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Quatre questions sur l'arrêt des soins prodigués à Vincent Lambert

La procédure d'interruption des soins a débuté lundi 20 mai, malgré les recours déposés par les avocats des parents du patient.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Temps de lecture : 5 min
Un membre du comité de soutien du tétraplégique français Vincent Lambert, pancarte à la main, dimanche 19 mai lors d'une manifestation devant le CHU de Reims (FRANCOIS NASCIMBENI / AFP)

Environ deux cents personnes étaient rassemblées devant le CHU de Reims, dimanche 19 mai, pour s'opposer à l'arrêt des soins de Vincent Lambert. Ceux-ci ont pourtant bel et bien débuté, lundi 20 mai. Le sort de ce patient tétraplégique, en état végétatif depuis un accident de la route en 2008, est l'objet d'une bataille judiciaire opposant, depuis 2013, sa femme, Rachel Lambert, favorable à l'arrêt des soins, à ses parents, Viviane et Pierre Lambert, qui refusent de laisser leur fils mourir. 

Ces derniers ont essayé, par le biais de nouveaux recours déposés lundi, de suspendre cette décision. "Évidemment que nous allons essayer d'arrêter cette procédure, a affirmé l'un des avocats des parents Jérôme Triomphe sur franceinfo, Vincent n'est pas le symbole de la fin de vie parce que Vincent n'est pas en fin de vie (...) La réalité c'est que Vincent n'a aucune machine qui le maintient artificiellement en vie et que l'alimentation et l'hydratation ne sont pas des maintiens artificiels de la vie".

Pourquoi les soins ont-ils été interrompus ?

Le 31 janvier 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a validé la procédure d'arrêt des soins lancée par le CHU de Reims. Cette décision a été confirmée par le Conseil d'Etat le 24 avril. La plus haute juridiction administrative française, tout comme la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) également consultée, a estimé que "le maintien des soins et traitements de Vincent Lambert constitue une obstination déraisonnable", s'appuyant sur la loi Claeys-Leonetti du 2 février 2016. Selon cette loi, les traitements peuvent être "suspendus" lorsqu'ils "apparaissent inutiles, disproportionnés ou lorsqu'ils n'ont d'autre effet que le seul maintien artificiel de la vie". La décision doit être prise par les médecins de façon "collégiale"

Le 10 mai, le médecin Vincent Sanchez, qui dirige le service des soins palliatifs et l'unité des "cérébrolésés" du CHU de Reims, avait annoncé aux parents qu'il allait "arrêter la nutrition et l'hydratation artificielles la semaine du 20 mai"

Est-ce la première fois que l'arrêt des soins est programmé ?

Depuis que Vincent Lambert est hospitalisé dans cet état, c'est la cinquième fois que l'arrêt des soins est annoncé, après 2013, 2014, 2015 et 2016. En mai 2013, retrace Le Monde, un premier arrêt des traitements avait été interrompu au bout de 31 jours, sur injonction du tribunal administratif. Il avait été saisi par Viviane et Pierre Lambert, car ils n'avaient pas été explicitement informés de cette interruption des traitements.

A l'époque, l'équipe médicale avait fait le choix de maintenir deux cents millilitres d'hydratation par jour, ce qui avait permis à Vincent Lambert d'être toujours en vie. "L’idée était de le laisser partir lentement, de sa belle mort. C’était une erreur. A l’époque, nous ne savions pas faire", reconnaîtra le docteur Eric Kariger, le médecin alors à l’origine de la décision, dans Ma Vérité sur l’affaire Vincent Lambert (Bayard, 2015), rappelle le quotidien.

Les trois années suivantes, les procédures d'arrêt des soins se sont succédé, entre expertises médicales, décisions du tribunal administratif et avis du Conseil d'Etat et de la CEDH.

Comment se déroule, concrètement, cet arrêt des soins ?

L'interruption prévoit, selon une source médicale à l'AFP, l'arrêt des machines à hydrater et alimenter de cet homme aujourd'hui âgé de 42 ans, ainsi qu'une prise d'analgésiques "par précaution"

Vincent Lambert n'ayant pas de difficultés respiratoires, ce sont donc les sondes permettant de l'alimenter et de l'hydrater qui devraient être retirées. En revanche, il n'est pas autorisé de faire une injection de produit létal en une prise, ce qui équivaudrait à de l'euthanasie, qui est formellement interdite en France. "Le décès va survenir à cause des conséquences de la déshydratation sur les organes vitaux, par insuffisance rénale", éclaire Vincent Morel, professeur associé de médecine palliative au CHU de Rennes et ancien président de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP), dans Le Monde.

Le rôle des reins est primordial : en raison de l'insuffisance rénale, le potassium s'accumule dans le sang et finit par provoquer l'arrêt du coeur. L'équipe soignante se doit d'accompagner le patient jusqu'au bout, avec des soins comme la toilette, le toucher-massage, les soins de bouche (compresses humidifiées contre la sécheresse...) ou des yeux (gouttes). Le processus "n'est pas un arrêt des soins, c'est un arrêt du maintien artificiel en vie", souligne le docteur Devalois, spécialiste des soins palliatifs à la maison de santé protestante de Bordeaux Bagatelle.

Est-ce que Vincent Lambert va souffrir ?

Pour éviter que le patient ne souffre, cette interruption de l'hydratation et de l'alimentation s'accompagne d'une sédation "contrôlée, profonde et continue", précise une source médicale à l'AFP. Généralement, on utilise du midazolam, une molécule "qui ralentit le rythme respiratoire, qui fait effet très vite et qui permet d’être au plus juste des besoins du patient", explique au Monde Claire Fourcade, médecin de soins palliatifs à Narbonne (Aude) et vice-présidente de la SFAP. L'utilisation de cette molécule nécessite "une grande vigilance", prévient le docteur.

"Il est vrai que, symboliquement, l'idée de couper l'alimentation et l'apport en eau peut être choquante. Aussi, les médecins ont-ils le devoir, dans le cadre de la disposition de la loi appelée la sédation profonde et continue, d'ajouter des doses d'antidouleur ou de morphine qui endorment le patient, et accélèrent aussi son décès, sans douleur", précise au Parisien un médecin spécialiste des soins palliatifs. Le docteur Bernard Devalois ajoute à l'AFP que "les gens confondent la soif et la sécheresse de la bouche. Dans le cas de Monsieur Lambert, il n'y a pas de sensation de soif : pour avoir soif, il faut avoir conscience".

Cette interruption de l'alimentation et de l'hydratation peut conduire à un décès en quelques jours au minimum. "Cela peut-être long de mourir d’un arrêt d’alimentation et d’hydratation, si le reste du corps est encore en bon état : plusieurs jours au moins, jusqu’à deux pleines et longues semaines parfois", ajoute le docteur Véronique Fournier, présidente du Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie, dans La mort est-elle un droit ? (La Documentation française, 2016).

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