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Procès de Rudy Kurniawan : les vignerons bourguignons témoignent

Le procès du faussaire en grand crus s'est ouvert en début de semaine, à New York. Kurniawan risque jusqu'à 40 ans de prison et 500.000 dollars d'amende. Après avoir "visité" le laboratoire où le faussaire fabriquait des Pétrus ou des grands crus de Bourgogne, les jurés ont entendu celui qui est à l'origine du procès : Laurent Ponsot, du domaine éponyme, a expliqué comment les soupçons de faux étaient nés. A ses côtés, deux autres vignerons avaient fait le déplacement : Christophe Roumier et Aubert de Villaine, du domaine de la Romanée-Conti.
Article rédigé par Guillaume Gaven
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
  (John Marshall Mantel SIPA)

"Sa maison était une cave, une usine de vins" . C'est l'agent James Wynne, du FBI, qui raconte la perquisition effectuée, le 8 mars 2012, dans la maison de Californie de Rudy Kurniawan. La cuisine était devenue un laboratoire, débordant de bouteilles vides, de bouchons, d'étiquettes, de capsules, de cires. Il y avait aussi une demi-douzaine de gros cahiers, sur lesquels Rudy Kurniawan notait scrupuleusement ses formules pour "inventer" tel ou tel vin.

Auparavant, le procureur avait montré des courriels, envoyé par Kurniawan, demandant à ce qu'on lui renvoie les bouteilles vides de grands crus consommés dans un restaurant new-yorkais : "Ne les lavez pas, j'ai besoin qu'elle semblent d'époque" . Ou encore, cet échange avec le patron de la maison d'enchères John Kapon, qui lui écrit : "Relaxe, mec. Tout le monde salive sur cette vente. J'ai déjà des acheteurs qui mordent à l'hameçon" .

Laurent Ponsot à la barre

Rudy Kurniawan, faussaire en grands crus. Son procès s'est ouvert en début de semaine, à New York ; il doit se terminer en fin de semaine prochaine. Pour avoir écoulé des centaines de faux vins, et gagné quelques millions de dollars, il risque jusqu'à 40 ans de prison, et 500.000 dollars d'amende.

Très attendu, le témoignage de Laurent Ponsot, l'homme qui a démasqué le fraudeur - à cause, comme souvent, d'un détail bête : sur sa lancée, Kurniawan avait imaginé des Clos Saint-Denis des années 40, 50, 60... alors que le domaine n'en produit que depuis 1982. Un lot de 84 bouteilles devait être vendu aux enchères, en avril 2008 ; face aux réticences du commissaire-priseur à retirer le lot de la vente, Laurent Ponsot avait sauté dans un avion pour tout faire annuler.

Début du scandale... Laurent Ponsot a raconté son déjeuner, le lendemain de la vente, avec Kurniawan. Comment il l'avait fait promettre de lui donner le nom du vendeur des bouteilles, et comment il a dû attendre plusieurs mois avant d'obtenir un faux nom.

"Tant d'étiquettes pour des vins qui ont disparu, je n'en ai jamais eu autant sous la main" (Aubert de Villaine)

Bouteille en main, Laurent Ponsot se fait volontiers pédagogue. Cette contrefaçon "est évidente. Du Clos Saint-Denis de 1945, cela ne peut pas exister. Et une étiquette Nicolas ? Nous n'avons jamais vendu à Nicolas" , explique-t-il en anglais. D'autres contrefaçons sont un peu plus sophistiquées : une étiquette des années 50 sur un prétendu Clos de la Roche de 1945, la signature de son grand-père au lieu de celle de son père, une capsule dorée quand le Domaine n'en a jamais utilisé...

Deux autres célèbres vignerons bourguignons ont ensuite témoigné. Laurent Roumier, du domaine Christophe Roumier, a témoigné de contrefaçons. "On se devait d'intervenir ; ce cas-là n'est pas unique" , a-t-il relativisé.

Et Aubert de Villaine, co-gérant du domaine de la Romanée-Conti, a déclenché des rires dans la salle en examinant les fausses étiquettes : "C'est extraordinaire, tant d'étiquettes pour des vins qui ont disparu, je n'en ai jamais eu autant sous la main" . Des étiquettes qui servaient à décorer les murs de la cave, a bien tenté l'avocat de Kurniawan. Sans convaincre personne...

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