Michel Slitinsky, le "tombeur de Papon", est mort
Michel Slitinsky a quitté samedi le monde des vivants, à l'âge de
87 ans. Quatorze ans plus tôt, l'histoire retenait déjà de ce Bordelais, fils de
Juifs ukrainiens rescapé d'une rafle et ancien résistant, qu'il avait traîné
Maurice Papon devant les assises de Gironde, réunissant pour la vérité les
milliers de documents qui attestent alors de son rôle dans la déportation de
1690 juifs de Gironde sous l'Occupation.
Crinière blanche, lunettes épaisses, Michel Slitinsky, était marié et père de deux enfants. Il vivait à Talence en Gironde. Un communiqué du consistoire a annoncé une veillée en sa mémoire lundi soir et son inhumation mardi.
L'Ukraine, la Gironde, Auschwitz
En 1912, sa famille avait fui l'Ukraine pour rejoindre
la France. Avec l'espoir d'y trouver une terre de liberté. Las. Trente ans et
une guerre plus tard, Abraham Slitinsky, son père, est raflé par les services
de police de la préfecture de Gironde. Il est déporté en octobre 1942, gazé à
Auschwitz.
Cinquante-cinq ans plus tard, son fils est le porte-parole
des parties civiles au procès de Maurice
Papon qui s'ouvre pour huit mois en octobre 1997 devant la cour d'assises de la
Gironde.
En 1981, l'ancien cadre commercial transmet au Canard
Enchaîné des documents signés de la main de Maurice Papon, qui attestent dans
leur ensemble de sa participation et sa responsabilité dans l'arrestation et la
déportation de 1.690 juifs de Mérignac vers les camps de la mort via Drancy, en
région parisienne, entre 1942 et 1944. Maurice Papon est alors ministre du
Budget de Valérie Giscard d'Estaing. En avril
1998, il est condamné à 10 ans de réclusion criminelle, interdit de droits
civiques, civils et familiaux pour complicité de crimes contre l'humanité, au
terme de 17 ans de procédure : c'est le procès le plus long qu'aura connu
la justice française.
Recherche pour la vérité
La "recherche pour la vérité " de Michel
Slitinksky n'avait pas attendu les années 90 : en historien autodidacte,
il n'avait pas hésité, dès 1945, à porter plainte contre les policiers qui
avaient tenté de l'arrêter à Bordeaux. Sa plainte sera classée sans suite mais
toute sa vie, il poursuivra, sparadrap collant sur le siècle qui passe, les
vérités à dire au nom de la justice qui parfois oublie, ou s'égare.
On dit que chez lui, les cartons d'archives empêchaient le
visiteur de s'asseoir, encombrant l'espace de son intimité avec d'autres vérités
à hurler. La communauté internationale pleure un de ses grands hommes, un
de ceux qu'il appelait lui-même les "justes anonymes ".
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