La libération du meurtrier d'un policier avant son second procès provoque l'indignation
L'homme était en détention depuis quatre ans dans l'attente de son procès en appel. Un délai que la justice n'estime pas "raisonnable". Cette libération a suscité une grande émotion au sein de la police.
La libération du meurtrier d'un policier tué en Seine-Saint-Denis, qui attend son procès en appel depuis quatre ans, suscite la polémique, jeudi 17 septembre. Rajeswaran Paskaran "a été libéré mercredi, explique son avocat Thierry Benkimoun. La chambre de l'instruction a estimé que le délai d'audiencement de son prochain procès, qui n'a pas encore de date, n'était pas raisonnable."
Ce trentenaire, incarcéré depuis le 24 février 2009, a fait appel en novembre 2011 de sa condamnation à vingt ans de réclusion criminelle pour le meurtre d'un policier à La Courneuve, au nord de Paris. "Depuis, il se désespérait de ne pas avoir de date pour son nouveau procès, de ne pas pouvoir compter les jours ou demander un aménagement de peine", poursuit son avocat. Estimant que "six ans de détention, c'est beaucoup", il a saisi la chambre de l'instruction en février pour le faire libérer, en vain. En juillet, "ne voyant rien bouger", il a déposé une nouvelle demande, cette fois-ci acceptée, mercredi.
La détention provisoire a "excédé le délai raisonnable"
Selon une source proche du dossier, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris a considéré que sa "détention provisoire" avait "excédé le délai raisonnable" au regard de la Convention européenne des droits de l'homme. A l'audience, le parquet général de Paris avait requis son maintien en détention.
"Mon client n'a jamais contesté les faits, mais leurs circonstances. Cet homme sera évidemment condamné", s'est défendu Me Benkimoun, saluant "le courage des magistrats, qui ont affirmé solennellement le principe directeur d'avoir un procès équitable, dans un délai raisonnable". Son client a été placé sous contrôle judiciaire avec interdiction de quitter la France et doit se présenter au commissariat chaque semaine.
"Ecœurement" et "indignation" dans la police
Rajeswaran Paskaran avait été écroué à la suite du meurtre, le 21 février 2009, d'un gardien de la paix de 33 ans, tué d'une balle dans la tête en pleine rue avec son arme de service. Aurélien Dancelme, qui n'était pas en service au moment des faits, était intervenu lors d'une rixe. Considéré comme l'auteur du tir mortel, Rajeswaran Paskaran avait été jugé avec quatre co-accusés devant la cour d'assises de Seine-Saint-Denis et condamné à la fin octobre 2011 à vingt ans de réclusion criminelle.
Sa libération entraîne "écœurement" et "indignation" dans la police. Synergie, deuxième syndicat d'officiers, estime que c'est une "décision ubuesque". Alliance, premier syndicat de gardiens de la paix, regrette que la justice "marche sur la tête" et "renvoie un message de laxisme aux délinquants". "Nous pensons à la famille de la victime, à ses collègues, à toute la famille policière qui est choquée, écœurée", a réagi son secrétaire général adjoint, Frédéric Lagache.
Taubira demande un "rapport circonstancié"
La garde des Sceaux, Christiane Taubira, a demandé en urgence, mercredi soir, "un rapport circonstancié sur les raisons expliquant l'absence d'audiencement". Selon les éléments communiqués, "une inspection pourrait être décidée", précise la Chancellerie.
Quatre accusés, le cinquième ayant été acquitté en première instance, devaient être rejugés en appel devant la cour d'assises de l'Essonne, désignée à la mi-janvier 2012 par la Cour de cassation. Le procès, qui doit durer trois ou quatre jours, était prévu "au premier semestre 2016", explique le procureur de la République d'Evry, Eric Lallement, considérant son délai d'audiencement "anormalement long". Il pointe "une augmentation du stock des dossiers en attente aux assises, liée en partie à une augmentation des renvois en appel vers la cour d'appel de l'Essonne. On a une politique qui priorise les dossiers de première instance et les dossiers de mineurs"
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