Affaire Mahé : "Bon alors capitaine, on fait quoi ? Il faut le tuer ?"
L'adjudant-chef Guy Raugel, responsable de la mort de cet Ivoirien en 2005, a donné sa version des faits devant la cour d'assises de Paris.
JUSTICE – L'adjudant-chef Guy Raugel a raconté, jeudi 29 novembre à la cour d'assises de Paris, comment il avait achevé l'Ivoirien Firmin Mahé, en 2005, en marge de la mission Licorne. "Je savais que ce qu'on allait faire, c'était pas bien, je ne me suis pas engagé pour ça...", a dit d'une voix assurée cet homme de 48 ans, qui se dit "militaire dans l'âme". Il comparaît depuis lundi avec deux de ses anciens subordonnés et un colonel pour le meurtre de Firmin Mahé, qu'il a décrit comme un homme malfaisant, photos d'atroces exactions à l'appui. Mahé est en effet connu pour être le chef d'une bande de coupeurs de routes, et aurait perpétré des meurtres, ainsi que de nombreux viols, durant plusieurs mois.
L'adjudant-chef Raugel et ses hommes étaient chargés de surveiller la "zone de confiance" située entre le nord tenu par la rébellion et le sud loyaliste. Zone "qui n'avait de confiance que le nom", a-t-il relevé. "On était écœurés, on en avait marre, marre, marre, de voir des coupeurs de route qu'on arrêtait revenir en toute impunité recommencer leurs saloperies", a commenté l'adjudant-chef devant la cour.
Un capitaine "a acquiescé, de la tête et du regard"
Le matin du 13 mai, blessé par balle, Firmin Mahé a été ramené au cantonnement du peloton commandé par Guy Raugel. C'est là que l'adjudant-chef dit avoir reçu l'ordre par téléphone du colonel Eric Burgaud de conduire le blessé vers la ville de Man et de le tuer en route. Dans un premier appel, il s'agissait de "rouler doucement". L'adjudant a demandé s'il s'agissait que Mahé n'arrive pas vivant à destination. "Vous m'avez bien compris", lui aurait répondu le colonel.
Dans un deuxième appel, l'ordre est devenu explicite, a affirmé l'accusé. "Bon, capitaine, on fait quoi ? Il faut le tuer ?" a-t-il demandé à l'un des capitaines présents. Le colonel lui aurait dit de tuer Mahé par balle en prétextant d'une tentative d'évasion. Cette manière de procéder n'a pas semblé "cohérente" à l'adjudant-chef, parce que le blessé était inconscient.
Finalement, c'est avec un sac plastique qu'il étouffe Mahé. Selon l'adjudant-chef, un capitaine qui se trouvait à Bangolo a lui aussi parlé au téléphone avec le colonel et aurait "acquiescé, de la tête et du regard", quand Raugel dit lui avoir demandé si la mission était bien de tuer Mahé. Au procès, Raugel, cité par RFI, conclut : "Le fait de me choisir pour cette mission, c’était la certitude que l’ordre soit exécuté".
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