Cet article date de plus de six ans.

Commémorations du 11-Novembre : Emmanuel Macron veut "s'inscrire dans une histoire longue, sans repentance"

Denis Peschanski, directeur de recherche au CNRS, a expliqué, samedi sur franceinfo, qu'Emmanuel Macron s'inscrivait "dans la continuité" de ses prédécesseurs sur le sujet des commémorations.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Le président de la République Emmanuel Macron, lors des commémorations du 11-Novembre, en 2017. (FRANCOIS GUILLOT / POOL)

L'historien Denis Peschanski, directeur de recherche au CNRS, est revenu, samedi 11 novembre pour franceinfo, sur la tradition française des commémorations et particulièrement celle du 11-Novembre. Celui qui est aussi membre du conseil scientifique de l'Observatoire B2V des mémoires a évoqué la façon dont Emmanuel Macron s'inscrit "dans la continuité", tout en voulant "revendiquer l'inscription dans une histoire longue".

>>>> Regarder en direct les commémorations du 11-Novembre en présence d'Emmanuel Macron

franceinfo : Nous sommes dans des commémorations particulières, un peu différentes, depuis 2014 et jusqu'à l'an prochain, pile cent ans après la guerre.

Denis Peschanski : Je voudrais d'abord insister sur la continuité. On a un président qui a l'évidence a compris que, assez curieusement d'ailleurs, dans un pays où l'histoire est une sorte de passion française, la mémoire collective était comme une prérogative de la présidence. On doit faire un discours évidemment sur le centenaire de la Première Guerre. Mais vous savez très bien que dans deux jours il va participer aux commémorations des attentats terroristes du 13-Novembre. D'une certaine façon, il s'inscrit dans la continuité des présidents de la République, avec peut-être deux singularités. Sur Vichy, il est en rupture avec l'héritage gaullo-mitterrandien, mais dans la continuité Chirac-Sarkozy-Hollande. Et par ailleurs, il veut revendiquer l'inscription dans une histoire longue. Il parle de la monarchie, il parle de la Révolution française, il parle de Vichy. Il veut s'inscrire dans une histoire longue.

Nicolas Sarkozy disait vouloir en finir avec la "repentance", avec donc le sentiment peut-être de culpabilité vis-à-vis d'évènements graves comme la colonisation, la Shoah, la guerre d'Algérie. On a l'impression qu'Emmanuel Macron veut réconcilier les Français avec ces blessures historiques.

C'est le "en même temps" appliqué à la politique commémorative. Il veut aussi mettre en avant des figures positives, des figures du héros pour aller de l'avant. Cela s'inscrit dans un projet qui est aussi politique et économique. Mais, en même temps, il assume toutes les pages de cette histoire-là. Et il le dit sans repentance. C'est un discours de fermeté pour expliquer dans quelle perspective on se place, mais qui refuse une politique qu'on appelle politique victimaire, de continuellement être dans la repentance en mettant toutes les victimes, sans aucune différence d'ailleurs, sur le même plan.

On pensait qu'il était dans une démarche de moins commémorer que François Hollande. On n'est finalement pas dans une rareté de l'hommage.

C'est impossible. Il est vrai que François Hollande avait fait de cette politique commémorative comme une scansion de son quinquennat. C'est impossible pour un président, qui a un projet, et qui inscrit cette histoire dans le projet, d'être absent. Comment voulez-vous être absent des commémorations du centenaire de la Première Guerre mondiale ? Dans un an, il a convoqué 80 chefs d'États pour commémorer le Centenaire de 1918. Et lundi, il sera à toutes les étapes de la commémoration des attentats du 13-Novembre. Il y a des contraintes. La parole sera peut-être plus rare, mais elle ne sera certainement pas absente.

Est-ce qu'il y a une sorte de gain politique, de respectabilité, qui s'opère lorsqu'on est en position de rendre des hommages ?

Si jamais le Président ne s'inscrit pas dans cette continuité, il rompt avec une tradition. Il ne peut pas le faire, les Français ne l'accepteraient pas. Et en plus, il a une visée. Il instrumentalise l'histoire, pas au sens négatif du terme. Quand de Gaulle convoque Jean Moulin en décembre 1964, avec ce discours extraordinaire de Malraux pour l'entrée des cendres de Jean Moulin au Panthéon, c'est l'homme du 18 juin 1940, qui va chercher, pour la construction de sa légitimité dans le présent, le héros du passé. Jean Moulin, qui était peu connu par les Français, devient incontournable. Il devient une figure majeure de la mémoire collective des Français.

"On a un président qui a l'évidence a compris que dans un pays où l'histoire est une sorte de passion française, la mémoire collective était comme une prérogative de la présidence", Denis Peschanski

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.