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Enquête #NousToutes sur le consentement : "L'égalité entre les femmes et les hommes, c'est aussi dans l'intimité", estime Caroline de Haas

La militante féministe a réagi sur franceinfo à l'enquête qui révèle que neuf femmes sur dix disent avoir subi une pression pour avoir un rapport sexuel.

Article rédigé par franceinfo
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Caroline de Haas en mai 2017.  (VINCENT ISORE / MAXPPP)

"Nos intimités sont pétries des inégalités qui existent dans la société", a estimé mardi 3 mars sur franceinfo la militante féministe Caroline de Haas, alors que le mouvement #NousToutes auquel elle appartient publie les résultats d'un vaste appel à témoignages sur le consentement qui révèle que neuf femmes sur dix disent avoir subi une pression pour avoir un rapport sexuel. Plus de 100 000 personnes ont répondu au questionnaire diffusé sur les réseaux sociaux, dont 96 600 femmes. "Le sentiment qu'on a aujourd'hui, c'est que malgré les avancées très nombreuses de ces dernières années, le corps des femmes, le désir des femmes, le plaisir sexuel des femmes sont encore niés, ignorés, y compris par les femmes elles-mêmes", a assuré Caroline de Haas. "L'égalité entre les femmes et les hommes, ce n'est pas seulement au travail, dans la rue ou dans la cuisine, c'est aussi dans l'intimité et dans les rapports sexuels", a-t-elle souligné.

franceinfo : Vous attendiez-vous à une telle avalanche de témoignages ?

Caroline de Haas : Non, on a été assez surprises par la réactivité des réseaux sociaux. Et ce qui est particulièrement intéressant dans cette enquête, c'est que 75% des personnes qui ont répondu ont moins de 35 ans. On voit donc que la question du consentement dans les rapports intimes, que ce soit entre couples, entre "dates", entre plans culs, peu importe, est fondamentale, y compris chez les jeunes générations. C'est un sujet qui concerne tout le monde et qui est vraiment d'actualité.

9 femmes sur 10 déclarent avoir subi des pressions de la part de leur compagnon pour passer à l'acte. De quels types de pressions parle-t-on ?

Ça va être des pressions violentes : il y a beaucoup de femmes qui parlent de violences dans les rapports intimes ou ça va être des pressions qu'on va qualifier de non-violentes, du genre "Allez, s'il te plaît, ça fait longtemps…" C'est plus insidieux. Et puis, ça peut être aussi répété. Par exemple, une fois sur Instagram, on avait eu une question d'une internaute qui nous disait : "Ça fait 20 fois que je dis non. Si je craque à la 21ème fois, qu'est-ce que c'est ?" Ça montre quand même qu'il y a un problème d'égalité et de respect du désir du consentement, et manifestement un problème de dialogue aussi au sein des couples. On a souvent l'impression que ce qui relève de l'intimité serait à l'écart de la société. En fait, nos intimités sont pétries des inégalités qui existent dans la société. L'égalité entre les femmes et les hommes, ce n'est pas seulement au travail, dans la rue ou dans la cuisine, c'est aussi dans l'intimité et dans les rapports sexuels. Et le sentiment qu'on a aujourd'hui, c'est que malgré les avancées très nombreuses de ces dernières années, le corps des femmes, le désir des femmes, le plaisir sexuel des femmes sont encore niés, ignorés, y compris par les femmes elles-mêmes. Cela fait donc partie des demandes que nous avons, c'est de lancer dans toutes les écoles et au niveau de la société des campagnes de sensibilisation, d'information, sur la question du plaisir, du désir, mais aussi sur la question du consentement et du rapport au corps.

La place des femmes, il en a aussi été question le week-end dernier, lors de la cérémonie des César, avec cette image d'Adèle Haenel qui quitte la salle au moment où Roman Polanski se voit attribuer le César du meilleur réalisateur. Etait-ce la bonne réaction, selon vous ?

Oui, moi j'ai été très choqué de voir que l'Académie des César récompense un homme qui est mis en cause par 12 femmes pour des faits de viol, parfois sur des mineures. Je ne sais pas s'ils se rendent compte du message que ça envoie à la société. Ça envoie le message que nos vies, nos corps, les violences qu'on a subies ne compteraient pas, ne seraient pas importants. Quand Adèle Haenel dit que distinguer Polanski, ça serait cracher à la gueule des victimes, elle a raison. Je pense même que c'est cracher à la gueule de toutes les femmes et de toute la société.

Le comédien Lambert Wilson a pris publiquement la défense de Roman Polanski. Le réalisateur est, selon lui, victime d'un "tribunal public" et d'une "forme de terrorisme". Qu'en pensez-vous ?

J'ai vraiment l'impression que Lambert Wilson est un peu dépassé par le monde qui bouge trop vite pour lui. On est en train de réinventer des rapports sociaux entre les femmes et les hommes dans le cadre du travail, dans le cadre des rapports amoureux. Et ces rapports, on va les construire sur une base d'égalité, de dialogue, de partage. Et ça, ça implique de sortir du déni vis-à-vis des violences sexistes et sexuelles qui existent dans notre pays. Il n'y a pas que Roman Polanski qui a commis des actes violents. Les violences sexistes et sexuelles existent dans tous les milieux et dans toutes les familles. Et Lambert Wilson a du mal à sortir du déni. Je peux le comprendre. Parfois, il me fait juste un peu de peine. J'ai juste envie de lui dire : passe à autre chose et laisse le monde avancer.

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