pourrait ne jamais voir le jour. Quatre recours ont en effet été déposés auprès du maire fin décembre, souligne Le Parisien.fr pour demander l'annulation du permis de construire qu'il a validé. Et une pétition en ligne a recueilli 5 000 signatures. 

• Une communauté "en vase clos"

La France compte à peine 40 000 mormons. Ces croyants, qui lisent la Bible et se disent chrétiens, ne sont pas reconnus comme tels par l'église catholique, ainsi que par la plupart des églises protestantes et orthodoxes. Ils obéissent à des principes rigoureux (pas de tabac, d'alcool, de thé ni de café), accordent une place centrale à la famille et la prière et paient une dîme pour financer leur Eglise. De quoi faire naître certaines craintes ?

La présidente de l'Union nationale des associations de défense des familles et de l’individu victimes des sectes (Unadfi) va plus loin : "Il s’agit d’un mouvement à déviance sectaire", estime Catherine Picard, citée par Rue 89"Les mormons vivent en vase clos. La place de la femme y est réduite à néant. L’enseignement religieux pour les enfants est tellement important qu’ils n’ont pas de temps à consacrer à autre chose. C’est un fonctionnement très limite."

Le baptême et le mariage des morts, des cérémonies au cours desquelles les fidèles empruntent la personnalité de leurs aïeux, suscitent également de vives inquiétudes, comme le montre cet article de MonVersailles.com, très commenté. Dominique Calmels, représentant des mormons en France, confirme l'existence de ces pratiques, mais souhaite mettre un terme aux craintes. "Ces dogmes font simplement partie de notre religion, il faut les respecter. De toute façon, ces cérémonies sont assez rares." 

Beaucoup de propos, de croyances et de questions circulent, dont certains alimentent les soupçons parmi les riverains. Toutefois, la religion des mormons n'est pas considérée comme une secte par la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes). Depuis 2009, l'Eglise de Jésus-Christ des saints des derniers jours est même reconnue comme une "association cultuelle", ce qui lui donne un vrai statut juridique aux yeux de la loi.

• Le "Salt Lake City des Yvelines" ?

Certains habitants craignent également que Le Chesnay, 30 000 âmes, devienne un "mini Salt Lake City". Cette ville américaine de l'Utah est considérée comme le berceau de cette Eglise et les fidèles y habitent nombreux. "Ce temple est un lieu de silence, pas de rassemblement, se défend Dominique Calmels. Les gens qui s'en occuperont sont des bénévoles, la plupart retraités. Nous avons vraiment besoin de ce temple. Imaginez, j'ai dû aller à celui de Francfort pour me marier religieusement !" 

Le maire du Chesnay, Philippe Brillault (divers droite), un "catholique pratiquant", se veut également rassurant. "Il y a déjà une église mormone à Versailles, cela n'a jamais posé de problèmes." Selon lui, la validation du projet répond avant tout à "un principe de laïcité. Si le Qatar avait acheté ce terrain pour y construire une mosquée, je ne m'y serais pas opposé non plus".

• 80 millions d'euros sur la table

Le terrain visé, évalué à 16,5 millions d'euros, a été mis en vente 20 millions par son propriétaire, la Foncière des régions"C'était beaucoup trop cher pour nous", assure le maire. Alors que, selon une enquête de Time Magazine, la fortune des mormons au niveau mondial est évaluée à 30 milliards de dollars (23 milliards d'euros), ce qui en fait une communauté richissime. Le chantier du Temple de Paris est, lui, évalué à 60 millions d'euros, soit un coût total de 80 millions d'euros pour un lieu de culte où moins d'une centaine de personnes devraient se rendre chaque jour. 

Plan d'architecte du Temple de Paris au Chesnay (Yvelines). (DR)

Cependant, la construction d'un si gros édifice dans la ville déplaît. "Il n'y a pas de mormons au Chesnay, ce temple ne répond à aucun besoin", juge Martial Pradaud, membre de l'association Avenir 46 (en référence à l'adresse du temple, 46 bd Saint-Antoine). Comme lui, les opposants au projet affirment qu'ils ont été pris de court. "Le permis de construire a été déposé en août et validé fin octobre. Pour une commune où il faut parfois attendre six mois pour avoir le droit de poser un velux, c'est quand même bien rapide", ironise-t-il.

Et Martial Pradaud de s'interroger : "Le maire avait-il un intérêt personnel à adopter ce projet aussi vite ?" L'intéressé jure que non : "On s'est retrouvé devant le fait accompli, explique l'élu. Nous n'avions pas d'autre choix." 

• Les riverains auraient préféré des HLM

En décembre, rappelle France Inter, un adjoint au maire a démissionné pour protester contre le "manque d'information" liée au projet. Comme lui, l'association Avenir 46 reproche au maire d'avoir également enterré toute alternative à la construction du temple. "La ville n'a que 12 % de logements sociaux, contre les 20 % demandés par la loi SRU [solidarité et renouvellement urbains], s'insurge un militant. On aurait pu construire des HLM à la place du temple".

Impossible, répond Philippe Brillault. "Tout ce qu'on pouvait faire, sans payer, c'était de préempter le terrain pour un tiers, c'est-à-dire en vue de construire des HLM. Mais aucun organisme n'aurait pris le risque d'acheter un terrain sans être sûr que le permis de construire serait validé." Un risque que les mormons, eux, ont accepté de prendre. 

Faute de pouvoir revenir sur la vente du terrain, quatre recours gracieux concernant des points techniques du dossier ont donc été déposés. En l'occurrence, la taille des places de parking, jugées trop petites. Si le maire rejette ces recours, les opposants auront encore la possibilité de se tourner vers un tribunal administratif pour faire annuler le permis de construire.

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