Ecoutes Sarkozy : Taubira brandit des documents accablants
Christiane Taubira a fait preuve d'une étrange imprudence. A la sortie du Conseil des ministres ce mercredi, la Garde des Sceaux a tenu à prouver aux journalistes qu'elle ne connaissait pas le contenu des écoutes menées par la justice, depuis le 3 septembre 2013, sur Nicolas Sarkozy, dans le cadre des soupçons de financement libyen de sa campagne de présidentielle de 2007.
La ministre de la Justice a ainsi brandi les deux lettres qu'elle a reçues, le 26 février dernier, du parquet général de Paris et du procureur national financier (PNF). Mais le journal Le Monde a utilisé cette photo, qui a fait le tour de la presse, pour retranscrire dans ses colonnes le contenu de ces fameuses lettres. Et la défense est devenue une faille.
Taubira a nié, mais Taubira savait
Sur France Info lundi midi, Christiane Taubira s'est montrée catégorique. Non, elle n'était pas au courant de ces écoutes. Mais le lendemain, c'est le Premier ministre lui-même qui, sur France 2, mettait à mal sa ministre. Jean-Marc Ayrault admettait avoir été mis au courant, mais que lui comme la Garde des Sceaux ne connaissaient pas le contenu de ces écoutes.
Ainsi, dans l'un des documents brandis ce mercredi par la ministre, le procureur national financier, Eliane Houlette, résume assez clairement le contenu des écoutes. La magistrate évoque notamment l'utilisation par Nicolas Sarkozy et son avocat Thierry Herzog d'"une ligne téléphonique souscrite sous un nom d'emprunt (Paul Bismuth) ". Même substantiel, le compte-rendu des écoutes évoque des soupçons de "trafic d'influence " impliquant l'ancien président de la République et son conseil, ce qui justifie aux yeux de la justice la mise sur écoute, alors que le milieu des avocats s'émeut depuis plusieurs jours des écoutes menées contre un des leurs.
Un contenu accablant pour Nicolas Sarkozy
La ministre de la Justice n'est pas la seule à se retrouver mise en porte-à-faux à la lueur de ces documents. Il apparaît au fil des lignes que Nicolas Sarkozy et Thierry Herzog ont tenu des conversations encourageant la thèse du trafic d'influence. Eliane Houlette fait part de conclusions gravissimes, sur la possibilité que "Monsieur Thierry Herzog aurait pu être renseigné ", tant "sur la surveillance des téléphones de Nicolas Sarkozy " que sur l'éventualité "d'une perquisition " dans le cadre du dossier libyen, écrit Le Monde . C'est pourquoi les deux hommes ont souscrit des téléphones sous des noms d'emprunt.
La magistrate évoque aussi les soupçons de conversations entre les deux hommes et "un magistrat du parquet général de la Cour de cassation, dans le cadre de l'examen par la chambre criminelle de cette Cour d'un pourvoi formé contre un arrêt de la chambre de l'instruction de Bordeaux ". Comme Le Monde l'a révélé vendredi dernier, ce fameux magistrat "aurait fait part à Thierry Herzog de son souhait d'être nommé conseiller au tour extérieur au Conseil d'Etat de Monaco et que Nicolas Sarkozy aurait assuré qu'il l'aiderait dans ce projet ' avec ce que tu fais'".
Quelles conséquences ?
Les conséquences de ces révélations sont évidemment multiples. Elles fragilisent bien sûr les dénégations de Christiane Taubira, attaquée par l'UMP et son président Jean-François Copé, qui réclamait mercredi matin sa démission. Elles fragilisent aussi la défense de Nicolas Sarkozy, empêtré dans les affaires alors qu'il tente d'apparaître comme le seul recours de la droite pour l'élection présidentielle de 2017.
Pour l'ancien Premier ministre, et actuel maire UMP de Bordeaux, Alain Juppé, ces affaires sont inquiétantes.
Mais dans sa lettre adressée à la chancellerie, l'avocat général Philippe Lagauche fait part de ses doutes quant aux fuites ayant permis à Nicolas Sarkozy et Thierry Herzog de changer de téléphone portable. "Il est en effet apparu que Nicolas Sarkozy, placé sur écoute dans le cadre de cette procédure, en aurait été informé, après que le bâtonnier de Paris ait [sic] été lui-même averti par le juge d'instruction conformément aux dispositions de l'article 100-7 du code de procédure pénale, la personne écoutée étant un avocat au barreau de Paris ", écrit-il. Visée, Christiane Féral-Schuhl, bâtonnier de Paris à l'époque. Un autre scandale à l'intérieur du scandale.
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