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Erreurs judiciaires : "Le jour où j'ai été condamné"

Parallèlement au procès en révision de Marc Machin, francetv info donne chaque jour la parole à plusieurs victimes d'erreurs judiciaires. Voici le quatrième épisode de notre série.

Article rédigé par Catherine Fournier
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Abderrahim El-Jabri (à g.) et Kader Azzimani devant les assises de Montpellier (Hérault), le 15 janvier 2003.   (JEAN MICHEL MART / MAXPPP)

Marc Machin devrait devenir la huitième personne en France à décrocher l'acquittement après un procès en révision, qui s’est ouvert lundi 17 décembre devant la cour d’assises de Paris. A cette occasion, francetv info donne chaque jour la parole à plusieurs victimes d’erreurs judiciaires. Après l’arrestation, les aveux et l’arrivée en prison, voici la condamnation.  

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Après l’arrestation, la garde à vue, les éventuels aveux et l’arrivée en prison, la condamnation est généralement le coup de massue. Car, étrangement, les victimes d’erreurs judiciaires fondent beaucoup d’espoir sur ce rendez-vous avec "les robes rouges". "J’étais d’une naïveté incroyable, j’étais certain d’être acquitté, je croyais dur comme fer en la justice de mon pays", indique à francetv info le président d’Action Justice, Roland Agret, lui-même victime d’une retentissante erreur judiciaire.

"Je me disais que la justice était là pour me protéger, que j’allais être innocenté", se souvient aussi Patrick Dils, interrogé par francetv info. C’est tout le contraire qui se produit. L’adolescent de 16 ans est condamné en 1989 à la réclusion criminelle à perpétuité pour le meurtre de deux enfants à Montigny-lès-Metz (Moselle). Il n’a pas su se défendre, clamer son innocence et convaincre les jurés. "Je ne le vis pas ce premier procès, je fais confiance au système", concède-t-il. Manque de chance, où effet somatique, il souffre d’une rage de dents "exceptionnelle" ce jour-là. "Je ne comprenais rien, je souffrais terriblement, j’étais spectateur, pas acteur." Lors de son deuxième procès, en révision cette fois-ci (avant 2000, il n’était pas possible de faire appel d’un verdict de cour d’assises), il n’arrivera pas non plus à parler. Et sera condamné à vingt-cinq ans de prison.

"Ça y est je rend les armes"

Le scénario est quasi identique pour Marc Machin. Après avoir compris que même les expertises ADN ne le disculperaient pas, le jeune homme, qui a avoué avant de se rétracter le meurtre d’une femme sur le pont de Neuilly en 2001, pense que son innocence va enfin être démontrée lors du procès. "Deux ans et neuf mois que j’attends ce moment, écrit-il dans son livre. (...) Les incohérences du dossier vont forcément éclater au grand jour. La méprise ne peut pas tenir la route, pas devant une cour d’assises." Il déchante rapidement. L’audience lui échappe, il s’enfonce, les témoins en sa faveur se défilent, et peu à peu, il a "l’impression que tout le monde s’est déjà fait son opinion" sur sa culpabilité. Le verdict tombe : dix-huit ans de réclusion.  

Le procès en appel, les 29 et 30 novembre 2005, ne tournera pas mieux. Mêmes éléments à charge, mêmes témoins. La peine de Marc Machin est confirmée, mais avec douze ans de sûreté. Son pourvoi en cassation est ensuite rejeté. "Ça y est je rend les armes, raconte-t-il a posteriori. Ce n’est pas une bataille mais la guerre que j’ai perdue." 

Un jury longtemps considéré comme infaillible

D’autres n’ont pas été aussi naïfs. A l’exemple d’Abderrahim El-Jabri : "Quand on est arrivés au procès, après cinq ans de détention provisoire, j’ai dit à Kader [Azzimani, son présumé complice] : 'On va prendre vingt ans. On reste ou on se barre ?'" Ils sont restés. Et ont effectivement été condamnés à vingt ans de prison pour le meurtre en 1997 d'un jeune dealer à Lunel (Hérault), tué de 108 coups de couteau. Les deux hommes ont fait appel. Un an après, en 2004, ils ont été condamnés à la même peine, mais avec une étrange requalification du chef d’accusation en "complicité d'homicide", passible de la même peine dans le Code pénal. Une façon pour la justice d’émettre un doute sans faire machine arrière. Selon El-Jabri, il est encore plus difficile, dans ce cas, de prouver son innocence. "On nous écrasait de plus en plus." 

Roland Agret confirme : "Quand vous êtes condamné, que vous prenez quinze ans, le ciel vous tombe sur la tête. Vous êtes en colère contre les jurés, les magistrats", analyse-t-il pour francetv info. "Ma bonne culture bourgeoise a été gravement remise en question ce jour-là", ajoute-t-il. D'autant qu’à cette époque - en 1970 - il n’était pas encore possible de faire appel d’un verdict en cour d’assises. A peine croyable : le jury populaire était considéré comme infaillible.

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