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Etats-Unis : procès de Rudy Kurniawan, fraudeur de grands crus

Lundi devait s'ouvrir à New York le procès de celui qu'on a surnommé "Docteur Conti" - du nom du célèbre domaine viticole bourguignon. Rudy Kurniawan a fait fortune en vendant pendant une dizaine d'années des fausses bouteilles de grands crus. Il risque 40 ans de prison et 500.000 euros d'amende. Le procès a été reporté au 9 décembre.
Article rédigé par Guillaume Gaven
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
  (Bobby Yip Reuters)

Le 8 mars 2012, lorsque le FBI débarque dans une belle villa de la banlieue résidentielle de Los Angeles, ils tombent sur un véritable atelier de contrefaçons. Des centaines de fausses étiquettes, des tampons en caoutchouc, de la cire à cacheter... et surtout des "fiches de recettes" un peu particulières : comment, par exemple, produire un Pomerol des années 1940 à partir de vins californiens. Ou encore ce magnum de Petrus 1983 "fabriqué" en mélangeant du 1980 et du 1985. Edifiant.

Le propriétaire des lieux s'appelle Rudy Kurniawan. Un miliardaire américain, Bill Koch, a porté contre lui l'année précédente. Il l'accuse de lui avoir vendu des fausses bouteilles. Mais en fait celui qui a fait "tomber" le faussaire est un vigneron bourguignon, Laurent Ponsot, alerté par une vente aux enchères à New York de quelques bouteilles de Clos Saint-Denis des années 40 et 50. Or le vigneron ne produit ce grand cru que depuis 1982 ! Laurent Ponsot mène alors l'enquête, rencontre à plusieurs reprises Kurniawan pour avoir une explication. Qui ne viendra jamais.

C'est ainsi qu'éclate l'un des plus grands scandales de fraude au vin. Difficile de savoir l'étendue et le montant du préjudice - le procès qui devait s'ouvrir ce lundi - et a finalement été reporté au 9 décembre - à New York devrait le préciser.

Faire déguster les vraies bouteilles et vendre les fausses

Sur le banc des accusés donc, Rudy Kurniawan. Ou plutôt, Zheng Wang Huang, un Chinois arrivé aux Etats-Unis en 1998 avec un visa étudiant, en situation irrégulière depuis 2003. Un homme aux multiples facettes, qui se disait tour à tour Chinois ou Indonésien, richissime - il court les ventes aux enchères sur tout le territoire américain pour se constituer une cave estimée à plus de 50.000 bouteilles. Il devient rapidement un très bon connaisseur des terroirs bourguignons, arpente les vignes, a ses entrées dans les principaux domaines.

Son procédé est infaillible : il organise de somptueux dîners au cours desquels il ouvre de vraies bouteilles, et vend les fausses. Aux enchères. Infaillible, ou presque : le prestigieux restaurant Cru, à New York, commence à s'interroger : pourquoi Kurniawan insiste-t-il autant pour récupérer les bouteilles vides à la fin des repas ?

Il y a aussi quelques dégustations organisées à huis clos. En janvier 2007, un avocat et collectionneur américain réunit de fins connaisseurs autour de Christophe Roumier, du domaine Georges Roumier. Il ouvre 15 bouteilles, dont 11 ont été achetées à Kurniawan. Le verdict est sans appel : trois sont authentiques, six sont fausses, une bouchonnée et une frauduleuse.

Hollywood intéressé ?

Bref, l'étau se resserre. Le FBI entre alors dans la danse, et contacte, en 2010, un certain nombre de domaines bourguignons très prestigieux : Ponsot, Roumier, Rousseau et la Romanée-Conti. Des agents sont même dépêchés sur place, pour recueillir tous les éléments en leur possession. Les jours de Kurniawan sont comptés.

Il encourt une peine de 40 ans de prison, et 500.000 euros d'amende. Le procès sera suivi de près par tous les domaines viticoles lésés, qui doivent témoigner. Et l'histoire est tellement belle que, paraît-il, Hollywood s'y intéresserait déjà...

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