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Implants mammaires : les dessous peu glorieux de la société PIP

Journaux, PV ou ex-salariés apportent leur lot de révélations sur les activités du fabricant de prothèses. FTVi a réuni des témoignages alors que le fondateur de PIP a été incarcéré mardi. 

Article rédigé par Julie Rasplus
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Un employé de l'entreprise Poly Implants Prothèses (PIP) examine un implant mammaire, le 20 octobre 2009, à la Seyne-sur-mer (Var). (DOMINIQUE LERICHE / MAXPPP)

Près de quatre mois après les premières révélations, le scandale des prothèses mammaires défectueuses PIP se poursuit sur le terrain judiciaire. Jean-Claude Mas, fondateur et ancien dirigeant de Poly Implants Prothèses (PIP), a été incarcéré à la prison des Baumettes à Marseille, mardi 6 mars dans la soirée, pour ne pas avoir versé une partie de sa caution, destinée à "garantir le paiement de la réparation des dommages".

Cette nouvelle étape vient s'ajouter à quatre mises en examen d'anciens cadres de la société et à une procédure pour "tromperie aggravée". Les déboires s'accumulent donc pour Jean-Claude Mas et sa société. Les témoignages sur les pratiques douteuses de l'entreprise aussi. Compilation. 

• "On nous avait inculqué cette notion de mensonge"

Depuis le début de la médiatisation de l'affaire, nombre d'ex-salariés assurent qu'ils étaient au courant des problèmes liés à l'activité de la société. Interrogé par France 3 Provence-Alpes, un ancien employé estime que l'entreprise "n'était pas sérieuse du tout, même au niveau des chefs et des responsables". Selon lui, le contrôleur qualité faisait "passer les lots" qu'il savait défectueux. 

Devant les enquêteurs, un ex-ingénieur du groupe évoque, lui, ses doutes quant à la composition du gel "maison" contenu dans les prothèses, raconte RTL.fr. Jean-Claude Mas lui faisait parfois faire des mélanges "avec les mêmes produits industriels que d'habitude mais dans des proportions différentes""Il n'est pas un scientifique, il faisait ça à la louche", confie ce salarié. 

Des cadres haut placés confirment leurs dires : "Nous étiquetions toujours le gel Nusil [gel médical homologué] même si ce n'était pas le cas", assure un directeur du service production, dans des PV d'audition cités par Nice-Matin.com. "On nous avait inculqué cette notion de mensonge."  

• Des alertes restées sans suite

Rares sont ceux qui acceptent de témoigner à visage découvert. C'est le cas d'une ancienne commerciale de PIP. Durant trois ans, elle a vendu des implants aux chirurgiens du Var. Le 12 janvier, elle raconte sur France 2 comment le scandale a commencé, en 2007, avec de nombreuses ruptures de prothèses. 

"Des analyses étaient faites au sein de PIP" afin d'expliquer pourquoi les prothèses se déchiraient, explique-t-elle. "Sauf que [les conclusions] étaient (...) les mêmes textes copiés-collés." Elle finit par démissionner après avoir donné l'alerte, en vain. Et avoir reçu des menaces, assure-t-elle sur Europe1.fr.  

• Des prothèses périmées remises en vente ? 

C'est ce qu'assure le quotidien régional Var-Matin, qui publie le 25 janvier un courrier interne de l'entreprise sur son site internet. Dans cette lettre datant de 2002, Jean-Claude Mas s'adresse au dirigeant de sa filiale espagnole. Il évoque des prothèses mammaires périmées. "Soit tu me les renvoies, soit je t'envoie les nouvelles étiquettes", écrit le patron de PIP.  

• Les soupçons d'un inspecteur de l'Afssaps

En mars 2010, un inspecteur de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) visite l'entreprise. Il y découvre des fûts contenant des matières premières suspectes. Interrogé sur leur contenu, Jean-Claude Mas ne lui donne aucune explication, explique-t-il à France 2, le 14 janvier. 

• Les employés pâtissier, soudeur ou esthéticienne

A en croire les PV d'audition que Le Figaro.fr (accès abonnés) s'est procuré, les formations des employés n'ont rien à voir avec leur travail au sein de PIP. Le site publie ainsi les témoignages d'un pâtissier, d'une esthéticienne ou encore d'un soudeur qui ont intégré l'entreprise. 

Le récit de Gérard est le plus surprenant. "J'ai obtenu un CAP de cuisinier en 1980. J'ai travaillé dans le milieu de la restauration (...) et dans une maison de retraite", confie le quinquagénaire. PIP l'embauche tout de même comme opérateur en salle de production. Il devient ensuite technicien puis contrôleur qualité, sans toutefois avoir "été formé aux différents postes occupés".

"Mon rôle consistait à contrôler les matières premières, les tester. Nous faisions des études, des recherches pour améliorer la qualité des prothèses", confesse-t-il. Gérard a obtenu son poste après avoir travaillé au même endroit que la mère de la compagne de Jean-Claude Mas. Une méthode de recrutement habituelle pour PIP, selon Europe1.fr.

• Le rôle mystérieux de la compagne de Jean-Claude Mas

Si les récits de salariés font état d'activités suspectes, l'entourage du patron de PIP reste lui aussi très mystérieux. Ainsi, sa compagne, Dominique Lucciardi, est présentée par certains comme "le cerveau [de] l'histoire"D'après Le Nouvel Obs.com, c'est elle qui initie Jean-Claude Mas à la fabrication d'implants mammaires. Mais cette chimiste de formation refuse de s'exprimer, comme l'indique France Info.

Ce silence met en évidence l'opacité des activités et des relations du fondateur de PIP. Et ne soulage pas les 190 victimes recensées en France qui devront attendre le premier procès pour obtenir des réponses à leurs questions. Il pourrait avoir lieu fin 2012, au plus tôt.

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