Gestation pour autrui : pour le gouvernement, circulaire, y'a rien à voir
Il n'en fallait pas plus pour mettre le feu aux poudres. La
question très sensible de la Gestation pour autrui, interdite en France, a fait
irruption dans les premières heures de l'examen du projet de loi sur le mariage
pour tous.
La circulaire de la discorde
Dans les faits, le ministère de la Justice a envoyé aux
greffiers des tribunaux d'instance une circulaire, annoncée il y a deux
semaines en commission des lois de l'Assemblée nationale. Que dit ce texte,
signé par la ministre Christiane Taubira ? En bref, il s'agit de demander
à la justice de ne plus systématiquement refuser la délivrance de certificats
de nationalité française aux enfants nés de mères porteuses à l'étranger. Une
pratique qui n'est à l'heure actuelle pas systématique.
Conséquence, aujourd'hui, environ 40 enfants "se
trouvent dans une situation administrative kafkaïenne" a indiqué mercredi
matin la ministre de la Culture Aurélie Filippetti. Ce sont "les fantômes de
la République" ajoute Erwann Binet, député PS de l'Isère mais surtout
rapporteur du projet de loi sur le mariage pour tous.
De leur côté, les associations venant en aide aux parents
ayant eu recours à la GPA se félicitent de ce premier pas. L'Association des
familles homoparentales (AFDH) par exemple, qui estime à "plusieurs
milliers" le nombre d'enfants nés de cette pratique. Son président,
Alexandre Urwicz, l'affirme : "on estime qu'il y a entre 500 et 800
Français qui ont recours à une GPA chaque année" .
L'opposition s'engouffre dans la brèche
Pour l'opposition parlementaire, et notamment l'UMP, cette
circulaire n'est rien de moins qu'une provocation. Dès mercredi matin, le chef des
députés UMP Christian Jacob a écrit au président de la République pour lui
demander le retrait de la circulaire. Autre réaction, celle du député de la
Manche Philippe Gosselin :
"La démonstration de l'équation mariage + adoption =
PMA + GPA est désormais faite. Ceux qui s'abritaient derrière les propos
lénifiants du gouvernement ne pourront plus dire qu'ils ne voulaient pas ça. La
GPA, c'est bien maintenant."
En plein débat sur le mariage pour tous, le thème est
hautement sensible. "C'est ou une maladresse, ou une provocation [...] ce n'est pas anodin de faire ça à ce moment-là, dans ce contexte-là bien particulier. C'est une façon quand même de faire monter la tension de manière un peu étrange" estime Jean-Louis Borloo, invité de Questions d'Info LCP/France Info/Le Monde/AFP.
Des poids lourds de l'UMP comme Henri Guaino, Jean-Pierre
Raffarin et Bruno Le Maire se sont succédés pour dénoncer une porte ouverte à la "marchandisation des corps" .
Sur le terrain du droit, deux députés UMP, Daniel Fasquelle
et Guillaume Larrivé, ont promis d'attaquer devant le Conseil d'Etat. Une
attaque sur la légalité du texte lui-même. Hervé Mariton, député de la Drôme,
exige carrément "le renvoi du débat" sur le mariage pour tous. Pour
le gouvernement, ce n'est certainement pas le meilleur moment pour donner une
telle prise aux attaques de l'opposition.
Mais c'est à l'Assemblée que le débat a été le plus vif. Dès
la première question au gouvernement, à 15 heures précises mercredi après-midi, le président de l'UMP
Jean-François Copé s'est adressé à Christiane Taubira : "les masques
sont en train de tomber" , "l'enfant devient un objet" ... Une
attaque violente qui se transforme en huées en provenance des bancs de la
droite lorsque la ministre de la Justice prend la parole pour répondre. Chistiane Taubira s'exprime sous les cris de "démission, démission !" .
Le gouvernement calme le jeu
De fait, le gouvernement s'échine depuis mercredi matin à
dégonfler la polémique.
La précision est importante : la circulaire vise
simplement à "insister" sur le droit existant, en l'occurrence l'article
18 du Code civil, qui dit clairement qu'"est français l'enfant dont
l'un des parents au moins est français" .
La ministre de la Justice a tenu à mettre les choses au
point : Christiane Taubira s'est exprimée mercredi à la mi-journée juste
après le conseil des ministres :
"Il n'y a pas la moindre modification de la position
ni du président de la République, ni du gouvernement, ni de moi
personnellement."
Une position répétée à plusieurs reprises au micro devant
les députés lors des questions au gouvernement mercredi après-midi.
Sous-entendu, il est toujours hors de question de légaliser
la GPA en France. Et le projet de loi sur le mariage pour tous en discussion à
l'Assemblée, s'il abordera bien sûr cette question, ne reviendra pas sur cette
interdiction, affirme notamment le ministre des Relations avec le Parlement
Alain Vidalies.
Mais au sein-même du Parti socialiste, des voix discordantes commencent à se faire entendre. A l'exemple de Thierry Mandon, le porte-parole du groupe PS à l'Assemblée nationale : "ce serait tombé dans 15 jours, peut-être que ça nous aurait épargné l'espèce de psychodrame sans fondement qui fait que l'opposition, à cours d'arguments, se saisit de cette instruction donnée aux tribunaux [...] pour essayer de trouver de nouvelles raisons de s'opposer au mariage pour tous."
Reste que le chiffon rouge est désormais sorti, et l'opposition
ne se privera pas de l'agiter à l'Assemblée pour mener la bataille contre le
mariage pour tous.
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