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Violences conjugales : "Il faut une coordination permanente de tous les acteurs", souligne la procureure générale de la Cour d’appel de Lyon

Dans un rapport publié ce mercredi, le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes pointe des dysfonctionnements de certains dispositifs visant à lutter contre les violences conjugales. Sylvie Moisson, procureure générale de la Cour d’appel de Lyon le juge "sévère" et estime que "si on ne le contextualise pas, on fait passer un très mauvais message aux hommes violents" et aux femmes.

Article rédigé par franceinfo
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"Pas une de plus" - collage féministe à Paris. (Photo d'illustration) (FIONA MOGHADDAM / FRANCE-CULTURE)

Le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes a publié ce mercredi 9 juin son premier tableau d’indicateurs sur la politique publique de lutte contre les violences conjugales, alertant sur les dysfonctionnements de certains dispositifs. "Il faut une coordination permanente de tous les acteurs", indique Sylvie Moisson, procureure générale de la Cour d’appel de Lyon sur franceinfo ce mercredi. "La justice a bien sûr un rôle éminent dans ce domaine (...) mais toute seule, elle ne peut pas tout faire".

Par ailleurs, elle juge "sévère" le constat effectué par le Haut conseil à l'égalité car "les données datent de 2019", poursuit-elle. Elle estime que depuis, "le Grenelle contre les violences conjugales est passé, les différentes mesures nationales (...), locales et régionales ont été prises".


franceinfo : C’est un rapport fondé sur l’année 2019. En 2021, les choses ont-elles évolué ou ces constats restent-ils d’actualité ?

Sylvie Moisson : Il est sévère, mais il est daté. Il faut contextualiser ce rapport. Les données sont de 2019, nous sommes en 2021 et à l’évidence le Grenelle [contre les violences conjugales] en 2019 est passé, les différentes mesures nationales ont été prises, dont le bracelet anti-rapprochement, des initiatives locales et régionales ont été prises. Je ne discute pas le sérieux de ce constat pour l’année 2019, mais attention parce que si on ne le contextualise pas, on fait passer un très mauvais message. Aux hommes violents, cela voudrait dire 'allez-y vous êtes tranquilles'. Et aux femmes, cela voudrait dire 'en 2021 continuez à subir des coups, votre conjoint est tranquille, il ne risque rien alors continuez de vous taire'. C’est faux.

Votre proposition de prendre en charge les enfants des victimes de féminicides a été retenue par le département du Rhône. Ces réponses locales peuvent-elles améliorer la situation et répondre à tout ce qui est pointé du doigt par le Haut conseil à l’égalité ?

Bien sûr, c’est un tout. Il faut des initiatives et des directives nationales. Il faut aussi qu’au plan régional, au plan local, chacun s’en empare. Dans cette lutte contre les violences faites aux femmes, il y a trois leviers qui ne sont pas exclusifs l’un de l’autre mais qui doivent être mobilisés ensemble. Le premier levier, c’est de protéger les femmes, les mettre en sécurité. Les mettre en sécurité, c’est non seulement les héberger en urgence, mais c’est aussi les héberger durablement. C’est absolument indispensable. Il y a la phase aigüe de mise en sécurité, où une femme et ses enfants appellent une association la nuit. À Lyon, nous avons l’association VIFFIL qui a mis en place un dispositif de prise en charge immédiate et adaptée. Il y a aussi une phase de suivi, bien sûr ce sont les associations mais pas toutes seules. Qui peut prendre en charge des logements adaptés avec des dispositifs de personnels adaptés, mis à disposition par ces associations ? Qui propose ces logements ? Ce sont les maires, les bailleurs sociaux. Je voudrais bien entendre tous les acteurs : les policiers, les gendarmes, les magistrats du siège, les magistrats du parquet, les associations, le corps médical, les maires, les bailleurs sociaux. La justice a bien sûr un rôle éminent dans ce domaine : qu’elle ne cherche pas à suivre, mais toute seule elle ne peut pas tout faire.

La semaine dernière, une circulaire a été envoyée directement aux policiers, aux gendarmes, aux tribunaux, pour leur demander de faire de toutes les plaintes pour violences conjugales des sujets prioritaires. Ça peut aider à changer les choses ?

Le grand signal, c’était le Grenelle contre les violences conjugales en 2019. Vous parliez d’initiatives régionales, le 26 novembre 2019 j’ai lancé ici la première table ronde régionale.Toute une journée, on a fait des tables rondes avec tous les partenaires pour se dire ce qui ne va pas. On a toujours beaucoup trop de mortes. Qu’est-ce qui ne va pas ? Est-ce qu’il nous manque des outils, des dispositifs ? Ou est-ce que c’est peut-être notre coordination entre nous qui est perfectible ? La conclusion, c’est qu’il faut plus se parler, il faut se coordonner. Par exemple, lorsqu’on défère un conjoint violent, qu’on le poursuit et le convoque en comparution immédiate et que le tribunal décide qu’il n’y a pas lieu de l’incarcérer immédiatement. Il faut peut-être, en parallèle, protéger la femme en lui remettant un téléphone grave danger ou en lui faisant bénéficier d’un dispositif de BAR (Bracelet anti-rapprochement). Il y a trois leviers : la protection des femmes, la réponse pénale à l’égard du conjoint et la protection des enfants. Au quotidien, il faut protéger l’exercice des droits de visite du père pour que la femme ne soit pas mise en danger par l’intermédiaire des enfants. Il faut une coordination permanente de tous les acteurs. Je ne dis pas qu’elle est parfaite en 2021, mais c’est notre objectif à tous.

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