Pourquoi le procès Dalongeville ne risque pas d'embarrasser François Hollande
Le procès de Gérard Dalongeville a débuté au tribunal de Béthune. L'ancien maire d'Hénin-Beaumont tente d'impliquer François Hollande, ex-premier secrétaire du Parti socialiste.
Le procès de l'ancien maire d'Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais) Gérard Dalongeville s’est ouvert lundi 27 mai dans l’après-midi. L'ancien socialiste est accusé de "détournement de fonds publics" et "usage de faux". Pour se défendre, Gérard Dalongeville se dit victime d'un système et pointe directement la responsabilité du premier secrétaire du Parti socialiste de l’époque, François Hollande. Des accusations qui risquent de tomber à plat. Francetv info vous dit pourquoi.
Parce que le PS a dédouané François Hollande
Premier secrétaire du PS pendant onze ans, François Hollande pouvait-il ignorer les pratiques du PS-Pas-de-Calais ? C'est la ligne de défense choisie par Gérard Dalongeville, maire d'Hénin-Beaumont de 2001 à 2009. "Est-il un menteur ou un amateur ? Jusqu’où un président de la République, qui, après avoir été à la tête d'un parti pendant onze ans peut-il dire : 'Je ne savais pas' ? L'hypothèse la plus probable, c'est que tout le monde savait", lâche l'ex-premier édile dans un entretien à Valeurs actuelles le 11 avril, relayé par la fédération ardéchoise du PCF.
Pour le blogueur Alain Alpern, ancien élu socialiste et fin connaisseur de la vie politique locale, l'objectif du procès sera aussi de découvrir à quel point le Parti socialiste a "couvert" Dalongeville. Les éventuelles révélations pourraient mettre en porte-à-faux François Hollande. "Nous devrions avoir confirmation implicite ou explicite de tout cela dans les prochaines semaines. A savoir que, d'une part, Dalongeville a profité du système qu'il a lui-même mis en place et, d’autre part, que le PS a 'couvert' l’ex-maire d’Hénin-Beaumont pour tenir cachées ses propres turpitudes”, écrit le blogueur d’Hénin-Beaumont lundi 27 mai.
Pour autant, dans le rapport de la commission d’enquête interne sur le fonctionnement de la fédération socialiste du Pas-de-Calais, publié en juin 2012, l'ancien ministre de la Défense Alain Richard dédouane François Hollande : "L’accusation énoncée à l’encontre d’un système de corruption pouvant bénéficier au PS dans le Pas-de-Calais est dénuée de fondement." La commission raille alors les médias qui multiplient les "questions à l'encontre de la direction du PS, en particulier sur la connaissance que le PS national aurait pu avoir d’agissements irréguliers, soit d’élus socialistes, soit de son organisation départementale elle-même."
Parce que les Français distinguent le financement d'un parti et l'enrichissement personnel
Le procès Dalongeville s'ouvre dans un contexte compliqué pour François Hollande, deux mois après les aveux de Jérome Cahuzac sur son compte en Suisse et quelques jours après la condamnation de la députée PS Sylvie Andrieux à un an de prison ferme pour "détournement de fonds publics".
Pour autant, Stéphane Rozès, politologue et président de la société Conseil, Analyses et Perspectives, contacté par francetv info, ne pense pas que ces différentes affaires soient vues de la même manière par les Français. "L'affaire Cahuzac est beaucoup plus déstabilisante pour l'exécutif, puisqu'on touche au symbole de la protection de l'Etat. Concernant Dalongeville, il s’agit d'une affaire locale. Même si d’aventure, les accusés faisaient la démonstration de la connaissance du premier secrétaire du PS des turpitudes locales, les Français ne lui en tiendraient pas forcément rigueur car ils distinguent la question du financement politique d'un parti et l'enrichissement personnel."
Parce que Dalongeville fait de l'agitation médiatique
Gérard Dalongeville a bien compris tout l'intérêt médiatique qu'il avait à impliquer François Hollande pour assurer ses arrières. Le 3 mai, il envoyait à l'Elysée une invitation à comparaître pour François Hollande.
C'est une manière pour l'ancien élu de renvoyer François Hollande à sa promesse faite lors du débat de l’entre-deux tours : "Moi, président de la République, j'aurai aussi à cœur de ne pas avoir de statut pénal du chef de l'Etat : je le ferai réformer, de façon à ce que si des actes antérieurs à ma prise de fonction venaient à être contestés je puisse dans certaines conditions me rendre à la convocation de tel ou tel magistrat ou m'expliquer devant un certain nombre d’instances", avait assuré le candidat à la présidence de la République, comme le note le site Luiprésident.fr.
Le statut juridique du chef de l'Etat n'a pas été réformé, mais François Hollande avait tout de même la possibilité de répondre à "l’invitation" de Gérard Dalongeville. Le président ne devrait pas honorer sa promesse. "Il y a 99% de chances qu'il ne vienne pas", a prévenu Gérard Dalongeville lundi, selon Le Point.
Pour Stéphane Rozès, le refus très probable de François Hollande de venir témoigner ne devrait pas le pénaliser : "Cela n’impacte pas l'opinion. Le président n'est pas entendu comme témoin central dans l'affaire. Gérard Dalongeville fait de l'agitation, tout en sachant très bien que le président de la République ne viendra pas." Le politologue ne croit pas plus que les débats du procès puissent abîmer directement l’image du président de la République, à la tête du PS onze ans durant : "Dans la continuité d'autres affaires politico-financières, ce procès concourt à une opprobre qui rejaillit sur l'ensemble du personnel politique. Les Français renvoient en général dos à dos la droite et la gauche dans ce type d’affaires." Au risque d'accentuer la défiance des Français dans les politiques, qui ne cesse d'augmenter, selon un article du Monde.fr publié en janvier.
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