Le général Rondot met Villepin à mal
Le général Philippe Rondot a contredit Dominique de Villepin, lundi, lors de son audition au procès ClearstreamLe général Philippe Rondot a contredit Dominique de Villepin, lundi, lors de son audition au procès Clearstream
Selon lui, Dominique de Villepin avait appris dès janvier 2004, lors d'une réunion organisée au quai d'Orsay en présence de Jean-Louis Gergorin (ancien vice-président d'EADS), que le nom de Nicolas Sarkozy apparaissait sur les listings.
Dominique de Villepin a toujours nié avoir su que le nom de Nicolas Sarkozy figurait sur ces listings.
Philippe Rondot, qui a enquêté sur l'affaire Clearstream pour le compte du ministère de la Défense entre 2003 et 2004, a affirmé par ailleurs que Dominique de Villepin s'était alors recommandé d'instructions du président de la République pour enquêter sur cette affaire de réseaux occultes de blanchiment.
"J'étais d'autant plus troublé qu'il m'a demandé de ne pas en avertir Michèle Alliot-Marie", la ministre dont il dépend, "sous prétexte que son mari a des liens avec les milieux d'affaire", a-t-il affirmé lundi au procès.
Or, Dominique de Villepin a toujours réfuté s'être recommandé d'instructions présidentielles.
Rondot: "je n'ai pas un QI de pétoncle"
Philippe Rondot, a reconnu lundi s'être fait duper dans l'affaire Clearstream, mais refuse de passer pour un idiot.
"En France, les militaires ne jouissent pas d'une réputation extraordinaire. Mais quand même, je n'ai pas un QI de pétoncle, j'ai agi comme officier de renseignement", s'est défendu le général.
"Je suis un officier de renseignement au service de l'Etat. J'ai toujours été persuadé que (cette enquête) avait été commandé(e) par le chef de l'Etat, sinon je ne l'aurais pas fait(e)", a-t-il martelé.
"Mes méthodes sont peut-être atypiques, mais je ne suis pas un électron libre", a-t-il dit, regrettant avoir été "instrumentalisé"de toutes parts, tantôt par Dominique de Villepin, tantôt par l'ancien vice-président d'EADS Jean-Louis Gergorin et tantôt par le mathématicien Imad Lahoud.
Accusé d'avoir été parfois trop crédule vis-à-vis d' Imad Lahoud, il a expliqué que "toute source" humaine, même "fragile", "a son importance" dans une enquête et que son "principe est de ne jamais lâcher une source dans la nature, même si le fil est ténu".
Les précieuses notes de Rondot à la loupe
L'audition du général Philippe Rondot était très attendue. Les observateurs pensent en effet qu'il pourrait mettre à mal la défense de Dominique de Villepin et du même coup pimenter un procès qui n'a guère permis jusqu'à présent de faire la lumière sur cette affaire.
Les embarrassantes notes de cet officier vétéran du renseignement et du monde arabe vont être disséquées par le tribunal.
A partir de 2003, le militaire a enquêté sur les listings bancaires Clearstream pour le compte du ministère de la Défense et pour celui de Dominique de Villepin.
Par ailleurs, il était l'officier traitant du mathématicien Imad Lahoud, nom de code "Madhi", dont il espérait qu'il le mènerait vers Oussama Ben Laden. Quelques années plus tôt, Imad Lahoud avait en effet travaillé comme trader à Londres chez Merrill Lynch, banque de la famille Ben Laden, et il assurait pouvoir remonter vers lui. C'est dans des carnets et sur son ordinateur que le général a consigné l'avancée de ses différentes missions.
Il écrit notamment que, lors de la réunion du 9 janvier 2004 dans le bureau de Dominique de Villepin, à laquelle participait Jean-Louis Gergorin, a été abordé la question d'"un compte couplé N. Sarkozy". Or, Dominique de Villepin nie formellement avoir appris ce jour-là que le nom de son adversaire politique se trouvait sur les listings.
Autre difficulté: le général Rondot affirme que le 25 mars 2004, Dominique de Villepin lui a téléphoné pour lui demander de faire libérer Imad Lahoud, alors en garde à vue dans une autre affaire. Une instruction réfutée par l'ancien diplomate.
Ces notes "ne retranscrivent pas la vérité historique", a-t-il redit mercredi. A l'époque, "l'objectif du général Rondot, c'est l'opération Madhi, c'est la recherche d'Oussama ben Laden", a-t-il soutenu, suggérant qu'aveuglé par sa quête antiterroriste, le militaire s'était emmêlé les pinceaux.
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