L'Assemblée de Corse se penche sur la maladie de la violence
Le procureur de la République de Bastia avait parlé de “miracle”. Florian Costa, 30 ans, est mort au volant de sa voiture, à Biguglia, le 5 décembre. Le corps de la victime et son véhicule étaient criblés de balles. Mais à l'arrière, son bébé de huit mois n'a été que légèrement blessé par des éclats de verre, et sa fille 4 ans était indemne. Physiquement du moins. “Le ou les tireurs ont vu à un moment donné qu'il y avait des enfants à bord car les tirs ont été rapprochés, mais ça ne les a pas empêchés de continuer à tirer”, explique le procureur.
Ce cas, qui a beaucoup choqué, sera sans doute évoqué aujourd'hui à l'Assemblée territoriale de Corse. Pour la première fois, les élus vont consacrer la journée entière à débattre sur la violence dans l'île, et sur les moyens de la faire cesser.
Le constat de départ est le suivant : si l'on ne s'attache qu'à la froideur des chiffres, 2010 n'est pas l'année la plus sanglante en Corse : 16 meurtres et 14 tentatives. L'année précédente, c'était 28 homicides et 17 tentatives.
Mais plus que le nombre de morts, ce sont les circonstances dans lesquelles ils sont tués qui inquiètent. “C'est un phénomène nouveau depuis un ou deux ans, et l'assassinat de Biguglia est très symptomatique. Auparavant, les guet-apens avaient lieu dans des coins perdus”, explique le procureur de la République d'Ajaccio, Thomas Pison. “Les prises de risques sont de plus en plus importantes avec un mépris pour les potentielles victimes collatérales”, constate-t-il.
Ainsi, l'ancien nationaliste et homme d'affaires Antoine Nivaggioni a-t-il été abattu le 18 octobre à Ajaccio, à 50 mètres d'un collège où les adolescents entraient pour commencer les cours. Un samedi de septembre, une fusillade a éclaté sur un marché de Sartène, faisant un mort et deux blessés, dont un maraîcher qui voulait protéger son fils. Les actes de ce genre ont rythmé l'année, avec parfois l'utilisation d'armes lourdes et de tirs en rafales.
Des assassinats qui visent à “frapper les esprits”, selon le procureur de Bastia, Dominique Alzéari. Et elles témoignent “d'un mépris de la vie d'autrui et d'une dangerosité extraordinaire”, ajoute-t-il. “Un sursaut est indispensable (pour) faire évoluer les mentalités et remettre en question les principes-mêmes de vengeance qui nous identifient aux sociétés archaïques”, commente le président communiste de l'Assemblée de Corse, Dominique Bucchini. “La culture des armes est une culture de mort que nous devons effacer définitivement de notre patrimoine”, souhaite-t-il. Et la Corse n'est pas la seule région de France à devoir se pencher sur le problème.
Grégoire Lecalot, avec agences
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