: Vidéo "13h15". "La 'Chanson de Craonne' est à la guerre 14-18 ce que la chanson 'Imagine' est à celle du Vietnam..."
Pendant la Première Guerre mondiale, des hommes ont refusé de monter au front, des grèves de soldats ont éclaté un peu partout. Pour dire "non" à cette "guerre infâme". Dans les tranchées, la "Chanson de Croanne" se fredonnait alors. Ils vont être plus de 60 000 à mettre crosse en l’air. Certains seront fusillés "pour l’exemple"… Extrait du magazine "13h15 le dimanche" du 12 novembre.
Au printemps 2017, sur le Chemin des Dames, un soldat écrit à sa femme : "A quatre kilomètres de là, les Français ont tellement bombardé le village de Craonne pour le prendre aux Allemand qu’il ne reste que des ruines dans lesquelles un prêtre bénit ceux qui montent, à moins qu’il ne donne l’absolution, tant on meurt vite une fois arrivé là-haut." Yves est un guide qui conduit régulièrement des classes d’élèves sur les lieux autrefois dévastés par le fer et le feu, où tant et tant d’hommes sont morts, et où quelques-uns se sont levés pour dire "non" à la guerre, au péril de leur vie. Le car scolaire traverse des paysages aujourd’hui verdoyants. Les enfants silencieux regardent le visage grave ce qui fut le théâtre d’une boucherie…
"Essayez d’imaginer une zone lunaire, demande-t-il aux adolescents. Il y avait un trou d’obus tous les vingt mètres carrés. Après la guerre, le sol était complètement pollué par les gaz, l’acier, le plomb, l’arsenic, l’acide nitrique qui servait à faire les munitions. Ici, avant la Première Guerre mondiale, il y avait un village. On est juste à côté où était l’église, autour de laquelle se trouvait un cimetière et il reste une tombe là-bas. Il y avait un hôtel de ville, une école, des cafés, la vie… Les combats du 5 mai sont effrayants en violence. Le 15 mai, le général Robert Nivelle est démis de son commandement et il est remplacé par le général Philippe Pétain, qui commence à avoir un problème, car ça commence à bouger dur dans l’armée française…"
L’hymne des "sacrifiés"
Des hommes refusent de monter au front, des grèves de soldats éclatent un peu partout… La Chanson de Craonne se fredonne alors dans les tranchées : Quand au bout d'huit jours, le r'pos terminé / On va r'prendre les tranchées / Notre place est si utile / Que sans nous on prend la pile / Mais c'est bien fini, on en a assez / Personn' ne veut plus marcher / Et le cœur bien gros, comm' dans un sanglot / On dit adieu aux civ’lots / Même sans tambour, même sans trompette / On s'en va là-haut en baissant la tête / Adieu la vie, adieu l’amour, Adieu toutes les femmes / C’est bien fini, c'est pour toujours / De cette guerre infâme / C’est à Craonne, sur le plateau / Qu’on doit laisser sa peau / Car nous sommes tous condamnés / C’est nous les sacrifiés !
"Cette chanson donne un putain de goût d’amertume dans la bouche quand on la chante. Pour moi, La Chanson de Craonne, c’est la chanson Imagine de John Lennon pour la guerre du Vietnam. C’est ça, voilà", raconte le guide. Un passionné qui fait vivre la mémoire de ces lieux. Imaginer dire "non" sur le chemin de l’abattoir, même une heure, même seulement à coups de chanson, n’est pas chose facile quand les ordres pleuvent. Et pourtant, juste après le Chemin des Dames, ils vont être plus de 60 000 à sauter le pas. Nombre de ces soldats ont été fusillés "pour l’exemple", d’autres déportés ou emprisonnés, leurs noms à jamais effacés, jusque sur le marbre glacé des monuments aux morts érigés au cœur des communes de France.
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