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Une psychiatre jugée à Marseille après un assassinat commis par un patient

Le tribunal correctionnel de Marseille se prononcera mardi sur la responsabilité d'une psychiatre d'un hôpital marseillais dans la mort d'un octogénaire. L'homme avait été assassiné à Gap en 2004, par un schizophrène que la psychiatre avait laissé sortir pendant quelques jours.
Article rédigé par Ludovic Pauchant
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
  (Maxppp)

Si la psychiatre était condamnée, ce serait une première :
jusqu'alors, aucun dans la profession n'a jamais été condamné pour les actes d'un
malade mental qu'il avait sous sa garde. Le tribunal correctionnel reviendra sur les
faits mardi, pour dire si oui ou non, Danièle Canarelli, est responsable de la
mort d'un octogénaire assassiné à Gap en 2004 par un de ses patients
schizophrène qu'elle avait laissé sortir pendant quelques jours.

La psychiatre suivant depuis longtemps Joël Gaillard, son
patient hospitalisé d'office depuis 2001 à l'hôpital Edouard-Toulouse. A la
suite de divers actes de violences, Joël Gaillard avait été déclaré pénalement irresponsable
et hospitalisé d'office. 

Le 9 mars 2004, il tue à coups de hachette Germain Trabuc, un
homme de 83 ans,  devant son domicile à
Gap (Hautes-Alpes). Avec pour prétexte le détournement de l'héritage de sa
grand-mère, dont l'homme était le compagnon.

Des risques avérés de passage à l'autre

La juge d'instruction qui a renvoyé le médecin devant le
tribunal estime que la psychiatre n'a jamais posé le juste diagnostic de
schizophrénie. Qu'elle n'aurait donc pas dû le laisser sortir à l'essai... En
témoigneraient les avis convergents qu'avaient posés les nombreux psychiatres qui avaient
examiné avant elle Joël Gaillard.

La juge rappelle notamment que la psychiatre avait été
alerté par les proches de Joël Gaillard eux-mêmes des risques de passage à
l'acte dans le cadre d'un conflit familial exacerbé : "Il aurait
été conforme à la pratique courante à l'égard des patients estimés dangereux de
prendre des mesures élémentaires de sûreté afin de limiter les risques de fuite
.",
soutient-elle.

Son avocat plaide la relaxe 

Danièle Canarelli, elle, affirme qu'elle a toujours prescrit
les neuroleptiques adaptés à la pathologie de son patient, et qu'à l'époque, jusqu'en
2004, les antipsychotiques à "effet retard" n'existaient pas. Son
avocat plaidera la relaxe, en défendant la thèse selon laquelle sa cliente aurait pris en chargé Gaillard avec "toute la rigueur qu'impose sa déontologie ".

"Il n'y a pas d'exemple d'un tel entêtement dans
le déni de la part d'un médecin psychiatre. Elle n'a jamais su prendre la
mesure de la gravité de la situation, et cela contre l'avis de tous les autres
psychiatres
"

Face à elle, la famille de la victime, pour qui il aurait
fallu "fermer les portes " : "Il n'y a pas
d'exemple d'un tel entêtement dans le déni de la part d'un médecin psychiatre.
Elle n'a jamais su prendre la mesure de la gravité de la situation, et cela
contre l'avis de tous les autres psychiatres
", insiste leur avocat. Le
jugement sera mis en délibéré mardi : le Dr Canarelli encourt jusqu'à cinq
ans de prison et 75.000 euros d'amende.  Michel Trabuc, le fils de la victime de Joël Gaillard, estime lui à propos de ce dernier que l'hopital et la psychiatre ont, en le laissant partir, "préféré qu'il aille faire le mal à l'extérieur ".

L'Académie de médecine a déploré dans un rapport publié la veille que "désormais, la
mission de l'expert médical porte moins sur l'évaluation de la responsabilité
que sur celle de la dangerosité: le médecin n'a plus à faire un diagnostic mais
un pronostic
". En ajoutant que la connaissance médicale ne saurait
être... "une science de la prédiction ".

 

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