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Suicides à France Télécom : l'ex-patron mis en examen pour "harcèlement moral"

Dans une tribune publiée le jour de sa convocation, Didier Lombard refuse de lier les suicides survenus entre 2008 et 2009 aux plans de réorganisation de l'entreprise.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
France Télévisions
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L'ex-PDG de France Télécom Didier Lombard à Paris le 25 février 2010. (FRANCOIS GUILLOT / AFP)

L'ancien PDG de France Télécom, Didier Lombard, a été mis en examen mercredi 4 juillet pour "harcèlement moral". Il a été placé sous contrôle judiciaire avec obligation de verser une caution de 100 000 euros. Il était entendu dans l'après-midi dans le cadre de l'enquête sur les 35 suicides de salariés de l'opérateur survenus entre 2008 et 2009. Cette enquête, instruite au pôle santé publique du tribunal de grande instance de Paris, avait été lancée en avril 2010 après un rapport de l'Inspection du travail mettant en cause la politique de gestion du personnel et une plainte de la fédération Sud-PTT fin 2009.

La société France Télécom pourrait être poursuivie prochainement comme personne morale ainsi que d'autres ex-dirigeants. Pour la première fois en France, la politique de gestion des ressources humaines d'une entreprise est susceptible de constituer une infraction pénale en elle-même et d'entraîner un procès en correctionnelle de dirigeants, voire de la société.

• Quelle défense pour Didier Lombard ?

Au cours de son audtion, Didier Lombard "s'est borné à des explications sur le contexte économique, technologique et réglementaire dans lequel évoluait la société France Télécom. Il a notamment évoqué des règles de concurrence particulièrement défavorables que les pouvoirs publics ont imposées à cette entreprise", selon son avocat, Jean Veil, qui a ajouté : "Il ne s'est pas expliqué sur le fond du dossier."

Dans une tribune publiée par Le Monde le jour de sa convocation, il a refusé de faire le lien entre les gestes désespérés de ses salariés et les plans mis en œuvre dans l'entreprise à l'époque. "Je suis conscient que les bouleversements qu'a connus l'entreprise ont pu provoquer des secousses ou des troubles. Mais je conteste avec force que ces plans indispensables à la survie de l'entreprise aient pu être la cause des drames humains cités à l'appui des plaintes", écrit Didier Lombard, qui souligne qu'à "aucun moment les plans conçus et mis en œuvre par France Télécom n'ont été dirigés contre les salariés".

Pour lui, il s'agissait vraiment de la "survie" de l'entreprise. "Depuis trente ans, aucun autre secteur que les télécoms n'a traversé de si profondes mutations", détaille-t-il, insistant sur le fait que "le volet social était conçu pour que les mutations aient le minimum d'effet négatif sur nos collaboratrices et collaborateurs".

• Pourquoi son rôle fait polémique ?

On reproche à Didier Lombard d'avoir instauré un "management de la peur". En 2010, Les Inrocks relaient le témoignage de Christian, ancien directeur régional chez France Télécom. Au cours d'une réunion rassemblant 200 cadres et directeurs à Paris en 2004, Didier Lombard aurait, sur le ton de la blague, annoncé le scénario pour les trois ans à venir : "Faire partir 22 000 personnes du groupe sans avoir à les licencier. Voici la recette : on incitera des salariés à démissionner ; on en mutera dans d’autres secteurs de la fonction publique ; on signera des congés de fin de carrière", rapporte le magazine.

En 2009, Didier Lombard choque en évoquant une "mode des suicides" à France Télécom. Ce propos a contribué à son éviction, explique Le Monde. Il est remplacé début 2010 par Stéphane Richard, l'actuel PDG. En mars 2010, un rapport de l'inspection du travail accable la gestion de Didier Lombard. "Mise en danger d'autrui du fait de la mise en œuvre d'organisations du travail de nature à porter des atteintes graves à la santé des travailleurs""méthodes de gestion caractérisant le harcèlement moral"... Le document de 82 pages estime que "les atteintes à la santé mentale" et "l'absence de prise en compte des risques psychosociaux liés aux réorganisations" résultaient d'une politique nationale, poursuit Le Monde, dont la responsabilité incombait notamment à Didier Lombard.

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