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IVG : que va-t-il se passer après le vote du Sénat en faveur de la constitutionnalisation du droit à l'avortement ?

Pour que le texte soit adopté, députés et sénateurs devront tomber d'accord sur une même formulation. La proposition de loi devra ensuite être approuvée par référendum, à moins que le gouvernement ne la reprenne à son compte.
Article rédigé par franceinfo
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Le ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti, lors des discussions au Sénat pour la constitutionnalisation de l'IVG, le 1er février 2023. (XOSE BOUZAS / HANS LUCAS / AFP)

Un pas de plus sur le chemin de la constitutionnalisation. Le Sénat a voté, mercredi 1er février, en faveur de l'inscription dans la Constitution de la "liberté de la femme" de recourir à l'interruption volontaire de grossesse (IVG). Ce vote marque un changement de pied pour la chambre haute, à majorité de droite. En octobre dernier, les sénateurs avaient en effet voté contre l'inscription de l'IVG dans la Constitution.

Le Sénat examinait mercredi une proposition de loi constitutionnelle de La France insoumise (LFI). Elle était présentée dans le cadre d'une niche parlementaire réservée au groupe socialiste, une journée où un groupe parlementaire peut fixer l'ordre du jour, LFI ne disposant pas de groupe au Sénat. Au terme d'un débat passionné, le vote a été acquis par 166 voix pour et 152 contre. Mais les étapes et les options sont encore nombreuses avant une potentielle inscription de l'IVG dans la Constitution. Franceinfo en dresse le détail.

Le texte va retourner à l'Assemblée nationale

Une proposition de loi constitutionnelle doit être votée dans les mêmes termes par les deux chambres du Parlement. Or, le Sénat n'a pas adopté la même formulation que l'Assemblée nationale en première lecture. En novembre, les députés de gauche et de la majorité s'étaient accordés sur la formulation suivante : "La loi garantit l'effectivité et l'égal accès au droit à l'interruption volontaire de grossesse."

Sauf que le Sénat n'a pas retenu la même formulation. Le texte a été réécrit, via un amendement du sénateur LR Philippe Bas. Il propose de compléter l'article 34 de la Constitution en ces termes  : "La loi détermine les conditions dans lesquelles s'exerce la liberté de la femme de mettre fin à sa grossesse."

Une rédaction qui ne fait plus référence au droit à l'IVG. Malgré cet abandon qu'ils déplorent, les sénateurs de gauche ont décidé d'agir "en responsabilité" et de voter le texte. Comme deux formulations différentes ont été adoptées, la navette parlementaire se poursuit et le texte va revenir à l'Assemblée, qui n'aura pas le dernier mot.

A la différence de ce qui se passe pour les lois ordinaires, les députés ne pourront pas voter le texte sans l'aval du Sénat. "L'Assemblée nationale et le Sénat ont (…) en matière de révision constitutionnelle, les mêmes pouvoirs", précise le site de la chambre haute. Il est donc essentiel que les deux chambres s'accordent sur une formulation.

La question sera donc de savoir si les députés acceptent de faire une concession en adoptant la version sénatoriale, qui sanctifierait "la liberté de la femme de mettre fin à sa grossesse".

L'adoption du texte devra être validée par référendum

Si les deux chambres parviennent à un accord, un long parcours s'engagera pour modifier la Constitution. D'autant que la procédure est plus complexe quand la demande émane du Parlement que du gouvernement. Dans le cadre d'une proposition de loi, comme c'est le cas ici, le recours au référendum est obligatoire. Selon le Conseil constitutionnel, seuls le président de la République, sur proposition du Premier ministre, ou le Parlement peuvent décider de la tenue de ce référendum.

Le procédé serait historique puisqu'"aucune proposition de loi constitutionnelle n'a abouti", confirme le constitutionnaliste Jean-Philippe Derosier à franceinfo. "La nécessité de ce recours au référendum représente une contrainte forte pour l'aboutissement définitif des propositions de loi constitutionnelles", écrit d'ailleurs le Sénat sur son site.

Or, "l'organisation d'un référendum n'est pas d'actualité", affirmait en novembre une cadre de la majorité à franceinfo. Reste à savoir si l'exécutif a changé d'avis entre-temps. Depuis 1958, une seule révision a été approuvée par référendum, rappelle le site de l'Assemblée : la réduction à cinq ans du mandat présidentiel, en 2000.

Mais le gouvernement pourrait en faire un projet de loi

Face à la difficulté d'organiser un référendum, certains parlementaires et associations appellent le gouvernement à se saisir de la question, via un projet de loi constitutionnel. Lorsque le texte émane de l'exécutif, le recours au référendum n'est plus obligatoire. "Il est facile pour le président de reprendre la proposition pour s'épargner les aléas d'un référendum, qui représente toujours un risque", explique Jean-Philippe Derosier à franceinfo.

Si le gouvernement décide de le reprendre à son compte, le président pourra décider de soumettre le projet au Congrès, c'est-à-dire aux deux assemblées réunies. Il devra alors être adopté à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés, comme cela a déjà été le cas pour 21 révisions constitutionnelles sous la Ve République, toujours selon le site de l'Assemblée. "Nous ne cessons de demander au gouvernement de prendre la main en déposant un projet de loi", avait déploré la sénatrice socialiste Marie-Pierre de La Gontrie lors de l'examen du texte en commission.

Dès l'adoption du texte par le Sénat, mercredi soir, Mathilde Panot a salué un vote "historique" dans un tweet. La patronne des députés LFI a appelé la Première ministre à agir : "La voie est libre, Madame Borne : à vous de déposer un projet de loi !" La Fondation des femmes a également interpellé Elisabeth Borne, Emmanuel Macron et la ministre déléguée chargée de l'Egalité femmes-hommes, dans un tweet.


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