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Conflit d'intérêts : Eric Dupond-Moretti ne désignera pas le prochain procureur près la Cour de cassation

Selon un décret de déport paru mercredi au Journal officiel, le garde des Sceaux laissera à Elisabeth Borne le soin de nommer le successeur de François Molins, actuel procureur près la Cour de cassation.
Article rédigé par Mathilde Lemaire
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
Eric Dupond-Moretti à l'Assemblée nationale, le 7 février 2023. (LUDOVIC MARIN / AFP)

Le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti contourne une nouvelle fois les difficultés liées à son renvoi en procès devant la Cour de Justice de la République. Un décret a été publié mercredi 15 février au journal officiel lui permettant de se déporter encore de certaines attributions au profit de la Première ministre Élisabeth Borne. À chaque fois, l'idée est de ne pas se trouver en situation de conflit d'intérêts. Cette fois, il renonce à certaines attributions en termes de suivis de carrières et de nominations de magistrats. Sans ce décret, le ministre de la Justice se serait retrouvé dans une situation inextricable avant l'été.

En juin prochain, l'un des plus hauts magistrats de France, François Molins, procureur général près la Cour de cassation, prendra sa retraite. En théorie, c'est au garde des Sceaux de proposer au président de la République le nom d'un remplaçant. Le hic, c'est que le procureur général près la Cour de cassation est celui qui représente l'accusation devant la Cour de justice de la République (CJR). Cour qui a renvoyé en procès le garde des Sceaux : en somme, Eric Dupond-Moretti aurait dû participer à la nommination de son futur accusateur. On peut difficilement imaginer plus gros conflit d'intérêts.

Une "situation ubuesque", selon le Syndicat de la magistrature

Le garde des Sceaux est accusé d'avoir profité de sa fonction pour régler des comptes avec des magistrats à qui il s'était opposé quand il était avocat. Il est renvoyé en procès devant la CJR pour prise illégale d'intérêts.

A l'approche de la nomination du successeur de François Molins, certains commentateurs pensaient inéluctable une démission du garde des Sceaux. Mais le décret publié mercredi montre bien que cela n'est pas une option pour Eric Dupond-Moretti. Le décret indique que le garde des Sceaux ne connaîtra désormais rien de la carrière ni du statut des magistrats participant aux procédures dans lesquelles il est mis en cause. C'est la Première ministre qui reprend ces attributions.

"Tout cela affaiblit la fonction, dénonce Sandra Peralta, secrétaire nationale du Syndicat de la magistrature. Il se met dans une situation ubuesque où les situations potentielles de conflits d'intérêts s'accumulent tellement qu'il ne peut plus prendre certaines décisions. Cela affaiblit son rôle de garde des Sceaux. Cela a un rejaillissement sur l'institution judiciaire, qui s'affaiblit également. On se demande quelle va être la suite. Est-ce que, bientôt, on aura un nouveau décret qui va lister à nouveau des compétences qui lui sont retirées ? Jusqu'où la liste va-t-elle s'allonger, et à quel prix ?"

Dans l'entourage du garde des Sceaux, on souligne que le renvoi d'Eric Dupond-Moretti en procès n'est, dans tous les cas, pas encore définitif, ses avocats n'ayant pas épuisé tous les recours. Ils ont formé un pourvoi en cassation.

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