GPA : que dit la loi ? Que dit la circulaire Taubira ?
Qu'est-ce que la GPA ?
La GPA est la Gestation pour autrui. Il s'agit d'un méthode d'assistance à la procréation dont il est beaucoup question actuellement dans le débat sur le mariage homosexuel (même si il ne fait pas partie du projet de loi), mais qui concerne aussi essentiellement des couples hétérosexuels infertiles.
Deux cas de figure existent. Si l'enfant est conçu avec les gamètes de la femme qui porte l'enfant et de l'homme du couple qui le désire (ou de l'un des hommes), alors il s'agit d'une Maternité pour autrui (MPA), aussi appelée Procréation pour autrui.
Si la femme porte un enfant conçu par l'homme et la femme du couple qui désire l'enfant, alors il s'agit d'une GPA, Gestation pour autrui. Dans ces deux cas on peut parler de "mère porteuse".
"La maternité peut ainsi être divisée entre la génitrice, qui a fourni l'ovule, la gestatrice, qui a porté l'enfant et lui a donné naissance, et l'éducatrice (dite "mère intentionnelle"). C'est ce que permet par exemple le droit californien ", indique un rapport d'information parlementaire sur la Famille et les Droits de l'Enfant (janvier 2006) .
Que dit la loi française ?
Le recours à une mère porteuse est strictement interdit en France. C'est d'abord la Cour de cassation qui, en 1991, a condamné la pratique des "mères porteuses" au motif qu'"il n'y a que les choses qui sont dans le commerce qui puissent être l'objet des conventions " (article 1128 du code civil).
Puis cette interdiction a été confirmée par l'article 16-7 du code civil (introduit par la loi du 29 juillet 1994) qui stipule que "toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d'autrui est nulle ".
Le code pénal indique dans son article 227-12 : "Le fait, dans un but lucratif, de s'entremettre entre une personne désireuse d'adopter un enfant et un parent désireux d'abandonner son enfant né ou à naître est puni d'un an d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende ". Mais le code pénal ne sanctionne en revanche ni la personne ou le couple désireux d'accueillir un enfant, ni la mère porteuse elle-même.
Enfin, la loi bioéthique bannit le recours à une mère porteuse en interdisant l'instrumentalisation du corps humain. En 2009, l'Académie nationale de médecine avait rendu un avis défavorable à la GPA.
"Il n'y a pas la moindre modification de la position ni du président de la République ni du gouvernement" (Taubira)
Pour certains députés UMP, la circulaire envoyée par Christiane Taubira vendredi dernier, qui vise à faciliter l'obtention d'un certificat de nationalité pour un enfant issu de la GPA à l'étranger, "est totalement illégale et contraire à l'ordre public ". Guillaume Larrivé et Daniel Fasquelle, élus de l'Yonne et du Pas-de-Calais, ont donc annoncé mercredi leur intention d'attaquer la circulaire Taubira "devant le Conseil d'Etat, en formant un recours pour excès de pouvoir ".
De son côté, la Chancellerie répond qu'"il n'y a pas la moindre modification de la position ni du président de la République ni du gouvernement. La GPA dans notre droit est interdite, ça ne fait pas débat ", a insisté Christiane Taubira mercredi à la sortie du Conseil des ministres.
Que permet cette circulaire ?
La circulaire envoyée vendredi par Christian Taubira ne crée pas de nouveau droit, mais insiste sur le droit existant, précise Matignon, citant l'article 18 du code civil : "Est français l'enfant dont l'un des parents au moins est français ". Et "le seul soupçon " de recours à une mère porteuse "*ne peut suffire à opposer un refus aux demandes de certificat de nationalité française ( CNF ) * ", indique la circulaire. C'est ce point que le texte souhaite rappeler aux greffiers des tribunaux d'instance, pour qu'ils délivrent le document nécessaire aux familles dans les cas où la situation bloque.
La circulaire vise donc à unifier les pratiques. Même en cas de doute du greffier, le CNF devra être délivré. Le certificat de nationalité française n'est qu'une attestation. Mais en être privé peut virer au casse-tête pour obtenir un passeport, une carte d'identité ou pour une candidature dans la fonction publique.
La circulaire concerne en fait environ 40 enfants "qui se trouvent dans une situation administrative kafkaïenne ", a indiqué la ministre de la Culture Aurélie Filippetti. Récemment, Christiane Taubira avait cité le chiffre de 38 cas ces quatre dernières années.
Qu'est-ce qu'elle ne permet pas ?
Cette circulaire ne change rien au fait que la justice française ne délivre qu'un "certificat de nationalité" à l'enfant conçu à l'étranger par GPA, mais ne se prononce pas sur sa filiation (contrairement à ce que souhaiteraient certaines familles concernées). Autrement dit, cette circulaire ne concerne pas la transcription des actes d'état civil étrangers sur le registre français.
Par exemple, prenons un homme et une femme français qui font appel à une mère porteuse aux Etats-Unis, en Californie. Selon la législation en vigeur dans cet Etat américain, ils peuvent être déclarés parents de cette enfant mis au monde par une mère porteuse car là-bas "les parents légaux d'un enfant sont ceux qui avaient l'intention de l'être dès la conception ". En Californie, "les tribunaux ont progressivement admis que les parents commanditaires peuvent, s'ils sont les parents génétiques de l'enfant à naître, obtenir avant la naissance une décision judiciaire leur attribuant la filiation ", indique ce rapport du Sénat.
Mais vient ensuite la question du retour en France de cet enfant, qui est français puisque conçu par des parents français. La circulaire Taubira rappelle donc juste aux tribunaux qu'ils doivent lui attribuer un "certificat de nationalité", mais ne concerne absolument pas la reconnaissance de ses parents.
Et c'est bien là qu'il peut y avoir un flou : car le ministère de la Justice ajoute que si la France refuse de dire qui sont les parents, elle ne conduit aucune procédure visant à contester une filiation qui serait frauduleuse car issue du recours à une mère porteuse. Pourtant, l'article 336 du code civil permet de contester toute filiation établie en fraude à la loi. Mais, tout comme la précédente majorité, le ministère de la Justice prefère ne pas exercer d'action en contestation, car cela serait notamment "contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant ".
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